Le constructeur allemand va payer une amende de 93 millions de dollars et restituer aux autorités fiscales américaines 91 millions pour avoir violé les dispositions de la loi contre le versement de bakchichs.
Il y a peu, Christine Lagarde notre souriante ministre de l’Economie émettait l’idée que l’Allemagne, notre voisine et première partenaire commerciale, puisse réduire un brin son excédent commercial et participer plus activement à la relance de la croissance européenne en achetant davantage.
C’est vrai que la recette de la compétitivité allemande à l’exportation a quelque chose de mystérieux. Comment, avec des coûts de production élevés -exprimés qui plus est en euros-, nos voisins et amis peuvent-ils se montrer si performants sur les marchés extérieurs années après années alors que nous collectionnons les déficits ? Championne du monde de l’exportation toutes catégories, ce n’est que très récemment que l’Allemagne a cédé son titre à la Chine.
La lecture d’un communiqué du géant industriel Daimler AG daté du 1er avril lève une partie du voile.
Cotée –malencontreusement - à la bourse de New York, en plus des places financières de Stuttgart et Francfort, l’entreprise dont le siège est à Stuttgart vient en effet de passer un accord avec la SEC, l’équivalent américain de l’Autorité des marchés financiers, et le ministère américain de la Justice, aux termes duquel elle accepte de payer une amende de 93,6 millions de dollars et de restituer aux autorités fiscales US 91,4 millions de dollars de profits indus, en raison de multiples violations des dispositions de la loi contre le versement de commissions et autres bakchichs dans les transactions commerciales internationales (« Foreign Corrupt Practices Act 1977 »).
L’enquête conduite par les autorités américaines depuis 2004 portait sur les conditions dans lesquelles Daimler a décroché les marchés pour les bus fabriqués par le groupe industriel dans son unité de production turque. Lors d’une perquisition au siège de la filiale situé à Istanbul menée par la police locale à la suite de la plainte américaine, trois dossiers revêtus d’une étiquette portant les initiales « N.A. » avaient été saisis dans un coffre.
Il n’avait pas fallu longtemps aux enquêteurs pour comprendre que les lettres « NA » signifiaient « Nutzliche Aufwendungen » ; en français, « Paiements Utiles » et dans la langue universelle du big business, « bakchichs et huile de coude ».
Les pièces saisies donnaient en effet le détail des commissions versées illégalement par le groupe à divers intermédiaires de 22 pays pour les persuader d’acheter ses autobus ; des sommes finalement modestes en regard du montant des marchés ainsi obtenus : 3 millions d’euros en Russie, 4 millions en Chine… Au Turkistan où, comme chacun sait les autobus et les camions Daimler se vendent comme des petits pains, une Merco de classe S blindée en cadeau à un membre du gouvernement à l’occasion de son anniversaire a suffi pour emporter le morceau…
Les Américains qui ont théoriquement prohibé le versement de commissions depuis 1977, voyaient d’un très mauvais œil leurs concurrents allemands leur tailler des croupières sur le marché mondial en continuant à verser des enveloppes dodues. L’Allemagne s’est finalement dotée en 1999 d’un arsenal législatif prohibant les bakchichs…que Daimler a continué à ignorer jusqu’en 2006 c’est à dire deux ans après s’être fait pincer par la patrouille.
La punition peut paraître légère : en 2009, le groupe a vendu 1,6 million de véhicules produits par plus de 256 000 personnes ayant réalisé un chiffre d’affaires total de 78,9 milliards d’euros. Pour faire amende honorable, elle a accepté d’embaucher le juge américain Louis Freeh comme responsable de la conformité (Chief Compliance officer) pendant trois ans. Histoire de s’assurer que les camions et les bus du groupe seront maintenant vendus à la loyale…
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