A la grande surprise de nombreux journalistes, le patron du "Nouvel Observateur", candidat à la reprise du "Monde" s’en est violemment pris à Internet mercredi. Il n’en est pourtant pas à son coup d’essai.
Mercredi 16 juin, la profession a eu l’air de découvrir le peu d’estime que Claude Perdriel portait à Internet. A l’occasion d’un déjeuner où il avait convié quelques journalistes pour parler de la reprise du Monde, le patron du Nouvel Observateur s’est offert une diatribe anti-web plutôt piquante : « En théorie, c’est l’univers de la liberté. Dans la réalité, c’est celui des citations et rumeurs infondées. Aucune éthique, aucun contrôle, aucun moyen de démentir la fausse nouvelle. C’est pire encore que l’absence de régulation financière. »
En vérité, cette sortie n’est pas si neuve. Perdriel n’a jamais caché sa méfiance pour Internet. Il a d’ailleurs déjà dit autant si ce n’est plus. A l’occasion des Etats généraux de la presse par exemple, où le 27 novembre 2008, auditionné par la profession il n’a pas fait de détour.
Bakchich vous en livre les meilleurs extraits :
« Sur internet, on a été parmi les premiers avec Le Monde et Libé, on a longtemps été numéro 2 ou numéro 1 bis avec Le Monde, aujourd’hui nous sommes un peu dépassés mais on commence à remonter un peu parce que j’ai toujours été extraordinairement prudent et que j’ai dépensé depuis toujours. On a commencé vraiment les premiers, parce que c’est un univers que je connaissais bien et qui m’intéressait. J’étais déjà passionné par le minitel. J’ai tout de suite pensé qu’on était obligé d’y être parce que c’est du temps réel. (…)
Je pense à la fois le plus grand bien et le plus grand mal d’internet. Le plus grand bien parce que c’est un outil fabuleux. Même en voyage, j’appelle sur mon iPhone l’internet de l’Observateur pour voir ce qui est en train de se passer et c’est quand même pratique. En même temps, la presse écrite ne gagnera jamais d’argent avec internet parce qu’elle est en concurrence avec Google, Yahoo (…)
Nous avons des recettes, mais on aura des miettes du gâteau (…) et ce que nous constatons avec regret, c’est que ça coûte de plus en plus cher. (…) Internet, on est obligé d’y être, mais c’est pas ça qui va nous sauver. Mais internet c’est aussi le monde de la rumeur, c’est le monde de l’info non contrôlée. Dans la société mondiale que l’on connaît, internet est extraordinairement dangereux. Entre de bonnes, c’est formidable, mais entre de mauvaises mains, on peut vous vendre n’importe quelle diffamation, n’importe quelle fausse nouvelle, ça marche à une vitesse vertigineuse. (…)
Sur internet, il n’y a plus rien, il n’y a aucune règle, on peut tout dire et plus une rumeur sera fausse plus elle sera abominable, plus vite elle va parcourir le buzz de l’internet et plus vite elle va se répandre partout. C’est horrible. La rumeur on sait ce que c’est, ça a toujours existé. Avec internet, c’est devenu mondial, c’est épouvantable, on ne peut pas ne pas y aller, d’abord parce qu’il faut aussi défendre notre métier, défendre la vraie information, mais c’est un univers dangereux et dont je ne trouve pas qu’il améliore la société dans laquelle nous vivons. »
Anecdote bonus : En 1999, alors que le site du Nouvel Observateur était en cours de création, Claude Perdriel convoque l’un des journalistes en charge du dossier et ouvre l’entretien comme suit : « Alors, on en est où de cette histoire d’e-mail ? »
Pour voir la vidéo de son intervention aux états généraux de la presse c’est ici
Pour lire le verbatim intégral de l’intervention, où il est beaucoup question de la rédaction du Monde, c’est là
Et pour en savoir plus sur les 200 millions d’euros de pertes du Monde, lisez Bakchich Hebdo n°29.
En théorie, c’est l’univers de la liberté. Dans la réalité, c’est celui des citations et rumeurs infondées.
C’est drôle car ce sont les premiers à reprendre les rumeurs. Ca me hérisse le poil chaque fois que j’entends une nouvelle histoire à la télé.
Ces journalistes "exemplaires" se méfient des "rumeurs" mais ce sont les premiers à pisser des kilomètres d’éditos, d’articles et de reportages sur la dernière querelle Dati-Sarkozy ou je ne sais quelle histoire dont tout le monde se fout royalement.
Idem pour le "journalisme people" depuis 2007. On voyait s’insurger la clique de guignols du PAF et aujourd’hui, toujours en critiquant la fameuse politique "pestacle", ces mêmes chantres de la déontologie y participent pleinement.
La fabrique du consentement est vraiment efficace, ça fait longtemps qu’on aurait dû pendre par les couilles un bon paquet d’imposteurs, toutes professions confondues.
Reprise du journal Le Monde / Intervention du pouvoir / Indépendance de la Presse
C’est une occasion unique de dénoncer :
ce soutien incroyable de la Justice à un patron de presse
ce dysfonctionnement majeur de l’Etat : cette affaire met en évidence l’ existence au sein du pouvoir judiciaire d’une machine à enterrer prête à être utilisée. Son existence est connue de la hiérarchie judiciaire, de l’avocature, de la commission Outreau et elle est protégée par les Gardes des Sceaux successifs, Gardes des Sceaux eux-mêmes protégés par la Cour de Justice de la République.