Alors que l’émotion est encore vive quatre jours après le décès de dix soldats français en Afghanistan, la communication politique a repris le dessus. Elle ne brille pas par son honnêteté. Décryptage.
C’est fait ! Le discours officiel à l’oeuvre depuis l’annonce du décès en Afghanistan de dix militaires français du contingent engagé dans la région de Kaboul au cours d’affrontements avec les Talibans le 18 août, est venu consacrer la nouvelle donne : la France est définitivement « otanisée ». Et oui, la voilà officiellement entrée dans la coalition des pays en guerre asymétrique, c’est-à-dire empêtrés dans des conflits sans fin ne les opposant pas à une armée ennemie mais à des insurgés pratiquant la guérilla et le harcèlement. Autrement dit, dans le bourbier et son convoi d’images de cercueils de soldats qui va avec.
Résultat, les officiels français aussi bien militaires que civils ont resserré les rangs autour de la ligne vigoureusement pro-Otan en vogue à l’Elysée pour disserter sur l’engagement français en Afghanistan. Sans surprise, ils ont pompé à leurs alliés, notamment américains, la même antienne rhétorique interchangeable d’un pays à l’autre. « Ceci n’est pas une guerre », comme dirait Magritte…
Comme l’ont martelé de concert le Président Sarkozy, le Ministre de la Défense, Hervé Morin ou encore le Chef d’Etat Major des Armées, le Général Jean-Louis Georgelin, la France, à l’instar de ses alliés, n’est pas en guerre en Afghanistan. Que nenni ! Elle « pacifie » ! Les soldats français pris en embuscade le 18 août ne sont pas morts pour combattre un ennemi mais « la barbarie et l’obscurantisme » et « lutter contre le terrorisme », comme celui qui « a ravagé des familles sur le sol de la République française » a ajouté le Président. Ils ne sont pas tombés pour la France mais pour des valeurs “universelles”, à savoir « la démocratie et la liberté » et « la sécurité du monde ». Merci de ne pas établir de liens entre la présence française en Afghanistan et des enjeux de politique intérieure franco-française….
Comme tous les pays contributeurs à l’opération de l’Otan en Afghanistan — ils sont regroupés au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) — Nicolas Sarkozy a fait corps et s’est aligné. S’inscrivant dans le canevas rhétorique de l’Alliance atlantique à l’usage des pays devant communiquer sur leurs pertes, le président français s’est mis en mode automatique. Il a ainsi réitéré sa « détermination intacte » à ce que la France reste présente en Afghanistan tout en s’efforçant de remonter le moral des troupes. Surtout ne pas se distinguer dans ce grand ensemble mais parler d’une seule et même voix… La crédibilité du « combat nécessaire » soutenue par une « cause juste » à l’origine de l’engagement d’un pays comme de celui des alliés est à ce prix. Là s’arrête la diplomatie et la solidarité internationale. Commencent la politique et le « combat nécessaire » pour la défense de “la” cause nationale. Ou plutôt élyséenne dans ce cas précis : convaincre que les dix morts français ne sont pas la conséquence de la nouvelle orientation atlantiste de Nicolas Sarkozy.
Du Président au Ministre de la Défense, en passant par le Chef d’Etat Major des Armées, tous se sont attelés à cette épineuse tâche : dissocier les événements du 18 août de la décision prise en avril dernier par Nicolas Sarkozy de renforcer la présence française en Afghanistan, à la demande de l’« ami » américain. Ainsi, dans le jargon officiel, l’opération meurtrière contre les forces françaises par les Talibans le 18 août n’a-t-elle pas eu lieu dans la région Est, investie depuis le début du mois par le renfort diligenté par décision présidentielle. Mais dans la vallée d’Uzbeen située dans la région Centre – « bien Centre, pas Est », insiste-t-on à l’Etat Major des Armées. Cette vallée appartient pourtant bien au district de Saroubi, qui fait partie de la zone Est, bénéficiaire du renfort français nouvellement décidé ! « Mais le contingent qui a été impliqué dans l’opération ne relevait pas du nouveau renfort », martèle-t-on au Ministère de la Défense. Rompez ! Et puis, hein, « la décision française d’être présent en Afghanistan a été prise en 2001 », a insisté Nicolas Sarkozy avant son départ pour Kaboul. Autrement dit, choisir de renforcer la présence française revient à prolonger, en l’assumant, une responsabilité politique engagée par d’autres, en l’occurrence socialistes. A bon entendeur…
Mais il y a pire encore que les socialistes pour l’Elysée : les Talibans pratiquent aussi la désinformation et la guerre des communiqués. Depuis le 31 juillet, ils ont établi leur propre et bien étrange bilan des pertes françaises. A savoir dix soldats tués au cours de deux opérations distinctes, dans la très sensible région Est de Kapissa, que viennent justement d’investir les renforts français. Dans la même veine, leurs alliés du Hezb-i-islami revendiquent avoir tué deux autres soldats français toujours dans la même région. Et d’enfoncer le clou, en affirmant avoir fait quatre victimes de plus « dès le lendemain » de l’opération du 18 août. Si même les Afghans s’y mettent… Dur dur de faire la guerre en paix.
Lire ou relire dans Bakchich :
Que penser de la rapidité de transfert des corps de nos soldats tués le 18 août et de leur rendre un hommage national dès le 21 avant de les enterrer.
Question : Dans un cas comme celui la les familles ont t’elles reconnues les corps ? A ma connaissance je ne crois pas, sont elles autorisées à demander une autopsie pour connaitre les causes de leur mort ? Il circule en effet une version provenant semble t’il d’un ONG italienne comme quoi plusieurs d’entre eux auraient été capturés vivants et auraient été tués ensuite de façon barbare.
je réponds à l’auteur (sans nom) du message daté du 23/08/2008 à 04h29 qui trouve démagogique et à la fois délirant, la ’ décision unamime ’ lors de mon précédent message.
