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Bernadette et Strauss-K votent Lagerfeld

Gauche caviar / jeudi 26 avril 2007 par Gilbert Comte
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Le prochain départ de Madame Chirac de l’Élysée mène notre chroniqueur à diverses disgressions. Allant de l’effacement de la dette du désormais maigrissime Karl Lagerfeld aux trains de vie ostentatoires d’un gauche caviard qui écoeure le peuple. Preuve par les mots.

Ces jours derniers, pleine page de Paris-Match en couverture et en couleurs avec une Bernadette Chirac élégante, presque rajeunie. Mais toujours sans grande allure malgré la pause, debout, épaule contre un mur, avant-bras et jambe légèrement croisée. Titre de ce numéro mémorable : « L’émotion du départ. Après douze ans à l’Élysée, elle parcourt avec nous le palais qu’elle a tant aimé. » Reportage photo grandiloquent réalisé par Karl Lagerfeld. Une vieille connaissance. Et même un très vieux cheval de retour.

Snob illustre, arbitre des élégances dans la fête parisienne, le glorieux matou ne partage guère les affres du petit monde. Il sait des délocalisations ce qu’en disent les journaux : des incidents fâcheux dus aux restructurations du marché planétaire mais sans effets sur lui ni les petits génies à la Alain Minc, Bernard-Henri Lévy, qu’il croise dans les salons, quand ils ne vident pas une coupe de champagne ensemble.

Bernadette Chirac - JPG - 36.8 ko
Bernadette Chirac
© Kerleroux

Pour plus de précautions, lui-même vit très gaiement au jour le jour parmi de francs admirateurs. En 1999, il doit depuis dix-sept ans des sommes fabuleuses au fisc : quelque 144 millions de francs avec les retards, pénalités diverses. Malgré une immense fortune, il s’estime insolvable. Dans un cas analogue, le percepteur poursuivrait à mort n’importe quel particulier, toute petite ou moyenne entreprise, quitte à ce qu’ils meurent socialement. Mais, dans ce cas, le fautif appartient aux inatteignables de la République. Un régime beaucoup moins égalitaire que ce qu’il s’en raconte en public. Sans parti, il virevolte de gauche à droite le regard fastueux, dominateur, familier des réceptions en smoking où se rencontrent des princesses, des duchesses, des faiseurs, des faisants, des journalistes, des turfistes, et même des socialistes comme Dominique Strauss-Kahn et sa si photogénique épouse, Anne Sinclair. Au cours des réceptions mondaines, il croise aussi Bernadette l’épouse du chef de l’État. Ils s’aiment beaucoup. D’ailleurs, comme couturier parisien très connu, il taille parfois ses robes. Avec en supplément quelques coups de ciseaux pour sa fille Claude.

En 1997, la cohabitation amène justement Dominique à Bercy, comme ministre des Finances. Depuis trois ans, Bernadette Chirac harcelait son prédécesseur, Alain Lamassoure, pour qu’il consente une grosse remise au styliste de son cœur, à défaut d’essuyer entièrement l’ardoise. Malgré une carrière d’élu du peuple avisé parmi les giscardiens, le bougre feignait de rien entendre, mal comprendre, ou tergiversait. Son rang de magistrat à la Cour des Comptes lui imposait peut-être aussi quelques scrupules.

Avec le nouveau venu à sa place, Jospin procure à Bernadette une personnalité beaucoup plus proche de son cœur. Nous voilà entre gens du monde. Celle qu’un protocole poli nomme « la Première Dame de France » retrouve avec bonheur une autre partie du sien : celui des parvenus en paillettes à la D’Jack Lang, son épouse Monique qu’elle apprécie particulièrement. Eux-mêmes en relations intimes avec les Kahn-Sinclair. À Bercy, cependant, les bureaux spécialisés dans la surveillance des mauvais payeurs ne lâchent pas Lagerfeld. Ils le savent multimillionnaire. Il faut encore deux années pour convaincre ces talibans. Le 14 août 1999, enfin, par note autographe, Dominique accorde à Karl une remise gracieuse de 61% sur ses dettes envers l’État. Enfin Bernadette respire.

Cette décision prise, le gouvernement la complète sans trop d’ailleurs s’en apercevoir par une baisse du taux d’intérêt des livrets de caisse d’épargne. Les technocrates qu’il entretient à grands frais excellent à mitonner des bêtises aussi extravagantes. Aucun ministre ne s’en offusque. Nul député de la gauche plurielle ne s’en aperçoit. Interrogé voici quelques jours sur le sujet dans une rue où il distribuait des tracts pour Dominique Voynet sa copine, l’ancien membre du cabinet Jospin, Yves Cochet, n’en gardait qu’un très vague souvenir : « c’était une connerie », finit-il par admettre évasivement.

