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Le Liban au marché

vendredi 26 janvier 2007 par Uriel Da Costa
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La crise libanaise n’est pas soluble dans l’économie…

Philippe Douste Blazy a encore fait une boulette en déclarant que « la conférence de Paris (NDLR : sur le Liban) vise à soutenir le gouvernement de Fouad Siniora contre le Hezbollah ».

Boulette symptomatique s’il en est, parce qu’elle dit combien l’approche économique d’une nécessaire reconstruction du Liban – détruit cet été par l’aviation israélienne – supplante l’approche politique reléguée à la critique rongeuse des souris. Cet impair reformule la vieille lune d’un grand marché moyen-oriental paré de toutes les vertus dont celle qui prétend dissoudre les conflits politiques et stratégiques de la région dans les bienfaits de l’économie globalisée selon les fondamentaux des institutions de Bretten Woods, FMI et Banque mondiale.

C’était déjà toute l’idéologie du « marché commun proche-oriental » de Shimon Pérès. Cela demeure le fondement du « Greater Middle East » de l’administration Bush, le Grand Moyen-Orient cher à Madame Rice qui postule une démocratisation globale d’un arc de 22 pays allant des côtes marocaines aux confins du Pakistan par la généralisation de l’économie de marché.

Les recettes sont connues : reforme de la fiscalité et privatisation lourdes des services publics. La même idéologie a prévalue lors des deux conférence précédentes de Paris I et Paris-2 amenant le pays d’une dette de 3 milliards de dollars en 1990 à 41 milliards en 2006, un lourd héritage dont les gouvernements successifs de Rafic Hariri de 1992 à 1998 puis de 2000 à 2004 sont largement responsables.

Clone de l’homme d’affaires Rafic Hariri, l’actuel premier ministre libanais Fouad Siniora a déclaré, à plusieurs reprises, qu’il s’agit de poursuivre la même politique et de reconduire les mêmes méthodes qui ont pourtant généré les fractures sociales qui aggravent dangereusement les fractures confessionnelles libanaises à l’origine de la confrontation politique actuelle. A vouloir ainsi privilégier l’économie de marché comme le seul recours à une situation politique qu’on laisse délibérément se dégrader, les inspirateurs de la conférence de Paris prennent la responsabilité d’engager à nouveau le Liban dans une impasse dramatique.

On a cloné Hariri

En effet, ce n’est pas parce que Jacques Chirac finissant annonce l’octroi d’un prêt avantageux à son « cher Liban » de 500 millions d’euros ; ce n’est pas parce que Madame Rice promet 770 millions de dollars (594 millions d’euros) ; ce n’est pas parce que l’Union européenne s’engage à verser 400 millions d’euros pour remettre le pays à flot et réparer les destructions israéliennes (sans, bien évidemment, ne rien demander à Tel-Aviv) qu’on assure l’avenir d’un Liban stable et indépendant. Les causes de l’actuelle crise libanaise sont, certes, endogènes, mais aussi largement régionales et surtout politiques. Les déséquilibres structurels de l’économie du pays du cèdre sont hérités de quinze années des guerres régionales (1975/1990) ayant vu l’émergence de connexions mafieuses libano-syriennes et libano-saoudiennes.

Rappelons que Rafic Hariri, qui disposait d’un passeport saoudien, a puissamment consolidé sa fortune et celle de sa famille à travers une reconstruction très discutable de Beyrouth avec l’aide des monarchies pétrolières, au détriment de l’affirmation de circuits nationaux libanais associant l’ensemble des communauté du pays. Cette dérive s’est poursuivie grâce au soutien inconditionnel des pays occidentaux dont les Etats-Unis et la France, aboutissant à un appui politique sans faille qui devait se matérialiser par la fabrication d’un texte franco-américain commun – la résolution 1559 – adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 2 septembre 2004.

Cette logique trouve son expression paroxystique dans la dernière conférence de Paris qui, comme le rappelle très naïvement Philippe Douste Blazy, vise principalement à conforter le gouvernement Siniora et ses soutiens franco-américains.

En quoi la résolution 1559 et l’esprit de cette conférence de Paris tournent le dos à la recherche d’une solution politique durable pour le Liban et la région ? Justement parce qu’elles extirpent le Liban de son environnement régional, comme s’il était un objet politique non identifié volant au dessus d’une région pacifiée et harmonieuse du meilleur des mondes globalisés possibles. A aucun moment on ne tient compte de l’occupation israélienne du plateau du Golan, de la présence au Liban de quelque 350 000 réfugiés palestiniens et des secteurs frontaliers toujours occupés par Israël.

Comme la résolution 1559, l’esprit de cette dernière conférence de Paris contredit foncièrement l’approche politique que Jacques Chirac développait devant les parlementaires libanais en octobre 2002 lors du sommet de la francophonie de Beyrouth, à savoir que le rétablissement durable de la souveraineté libanaise passait, inévitablement par la tenue d’une «  conférence régionale globale » qui viserait, prioritairement le règlement du conflit israélo-palestinien, l’épicentre des crises proches orientales.


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