Depuis mardi, la rédaction du grand hebdo de la gauche tarama est dirigée « de facto » par un chef d’entreprise. Denis Olivennes, ancien patron de la Fnac, directeur de publication et directeur général délégué du groupe Nouvel Observateur depuis juin, vient de prendre le pouvoir à la rédaction.
Ca bouge à l’Obs. Claude Perdriel l’a confirmé lundi 15 septembre : « Guillaume Malaurie a souhaité prendre du champ, je le regrette et je souhaite qu’il réfléchisse à son rôle futur, le plus important possible au sein de la rédaction du Nouvel Observateur », affirme le PDG du groupe. (Mal) Elu en tandem avec Michel Labro, le 15 décembre 2006, à la tête de la rédaction, Guillaume Malaurie fait les frais de l’arrivée de l’ancien patron de la Fnac, Denis Olivennes. C’est donc ce dernier qui, comme l’affirme la SDR de l’Obs, dirigera « de facto » la rédaction.
Problème, si on relit la charte du journal, adoptée en 2004, les journalistes doivent voter sur la nomination du directeur de la rédaction. Olivennes n’est pas contre, mais Claude Perdriel n’a pas l’air très chaud. La SDR assure, de son côté qu’elle « proposera l’organisation d’une Assemblée générale extraordinaire afin de discuter de cette nouvelle situation et de consulter l’ensemble des journalistes. » Denis Olivennes, lui, tente de faire accepter l’idée et devait recevoir ce mercredi les 26 (rien que ça) rédacteurs en chef du journal.
Le directeur de la rédaction est nommé pour un mandat de 5 ans renouvelable par le président du conseil d’administration après consultation. La rédaction vote sur cette nomination, sur la question suivante : « estimez-vous que la nomination de ce directeur est susceptible de modifier l’orientation rédactionnelle et éditoriale de l’Observateur ». Si 66% des inscrits votent oui, le président doit procéder à une nouvelle nomination, le veto étant acquis.
Si deux fois de suite, la nomination est sans résultat, le président avec le conseil a le droit de nommer un directeur de la rédaction sans possibilité de veto.
Sont considérés inscrits prenant part au vote les journalistes salariés membres de la Société des rédacteurs, dont la moitié au moins des revenus sont assurés par Le Nouvel Observateur. Le vote a lieu à bulletin secret avec 2 assesseurs, un nommé par le directeur général, l’autre par la Société des rédacteurs. Le directeur de la rédaction est révocable si deux ans de suite Le Nouvel Observateur perd des lecteurs d’une façon sensible ou si le Conseil d’administration juge qu’il ne suit plus la ligne éditoriale.
Il est responsable chaque semaine du contenu rédactionnel du Nouvel Observateur. Il gère et anime la rédaction au quotidien et met en œuvre les décisions du Comité éditorial.
Il est tenu de respecter le budget fixé par le Conseil d’administration. Il fait respecter chaque semaine, avant parution, la ligne éditoriale du Nouvel Observateur définie par la charte.
Toutefois, le ton était déjà donné depuis un moment. Depuis le 2 juin dernier, date à laquelle Denis Olivennes a posé ses valises place de la Bourse, il n’a cessé de monter en puissance au sein du journal. Il reconnaît d’ailleurs lui-même en interne avoir un rôle « hybride », à la fois gestionnaire et partie prenante dans la rédaction.
Dans la série des patrons de presse cumulard, Olivennes n’est pas tout seul. Dernièrement, Nicolas Beytout, ancien journaliste, PDG de DI Group, le pôle médias de LVMH, s’est illustré en annonçant qu’il animerait une émission hebdomadaire d’actualité sur I-Télé. Il n’en fallait pas plus pour énerver le SNJ maison qui dénonçait dans un communiqué : « ce mélange des genres » et prévenait qu’elle se montrerait « particulièrement vigilante à tout dérapage qui pourrait porter atteinte à l’image et à l’indépendance des rédactions du groupe. »
Désormais installé au troisième étage de l’immeuble, place de la Bourse à Paris, dans le bureau de Guillaume Malaurie et au cœur de la rédaction, Denis Olivennes veut « mieux orchestrer les articles », mieux « rythmer le journal ». S’il part en Afghanistan en compagnie de Florence Aubenas et Hervé Morin pour tâter du grand reportage, s’intéresse à l’équipe du site internet en participant à la création très matinale d’une Une (une première pour un patron de l’Obs), impose la publication d’un article de Philippe Val sur l’affaire Siné, appelle Martin Hirsch à s’occuper du PS dans les colonnes du journal, discute avec Alain Minc dans les pages débat, anime de toute sa fougue les conférences de rédaction, l’homme a toutefois quelques limites. C’est d’ailleurs lui qui le dit : « Mettre les mains dans le cambouis certainement, mais pas au point de réécrire un chapeau. » Que les grandes plumes de l’Obs se rassurent, l’homme se voit comme un « catalyseur », un « animateur ». De là à se voir patron de la rédaction…
Et des projets, pour l’hebdo, il en a. Des économies d’abord. Le supplément parisien a eu quelques sueurs froides. La pagination en baisse annonçait-elle la fin du PIF (Paris île de France) ? C’était le souhait d’Olivennes. Mais c’était sans compter sur le grand Claude Perdriel, qui, s’il a dit qu’il voulait « prendre du champ », garde un œil sur tout et a donc commandé du papier pour l’impression de Paris Obs, sans en avertir son nouveau poulain…
Quant au bâteau amiral, il devrait, si ce n’est déjà le cas, connaître quelques changements. La nomination de « grands » éditeurs au dessus de chaque service, chargé de relire les papiers une dernière fois avant publication, ou encore la création d’un pôle enquête, regroupant les plumes du journal. Si le groupe Nouvel Observateur se porte bien, les ventes de l’hebdo sont légèrement en baisse (Selon les chiffres de l’OJD, les ventes ont baissé de 1,02% entre le 2ème trimestre 2007 et le 2ème trimestre 2008). Et l’ancien patron de la Fnac ne l’entend pas de cette oreille, même si en interne certains raillent déjà « son manque de culture journalistique ».
Lire ou relire dans Bakchich :
J’ai décidé de ne plus acheter ces canards sans intérêts : Le Monde, Libé, le Nouvel Obs, Charlie Hebdo. Comme je n’achetais déjà pas le Figaro ou la PQR. Je fais des économies.
Faites comme moi, vous allez voir l’offensive anti-internet…