Selon le Parisien, l’« Emir aux yeux bleus », de son vrai nom Pierre Robert, condamné à perpétuité au Maroc pour terrorisme ne croit plus au Djihad. Pas bête : ça lui permettra peut-être de purger sa peine, qui pourrait être réduite, en France. Une facilité dont ne bénéficient ni les islamistes radicaux condamnés dans l’Hexagone ni ceux directement impliqués dans les attentats de Casablanca, au Maroc.
C’est le quotidien Le Parisien qui a donné l’information. Information qui, soit dit en passant, a largement été ignorée par la presse tant française que marocaine. Le Français Pierre Richard Robert, alias Abou Abderrahmane, alias Yacoub, mais plus connu comme l’« Emir aux yeux bleus » renonce au Djihad. C’est en tout cas ce qu’affirme son avocat Maître Courcelle-Labrousse [1] au Parisien : « Il veut témoigner de son erreur. Il veut éviter à d’autres jeunes de répéter le même faux pas ». Mieux encore : selon le quotidien, Pierre Robert a sollicité un rendez-vous avec un prêtre afin de renouer avec ses racines culturelles et religieuses !
Étonnant pour ce salafiste assumé et condamné à la prison à perpétuité en 2003 par la justice marocaine pour avoir dirigé une cellule terroriste. Le 4 octobre 2005 dans une lettre confuse écrite en cachette depuis la prison de Salé, le même Pierre Robert tartinait : « Oui, être salafiste en France revient pour moi à pratiquer un Islam de France pour ce qui concerne le mode de vie tout en suivant scrupuleusement la sunna du Prophète dans tout ce qui concerne l’adoration (prière, jeûne…) ».
Cette repentance n’est toutefois pas un scoop. Dès 2005, dans son courrier, Pierre Robert, visiblement prêt à tout pour s’extraire des geôles marocaines, crachait sur Al Qaida : « selon moi, l’Islam n’est pas et n’a jamais été ce code d’honneur de tueur sanguinaire qu’en ont fait les membres d’Al Qaida. (…) Plus encore le salafisme a été selon moi, lui aussi, travesti tant au niveau du dogme que de la jurisprudence qui (…) est devenue par la malveillance des « faux salafistes » un ensemble de gestes ostentatoires « made in Kaboul ou Peshawar » visant à pousser les croyants à l’isolement communautaire. »
Pourtant Pierre Robert n’est pas un ange. Selon sa biographie rédigée par les DST française et marocaine à coups de tuyaux donnés à la presse, il s’est converti à l’Islam à l’âge de 18 ans alors qu’il vivait et travaillait encore en France, près de la ville de Saint-Etienne. Après un séjour en Turquie, il se serait entraîné dans des camps en Afghanistan avant de rejoindre le Maroc dès 1996 où il aurait adhéré à la Salafiya Djihadiya. La DST marocaine va même plus loin. En 2003, elle n’hésitait pas à distiller auprès des journaux entretenus par le ministère de l’Intérieur que Pierre Robert préparait un attentat contre une centrale nucléaire et une unité de production de gaz en France. Mais aussi qu’avec son groupe, il envisageait d’attaquer des camps de l’armée marocaine. Le tout à prendre avec les pincettes d’usage dès que les services s’en mêlent…
Être Français embastillé au Maroc peut se révéler commode. Être Australien à Guantanamo, aussi. En plaidant coupable et en renonçant à dénoncer les tortures subies, David Hicks, que la presse appelle « le Taliban australien », a été condamné à 7 ans de prison pour soutien matériel au terrorisme (il a brièvement combattu aux côtés des Talibans en 2001). Il lui reste neuf mois à purger, qu’il pourra effectuer en Australie et non à Guantanamo. David Hicks est le premier détenu de ce sinistre camp américain installé à Cuba à être condamné par le système des commissions militaires de l’administration Bush. Les Afghans, Pakistanais, Irakiens et autres Egyptiens de Guantanamo auront-ils cette chance ?
Avec un tel CV, l’intérêt de la repentance de Pierre Robert est de taille : elle lui permettra peut-être de purger sa peine en France qui pourrait alors être revue à la baisse… Un transfert que le repenti réclame au moins depuis 2005 lorsqu’il écrivait : « je déclare entamer une grève de la faim illimitée jusqu’à ce que je sois transféré en France afin que des magistrats français s’assurent de la caducité de la sentence prononcée à mon rencontre (mon dossier ne contient pas moins de dix vices de procédure) et que je retrouve ma liberté. » Ben voyons… Selon son avocat, Pierre Robert envisage même de pousser le bouchon jusqu’à demander une grâce royale à Mohammed VI. Et pour cause ! 300 islamistes marocains repentis capturés à la va-vite au lendemain des attentats de Casablanca ont déjà été graciés. Pour désengorger les prisons et remédier aux jugements expéditifs d’une justice qui délire.
[1] Contacté par téléphone Maître Vincent Courcelle-Labrousse a refusé de parler à Bakchich.