Pour prendre un peu d’altitude, Paris offre à ses riverains "la cuisine au sommet" : 25 déjeuners à hauteur de grue pour la modique somme de 924 euros par tête. Pour une salade composée…
« Dinners in the sky »… ce n’est pas le titre d’un vieux tube de Sinatra mais le titre assez con d’un barnum ridicule monté par le magazine « Cuisines Créatives ». Le patron de ce machin s’est expliqué à la télé : « notre but est de montrer que la cuisine française bouge, qu’il se passe quelques chose à Paris ! ». Alors cet imaginatif a réinventé l’Ascension. Pas celle du Christ ou de la Vierge (proie difficile à trouver), mais l’envoie en l’air d’une tablée pour dîner… Compliqué. Eh comment.
Il faut d’abord louer une immense grue, l’installer au cœur du jardin des Tuileries. Puis fabriquer une sorte de manège de foire qui ressemble à une table à laquelle s’accroche une série de chaises soudées, genre bancs d’école à l’ancienne. Chaise équipées de ceintures du type Formule 1 (la bagnole pas les hôtels). Croyez moi si vous le voulez, mais « Cuisines Créatives » a trouvé des allumés, des cosmos n’hôtes, pour aller bouffer perchés à 50 mètres de haut !
C’est ce que ces rigolos appellent « la cuisine au sommet », salade, fromage et dessert concoctés par une brochette (bien sûr) de chefs, lors de 25 déjeuners et dîners. Des toqués plus ou moins auréolés et parfois des inconnus. Voyez vous-même : Passard de l’Arpège, le toujours chapeauté Veyrat, Pierre Gagnaire, Yannick Alleno du Meurice (un homme qui Kas la baraque), Frédéric Anton du Pré Catelan (sans palmarès), Guy Martin du Véfour (élu chef du XXe siècle au Japon), Patrick Bertron du Relais Bernard Loiseau (sans distinction). Thierry Marx (capable de rendre Philippe de Villiers marxiste), Christian Sinicropi du Martinez à Cannes, Michel Roth du Ritz à Paris. Sans oublier les chefs de la Présidence de la République, Bernard Vaussion et Guillaume Gómez qui ont servi sous Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac et carburent actuellement au régime Nicolas Sarkozy.
En cette période de crise le dîner était donné puisque fixé à 924 euros (TTC) par tête de pipe. Pour la clôture, confiée aux chefs du Président (travailler plus pour facturer plus) la note grimpait (oh ! pardon) à 1400 euros. On connait cette loi aux sports d’hiver, plus on mange haut plus ça coûte. En parallèle à cette parabole (si c’est possible), à 17h30, cinq tables de 22 convives se dressaient au bar de Ritz où, là au moins, on peut prendre une cuite à la Hemingway sans appeler le secours en montagne. Le bar étant tenu par Colin Field, le « Meilleur barman du monde ». La bagatelle pour 846 €, olives comprises. Heureusement, charité bien ordonnée commence par les autres, 100 € par couvert étaient reversés à l’association « Nez rouge » qui lutte contre les maladies orphelines. Côté arrières cuisines, sachez que chaque chef a eu environ 300 euros pour ses menus frais et non pour ses frais de menu. Un chef facétieux a mis sur la table du gratin de pigeon ! On se demande pourquoi.
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