Pourrait t’il donner des précisions.
En ce qui me concerne je ne fais pas dans le délire, mais dans le bon sens.
A t’il une autre solution à proposer.
J’attends sa réponse.
Quand il y a mort d’hommes, il faut en revenir aux fondamentaux, pourquoi nous battons nous en Afghanistan ?
1) Parce que le régime des talibans était un régime de terreur qui a martyrisé le peuple afghan. Ces talibans étaient d’ailleurs à ce point populaires que lors de l’attaque US les troupes américaines n’ont même pas eu à intervenir au sol, ce sont les afghans eux-même qui ont réglé leur compte à ces brutes. Ayons une pensée pour Massoud que nous n’avons pas soutenu à force d’écouter les pacifistes toujours prêts à se courber devant la force bestiale.
2) Parce que ce régime abritait les nazillons enturbannés d’Al Qaïda. Alors après on peut on peut se livrer aux joies des délires conspirationnistes Moore/Meyssan, mais il faut juste rappeler que la planification et la préparation du 11 septembre a eu lieu du temps de Bill Clinton.
3) Il est enfantin d’imaginer qu’il s’agit d’un règlement de compte entre les USA et les extrémistes islamistes. Le même jour ou nos parachutistes mourraient les armes à la main pour défendre la Liberté, 51 malheureux algériens étaient assassinés par ces brutes ; le lendemain 59 ouvriers pakistanais subissaient le même sort - je n’ai pas le sentiment qu’il s’agisse dans les deux cas d’américains déguisés, d’agents secrets israéliens ou de "croisés" capitalistes néo-libéraux.
4) Il est encore plus enfantin d’imaginer qu’on peut se planquer dans un coin en attendant que ça se passe, nous sommes tous directement menacés par cette idéologie délirante mais sanguinaire.
5) Il ne faut pas s’imaginer non plus que seul l’Afghanistan est concerné, dans d’autres parties du monde il y a eu et il y aura des morts. Au sens marxiste du terme l’extrémiste islamiste est une idéologie, une idéologie de type fasciste.
Pour l’instant ce sont les pachtouns afghan et pakistanais qui servent de tueurs et d’hommes de main, demain ce seront d’autres imbéciles fanatisés.
Il faut regarder les choses en face : il y aura d’autres morts, partout dans le monde, y compris en France. Alors je suis d’accord avec l’article sur le fait qu’il faut éviter de se bercer de mots : nous sommes en guerre.
Pachtouns, dangereux fanatiques, nazillons enturbannés ayant le terrorisme dans le sang…
Vous rendez-vous compte de ce que vous écrivez ? Votre post ressemble à ces réquisitoires qui un temps catégorisaient de façon définitive les juifs, ou, plus proches de nous, les serbes ou les musulmans.
Si je reprends votre schéma de raisonnement, je puis catégoriser les États-Uniens (comment diable cela s’écrit-il ?). Ainsi serons-nous d’accord sur l’imbécile dangerosité d’une telle approche de la politique et de l’Histoire. Ce que je vais écrire est tout-à-fait con, mais il est parfois nécessaire hélas, de donner des exemples a contrario :
Ces yankees saturés de sucres et de crème glacée ne connaissent que l’argument de la force et de la violence. Combattants exécrables ils utilisent des armes sophistiquées pour semer la terreur dans la plupart des pays — de préférence petits et faibles — qui prétendent vivre en dehors de leur domination économico-militaire.
Le comble est que la puissance de leurs armes n’a d’égale que l’imbécillité de leurs diplomates et de leurs stratèges, car toutes leurs interventions se sont avérées soit désastreuses, soit totalement inutiles.
En Corée, à Cuba, au Viet-Nam, à Grenade, à Panama, au Honduras, en Colombie, en Somalie, en Irak, en Afghanistan, ils auront claqué des milliards de dollars uniquement pour massacrer de dangereux civils qui ont eu le culot d’essayer de vivre, et ainsi fabriquer de toutes pièces une haine à leur encontre à la hauteur de la sympathie et des espoirs que leur avidité trahit avec obstination depuis soixante ans.
Et quand ils n’envoient pas leurs armées se couvrir de ridicule, ils suscitent l’émergence de régimes amis par la plus recommandable des actions politiques, le Coup d’État : au Viet-Nam, au Cambodge, au Chili, en Grèce en Afghanistan… la liste est trop longue pour être exhaustive.
Ainsi, le peuple US, champion auto-proclamé de la Démocratie de la Liberté et des Droits de l’Homme peut-il s’enorgueillir d’avoir mis en place la quasi-totalité des pires ignominies politiques que le monde ait connu : Pol Pot, Pinochet, les Taliban et j’en passe.
Fin de la diatribe et vous pouvez me demander ce que j’ai fait, dans mon jugement, des Franklin Roosevelt, Truman, Hemingway, Steinbeck, Woody Allen, Mel Brooks, Jimmy Carter, Luther King, Arthur Miller, Coppola, Ray Charles, Gershwin, Edison, Benjamin Franklin… qui ont enrichi notre imaginaire comme personne ? Où sont passés cette incroyable capacité à accueillir et encourager les intelligences d’où qu’elles viennent, à poser sur soi-même un regard parfaitement lucide, à rebondir sur ses propres erreurs pour "refaire le monde" ?
Vous aurez raison : alors SVP faites de même avec les autres peuples. En politique comme en sociologie, il n’y a pire dérive que la catégorisation péremptoire.