Ménage de printemps à la préfecture de police de Paris (II)

Partie sur les chapeaux de roues, l’affaire du commissaire Patrick Moigne. Ce flic – présumé – « ripou » de la police financière de la Préfecture de Police de Paris a disparu des écrans médiatiques aussi brutalement qu’il s’y était installé. Un mois plus tard le soufflé paraît être retombé aussi vite qu’il était monté. Comme l’a déjà évoqué Bakchich, plusieurs indices laissaient pourtant à penser que l’éjection du commissaire s’inscrit dans un cadre bien plus large et que la foudre qui s’est abattue sur lui ne relève pas du seul accident de parcours. « Quand un chef s’en va c’est toute la cordée qui parfois est emportée », confirme un haut fonctionnaire de la police en commentant cette affaire. Moigne aurait-il des complices ? On n’y est pas du tout, et notre interlocuteur d’expliquer tout simplement que la « Préfecture de police va changer d’époque ».

Sarko cleaning

© PieR Gajewski

Une citadelle assiégée

Une maison qui fut notamment marquée par l’influence du très chiraquien Philippe Massoni, préfet de police de Paris huit années durant, puis par celle de Pierre Mutz, un autre chiraquien qui n’avait hérité du poste en 2004 qu’au terme d’une sourde bataille entre Jacques Chirac et son ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Le futur président souhaitait y voir nommer son plus fidèle collaborateur : un certain… Claude Guéant, désormais secrétaire général de l’Élysée. C’est peu dire que la conquête de cette citadelle fut et demeure une obsession de la sarkozie. Parmi les incidents les plus spectaculaires, l’éjection brutale de Gérard Dubois, proche conseiller de Mutz (et arrivé à la PP dans les bagages de Massoni), soupçonné d’avoir attisé des rumeurs sur les difficultés conjugales de Nicolas et de Cécilia. Ou l’éviction tout aussi brutale, en janvier dernier, de Yannick Blanc, directeur de la police générale de la PP, coupable lui, d’avoir contredit publiquement Sarko sur le nombre effectif de régularisations d’étrangers. Dans l’entourage très proche de Michèle Alliot-Marie, nouvelle maîtresse de l’Intérieur, on garde d’ailleurs un souvenir assez précis de ces rapports musclés. « La donne a changé », ironise aujourd’hui un familier de la PP, « tout le monde étant désormais officiellement sarkozyste » Pour autant on n’efface pas avec une douzaine de mutations, l’influence de réseaux en place depuis 15 ans. D’où la nécessité d’habiles réformes d’apparence « technocratiques » pour les disloquer.

L’élite des RG mise sous tutelle

Le Préfet de Paris a la réputation d’être « L’homme le mieux informé de France ». Une qualité qu’il doit principalement à la redoutable efficacité des Renseignements Généraux de la PP, lesquels ne professent que le plus grand mépris pour leurs cousins de la Direction Centrale des RG, qui ont autorité sur la France sauf Paris. Un privilège en passe d’être aboli. L’élite des RG parisiens (s’agissant du renseignement en milieu fermé) va passer dès le 1er juillet sous la tutelle de la nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), résultante de la fusion entre la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) et des RG. De même, si le « grand Paris » est un thème en vogue, hors de question que le préfet en devienne le super patron. Michel Gaudin – pourtant sarkozyste patenté – vient d’en faire les frais en perdant le bras de fer qui l’opposait à Eric Le Douaron, le directeur de la Sécurité Publique. Son projet de « grand Paris de la sécurité » vient d’être retoqué. Gaudin souhaitait élargir la compétence de la Préfecture (et le sien…) aux départements de la petite couronne. Or, la véritable tendance de fond est à « l’anti-Massonisme », soit à une déconcentration des pouvoirs vers d’autres lieux…

« Si Gaudin n’a pas obtenu satisfaction et si en effet ça bastonne sec en ce moment, ceux qui spéculent sur son affaiblissement pourraient en être pour leurs frais », assure l’un de ses proches, qui ajoute que ce fidèle du chef de l’État pourrait être propulsé « secrétaire général de la sécurité intérieure », poste créé spécialement à sa mesure avec autorité à la fois sur la gendarmerie et la police nationale. Une promotion – virtuelle pour l’heure – mais dont la seule perspective a déjà eu pour effet d’ouvrir de féroces appétits pour lui succéder. Même raboté, le titre de patron de la PP a du succès.

Tout le dossier Chiraquie la chute de l’empire Massoni à lire sur Bakchich.info :

La chute de l’empire Massoni (I)

Le système mis en place par le plus grand flic de Chirac, Philippe Massoni, tombe en lambeaux, attaqué à la hache par le nouveau président, sa seigneurie Sarkozy.

Le fox-terrier de la préfecture de police lâché sur Total (III)

Les enquêtes de l’IGS sur les « tricocheurs » du ministère de l’Intérieur, dans l’affaire Moigne/Total, provoquent bien des remous. État des lieux.