Qaund le Maghreb fait boum, la France tremble, les experts envahissent les plateaux télé. Et tout le monde oublie l’Afghanistan et l’Arabie Saoudite, de pourtant très accueillants pays
Après les mises en garde planétaires contre l’Al-Qaïda toute aussi planétaire et ses « piliers » maghrébin, sahélien et européen ( Boum, quand le Maghreb fait boum in Bakchich # 30 du 13 avril ), quoi de plus naturel de voir les gazettes, les experts et les plateaux de télé s’agiter sur « la » question du spectre de « la menace » planant sur la France éternelle… Certes, la question – en soi – n’est pas illégitime. Les réponses s’avèrent plus complexes, le contre-terrorisme n’étant pas une science exacte.
Il est parfaitement clair que le capital d’une France qui s’est opposée à la deuxième guerre d’Irak est démonétisé et ne constitue plus à ce jour une assurance de sanctuarisation ; comme il est parfaitement clair que notre pays reste dans le collimateur des jihadistes algériens issus de la filiation AIS (Armée islamique du salut), GIA (Groupes islamiques armés) et GSPC (Groupes salafistes pour la prédication et le combat) qui ont pris la responsabilité de transporter leur lutte sur sol français en 1995/96. Leurs griefs restent inchangés : soutien de Paris au régime impie d’Abdelaziz Bouteflika à travers ses différentes coopérations militaro-sécuritaires.
Le facteur aggravant qui charge la barque de la menace nous ramène en Afghanistan. Des forces spéciales françaises ont été engagées aux côtés des troupes américaines sans que cela provoque la moindre des questions de la part de nos députés d’opposition. Alors que le nouveau chef de nos armées, le général Georgelin soulignait dernièrement, avec raison, qu’il était hors de question d’engager un soldat de plus dans « un Afghanistan en voie d’irakisation », le président Chirac, ne voulant pas indisposer Washington, prenait la responsabilité d’engager sur le théâtre afghan les douze Rafale du porte-avions Charles de Gaulle aux côtés trois chasseurs déjà stationnés à Douchanbé. Ultime cadeau avant son exfiltration de l’Elysée à l’ami Dassault qui pourra, désormais, ajouter au dépliant publicitaire de son avion qu’il fit merveille sur un vrai théâtre d’opération. Pas si mal avant le prochain Salon du Bourget de juin prochain. La cerise sur le gâteau revient, bien sûr, à l’inoxydable MAMounette qui travaille dur à la sauvegarde de son avenir opérationnel dans le sillage de Sarko. Michèle s’est appliquée consciencieusement à médiatiser cette opération de promotion multimédia. Les barbus d’Afghanistan et d’autres latitudes ont beaucoup apprécié…
À cette grande maîtrise de notre communication gouvernementale, il faut ajouter une inconnue autrement plus insaisissable. Des crétins, confectionnant une bombinette dans une arrière-cuisine en recopiant la recette sur Internet, sont toujours possibles. L’émergence d’activistes auto-proclamés qui passe à l’acte par contagion télévisuelle ou d’autre manifestation aiguë de désoeuvrement, restent difficilement prévisible, quelle que soit l’excellence des services de renseignement français, une excellence à laquelle Le Monde vient de rendre un curieux hommage…
Dans sa livraison datée du 17 avril dernier une double page du quotidien nous invite au plus grand des frissons. Après avoir fait main basse sur une doc classifiée de quelque 328 pages, « une véritable encyclopédie » (sic) – pas moins – l’enquêteur du quotidien (de ce qu’il en reste) se rend physiquement en personne dans le Saint des Saints et pénètre dans « l’enceinte de la caserne des Tourelles », le siège de la DGSE, déclinée comme : « la Direction générale des services extérieurs » (resic). Cette infiltration de la Direction générale de la sécurité extérieure commençait mal. La suite nous entraîne d’interlocuteurs en interlocuteurs, tous plus difficiles les uns que les autres. Normal. « Trop sensible » (re-resic). Et puis on revisite quelques évidences établies depuis fort longtemps sur la présence de nos anges gardiens dans l’entourage de feu le bon commandant Massoud et quelques organigrammes d’Al-Qaïda et de ses financements. Au moment où le Quai d’Orsay tente de gérer la situation des deux otages français en Afghanistan, voilà qui tombe fort à propos, encore bravo au Monde…
On redit aussi que la DGSE a alerté, vainement son homologue d’outre-atlantique et que les Américains n’ont pas vraiment fait beaucoup d’effort pour arrêter l’ennemi public numéro un. Que de choses parfaitement établies depuis plusieurs années avec une conclusion encore plus réchauffée : dans ces affaires, l’Arabie Saoudite n’est pas nette. On se reportera avec le plus grand profit à l’édition de Bakchich du 23 février dernier.
En effet, il eût été plus pertinent d’actualiser les raisons et la compréhension des raisons de cette « sainte alliance » nouée entre Riyad et Washington depuis le 13 février 1945, le pacte du Quincy, en expliquant comment et pourquoi les bailleurs de fonds du sunnisme radical ont ré-ouvert les robinets des financements les plus foireux avec l’aval de la Maison Blanche. Obsession iranienne oblige. Depuis que la crise de prolifération iranienne s’est hissée en tête des préoccupations israélo-américaines, Washington a remis sur les rails la vieille alliance avec les pays sunnites, improprement baptisés « pays arabes modérés », au premier rang desquels on retrouve les monarchies pétrolières, l’Egypte et la Jordanie. Et la schizophrénie de redevenir la seule ligne de conduite américaine au Moyen-Orient.