Karl Lagerleld - JPG - 41.2 ko
Karl Lagerleld
© Kerleroux

Verts et socialistes en accumulèrent beaucoup d’autres du même genre. Dans ce cas, l’erreur devient une loi générale. À force de s’ajouter les unes aux autres, elles finirent pas dégoûter les braves gens jusqu’à les conduire par colère au vote Front National. Ensuite, le grave Robert Badinter détecte doctoralement une sournoise « lepénisation des esprits ». Il ne réfléchissait semble-t-il jamais aux responsabilités qu’en portent tant de hauts dignitaires socialistes quand ils vivent sur un pied matériel proche de celui de la droite financière, dans l’oubli de leurs engagements sociaux en période électorale. Depuis le XVIIe siècle, la schizophrénie emprunte la figure en biais de Tartuffe. Elle répugne aux gens d’honneur.

Lagerfeld, lui, sait qu’il suffit de dîner fréquemment avec un ministre pour amortir ses dettes avec l’épargne et l’angoisse du peuple. Pas besoin des fastidieux programmes de l’ENA pour acquérir cette certitude. En avril 2002, il folâtre autour de Jospin pour l’immortaliser devant l’histoire par des photos à son état-major de campagne. Après un prompt rétablissement chez Chirac, voilà le célèbre couturier avec Bernadette, maintenant dame patronnesse de Sarkozy. Gageons qu’il a déjà les mensurations de Cécilia dans sa poche.

Quant à son héroïne sur le « départ », bien vrai qu’elle a « tant aimé » le palais mis par la république à sa disposition. Elle en a même profité, abusé sans mesures avec l’argent national et, chaque matin, la France comme grande domestique. Une fois partie, dans quatre semaines, il lui faudra payer du pain au vin de sa poche tout ce qu’elle consomme avec son mari. De quoi mettre les larmes aux yeux à ces grands sensibles désintéressés dont se compose la rédaction de Paris-Match.

Voir en ligne : in Bakchich # 31

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4 MESSAGES

Forum

  • Bernadette et Strauss-K votent Lagerfeld
    le jeudi 17 mai 2007 à 14:51

    Bien vu. Y a des gens de gauche qui disent après la défaite : ah si DSK avait été choisi par les militants. Ms on sait bien qui est DSK, les Français n’en veulent plus des nababs comme ça.

    Et nous voilà avec un autre nabab qui va encore augmenter les frais de bouche de l’Elysée. Réduire le train de vie de l’Etat pour lui c’est supprimer des postes de profs et d’infirmières… Mon Dieu, c’est désespérant…

    Ms le commentaire précédent dit vrai, pour qu’il y ait des nababs il faut qu’il y ait des sujets. La Boétie regarderait ses compatriotes avec dédain s’il vivait encore. Y en a au moins un qui l’a lu, La Boétie, c’est Sarko : pour asseoir son pouvoir, rien de tel que de mettre en concurrence ses 5 ou 6 subordonnés (voir le mécanisme de nominations des ministres qui s’annonce…).

    Votre journal, que je découvre, semble pas mal sinon. Un peu d’air dans cette presse nulle.

    Eboo

  • Bernadette et Strauss-K votent Lagerfeld
    le jeudi 10 mai 2007 à 16:19, Jean-marie Liégeois a dit :
    Monsieur Comte, votre prose est belle et votre histoire vaut le détour. Mais, comme chacun ne le sait pas, pour qu’il y ait des Rois, il faut aussi des Sujets. De même, les riches n’existeraient pas sans les pauvres ! Ce site est très bien et j’espère que la censure ne viendra pas mettre son vilain nez dedans. Monsieur Comte, si c’est une indiscrétion, ne répondez pas mais êtes vous apparenté avec un philosophe que j’admire beaucoup du nom d’André Comte-Sponville ? Bonne journée à tous. Jean-Marie Liégeois - Belgique
  • Bernadette et Strauss-K votent Lagerfeld
    le vendredi 27 avril 2007 à 04:29, Dorval a dit :
    Monsieur, Madame, j’ai découvert hier votre Site, pas mal. Mais petite question, d’où venez vous, de quelle mouvance êtes vous issus ? Sinon, bonne continuation Respectueusement P.L.
    • Bernadette et Strauss-K votent Lagerfeld
      le vendredi 27 avril 2007 à 08:21, La rédac’ a dit :
      Pas de mouvance, mais une multitude de sensibilités différentes chez nous.
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