La tragédie d’Haïti est étiquetée « Made in U.S.A. » car depuis un siècle son peuple subit un colonialisme politico-économique dicté par Washington et le patronat américain.
En 1910, le Département d’État, en partenariat avec la future Citibank, prend le contrôle de la Banque Nationale d’Haïti. Sa trésorerie est transférée en 1914 dans les coffres de la banque new-yorkaise et les revenus de la douane haïtienne sont saisis. L’économie nationale reste sous autorité américaine pendant quatre décennies. Adviennent les trente années sanglantes des dictateurs Duvalier, « Papa Doc » et « Bébé Doc », soutenus par Washington comme un rempart anti-communiste contre Castro. Sous les Duvalier, la dette haïtienne atteint 40% du PNB.
Durant cette période, l’autosuffisance de l’agriculture est sapée par le plan de Washington, de connivence avec la Banque Mondiale et le FMI. Haïti devient le « Taïwan des Caraïbes » qui développe une économie d’export basée sur une main-d’œuvre sous-payée et le « dumping » des produits agricoles en surplus. Les mirages de l’emploi attirent des millions de Haïtiens vers Port-au-Prince où ils s’entassent dans des baraques de fortune. Quand ces logements se sont écroulés lors du séisme du 12 janvier, la mort emporte des centaines de milliers de Haïtiens pauvres.
En décidant de militariser la réponse « humanitaire » au tremblement de terre, Obama a permis à ses généraux d’établir une « zone verte » à l’aéroport de Port-au-Prince. Le contrôle du trafic aérien local a été confié à une base militaire en Floride, qui a donné priorité à ses propres pilotes pour envoyer 10.000 soldats assurer le contrôle des indigènes. Et les Américains ont refoulé les avions de la Croix-Rouge et de Médecins Sans Frontières, tout en autorisant l’atterrissage de l’équipe de Scientologie menée par John Travolta !
Aujourd’hui, les influents « think-tanks » de droite à Washington, comme la Fondation Héritage, multiplient les études pour la « reconstruction » de l’île sur une base néolibérale. Pour assurer aux multinationales un avenir radieux. Les Haïtiens, eux, continuent de mourir de faim, de maladie, et de désespoir. Pauvre Haïti – si loin de Dieu, si proche des États-Unis…
Lorsque Jean-Bertrand Aristide remporte l’élection présidentielle en décembre 1990, il est vite renversé par les militaires, soutenus par George Bush père. Pour le compte des multinationales, le régime de Raoul Cédras a maintenu les travailleurs haïtiens dans la misère en faisant assassiner les syndicalistes et autres opposants par les escadrons de la FRAPH, une milice organisée par un pion local de la CIA, Emmanuel Constant. Aristide était alors rétabli au pouvoir en 1994 par Bill Clinton, mais à un prix énorme : il était obligé par Washington d’adopter la politique néolibérale de son opposant lors des précédentes élections, baptisée « le plan de la mort » par les Haïtiens. Son successeur, René Préval, accélère l’exploitation néolibérale ordonnée par Bush fils. Les bidonvilles continuent de proliférer, et le parti de gauche Lavalas est proscrit.
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Si la France osait se saisir du thème d’Haiti, par exemple au nom de la Francophonie, il est certain qu’elle serait immédiatement soutenue par la Russie et la Chine et inmanquablement par tous les leaders du Tiers Monde que nous aimons tant déniger (Chavez, Castro, Amadinejad ou Kadhafi, qui sont actuellement les seuls à protester contre l’invasion militaire d’Haiti par l’armée étasuniene) mais aussi, comme au temps de la guerre d’Irak, par tout le reste du monde.
Ne serait-il pas grand temps de renvoyer Villepin aux Nations Unies pour faire un petit discours ?