Avez-vous jamais entendu, dans un cercle ou un media convenable, prononcer un seul mot négatif sur Elisabeth Badinter ? Cette dame est une sainte.
C’est bien qu’elle ait pris la place laissée vide sur terre par notre petite Thérèse de Lisieux (à ce propos, Lisa, si tu pouvais faire pleuvoir des pétales de roses plutôt que de la neige, le miracle serait le bienvenu, surtout dans l’Eure). Notre icône vient, accompagnée du tapage qui va si bien au teint d’un dame de Publicis, de pondre un livre : « Le conflit, la femme et la mère ».
L’analyse de cette somme viendra plus tard. Mais, moi-même et quelques amis sommes fébriles : la chronique nous dit, que l’ouvrage vient couronner l’œuvre. Que cet opus capital, on nous le jure, repousse les frontières de l’admirable tracées naguère par Laurence Pernoud. Seule erreur marchande, c’est ballot de publier un bouquin au moment où BHL encombre colonnes et gondoles (Lisa, t’as plus de têtes ?).
Pour parler du contexte, sans aborder le fond qui réclame d’être en forme, madame Badinter me fait l’effet d’un marchand d’armes manifestant contre la guerre. Avec son perpétuel habeas corpus, et le renfort du crédit de son mari si ça ne suffit pas, Elisabeth Badinter réussit depuis vingt ans à faire oublier qu’elle est l’actionnaire principale de Publicis, compagnie dont on sait que la situation des femmes n’y est pas meilleure qu’ailleurs, que les syndicats occupent la place du mort et que la structure du groupe, par petites unités, permet de mieux faire souffler l’esprit maison. Tout cela, en gros, donne à Lisa 650 millions d’euros sur son Livret A. Ce qui est bien c’est que les conseils d’administration, ou stratégiques, lui laissent du temps pour écrire, comme Churchill qui savait faire la guerre tout en noircissant des pages d’histoire, jusqu’au Nobel de littérature.
Applaudissons cette femme admirable qui a si bien sû maîtriser son emploi du temps, celui d’épouse de mère, de travailleuse et de licencieuse. Je veux dire sa capacité à foutre des gens à la porte tout en poursuivant son exemplaire destin de femme. Heureusement que, dans le huitième arrondissement, les crèches existent depuis longtemps. Elisabeth et son destin a pu élever ses trois enfants, travailler dur et écrire des livres admirables. Avant elle, on ne voit que la comtesse de Ségur pour en avoir fait autant.
On me dit que, dans son dernier opus, Elisabeth s’en prend aux femmes qui rejettent le lait en poudre, les petits pots et les Pampers, leur préférant l’allaitement au sein, la purée faite main et les couches lavables. Je relève ici un conflit d’intérêt : comment peut-on posséder le troisième trust de pub au monde tout en vantant de façon crédible tout ce consommable que Maurice Lévy, patron de Publicis, s’acharne à nous vendre. Le tout dans des termes qui , comme la burqa, ne respectent pas toujours « l’image et la dignité de la femme » ? Que pense Elisabeth, quand la boîte dont elle possède 10,16% nous montre un gros con qui change de vie, donc de femme, mais « garde sa Clio » ?
Dans le métro de Paris il y a de gens que la pub importune. Alors ils gribouillent ou déchirent, détournent, ce qui est un droit de la rue, même un art. Et bien Monsieur RATP et Monsieur Lévy, donc le délégué d’Elisabeth, de conserve, attaquent en justice 62 terroristes qui se sont fait chopper pour leur réclamer des années de smic en indemnités. Le 5 avril 2004 les « Amis de la Terre », qui furent des écolos avant l’invention de l’écologie, écrivent à Badinter Elisabeth pour obtenir clémence… Leur répond une inconnue des médias, une certaine Présidente du Conseil de Surveillance de Publicis Groupe, qui signe Elisabeth Badinter. Cette femme d’affaires écrit :
« De manière plus générale, votre courrier manifeste un rejet de la publicité pour tout ce qui ne convient pas à votre éthique personnelle. On peut certes regretter que notre société produise des biens jetables plutôt que durables. Je pense contrairement à vous, que le consommateur n’est pas dénué de discernement, qu’il a le sens de ses intérêts et sait très bien choisir ce dont il a besoin. Enfin, il me semble qu’il faille rendre grâce à la liberté du commerce et de l’industrie car je ne connais pas de pays démocratiques où elle n’existe pas, même si l’inverse n’est pas toujours vrai. »
Si cette dame Badinter est la même que celle qui écrit des livres, elle devrait publier un bouquin dont je lui propose le titre : « La liberté du commerce et de l’industrie comme moyen de mesurer la démocratie ». C’est un peu long, mais chez Odile Jacob ça fait sérieux.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Cet article est tout simplement ridicule. La question n’est pas de savoir si Mme Badinter a intérêt à soutenir ses thèses, mais si elles sont correctement argumentées et formulées, ce qui est le cas.
En fait, cher monsieur Bourget, vous illustrez opportunément l’idée d’une collusion contre nature du conservatisme et de l’écologisme au service d’une nouvelle bien-pensance. L’argument ad hominem dans lequel vous vous égarez est depuis des lustres l’arme préférée de ceux qui croient avoir le monopole de la bonne foi.