Ex patron du « Figaro » puis de l’AFP, Jean Miot, sous des atours un brin désuets, est un vrai amoureux de la presse.
Cela fait un moment que Jean Miot traîne son nœud papillon dans les rédactions parisiennes. Le groupe Hersant d’abord, pendant plus de trente ans, dont la direction du Figaro, et enfin celle de l’Agence France Presse, pendant trois ans. La Passion de la presse, c’est le titre de son dernier ouvrage paru aux Editions du Rocher. « Passion comme synonyme d’amour mais aussi de souffrance, comme en témoigne ce crieur sur la couverture du livre », tient-il d’emblée à préciser à Bakchich. Une petite histoire de la presse, truffée d’anecdotes, contées par ce Berrichon à la plume alerte. S’il a connu l’âge d’or des journaux français, « quand la publicité débordait tellement que le Figaro devait augmenter sa pagination », il a vécu de l’intérieur nombre de ses conflits et a assisté au déclin de la presse quotidienne nationale.
Contacté par Bakchich, Franz-Olivier Giesbert, l’actuel patron du Point, qui l’a côtoyé presque 10 ans au Figaro, ne tarit pas d’éloge sur cet « homme lettré, toujours très disponible, appelé plusieurs fois à la rescousse par le gouvernement pour jouer les médiateurs avec les ouvriers du livre. » Et FOG d’ajouter, « C’était l’arrangeur, le diplomate. Chez Hersant, il était à la fois le ministre des Affaires sociales et celui des Affaires étrangères. »
Car derrière la faconde de cet amateur de cigare, qui n’a jamais refusé une bonne assiette « Chez la vieille » (au point de s’essayer avec talent à la chronique gastronomique pour le Figaro Madame ou de fréquenter le fameux Club des cents), se cache un homme de réseau, habile négociateur et fin diplomate. Un journaliste de l’AFP se souvient comment Jean Miot, fraîchement élu à la tête de l’Agence, a fait un joyeux ménage parmi les syndicalistes. « L’un des leaders, qui terrorisait depuis longtemps les directions successives, a soudainement été nommé patron du bureau de Bonn. » Dans des conditions plutôt agréables, selon quelques mauvaises langues. Un bon moyen pour avoir la paix. On pourrait lui donner du « monsieur le président » tant l’homme a cumulé les titres tout au long de sa carrière, notamment à la tête de la Fédération nationale de la presse française ou du Syndicat de la presse parisienne, un clin d’œil aussi à Jacques Chirac qui, alors qu’il venait d’accéder à l’Elysée, y allait de son « monsieur le président de l’AFP » alors que Jean Miot n’était pas encore élu.
Homme de réseau donc. Qui n’a jamais caché ses amitiés franc-maçonnes, ni sa sympathie pour le monde politique. Un monde qui l’adoptera, un temps, sous les couleurs de l’UDF. « Jean Miot est à la presse ce que Charasse est à la politique », analyse un ancien conseiller de Chirac. « A la fois fascinant et démodé ». « Un amoureux de la presse qui voulait récupérer le palais Brongniart - qui accueillait il y a peu la Bourse de Paris - pour en faire une grande maison pour les journalistes », ajoute un autre habitué des Palais de la République.
Des idées sur la crise que traverse aujourd’hui la presse, Jean Miot n’en manque pas. Forcément. Quatre coupables selon lui. Les patrons de presse qui « ont oublié le lecteur », le Syndicat du Livre « qui a freiné la modernisation », les journalistes, « trop souvent frappés de panurgisme », et enfin la « sous-capitalisation qui trouve son origine à la Libération quand la presse a été tondue et spoliée en une nuit et que de nouveaux propriétaires se sont installés en lieu et place des anciens ». Les Etats généraux de la presse décidés par Nicolas Sarkozy ? « Une excellente idée. Je regrette simplement que la profession n’en ait pas pris l’initiative elle-même. »
Lecteur quotidien du Figaro, du Monde et de Libé, Jean Miot ne rate pas non plus un numéro de la plus confidentielle et réputée Correspondance de la Presse de son complice feu Georges Bérard-Quélin. « Un réflexe professionnel », précise-t-il. Il parcourt aussi 20 minutes qui « a le mérite d’avoir été chercher de nouveaux lecteurs » .
De grands patrons de presse aujourd’hui ? « Non, je n’en vois pas. Pas un qui n’ait ce flair du lecteur comme l’avait Hersant. » Bercé par sa nostalgie, on aimerait le voir croqué par Daumier ou conté en héros par Maupassant dans Bel Ami , mais pris d’une soudaine modernité, Jean Miot affirme sans sourciller : « La presse sera sauvée si elle invente ce paradigme : conjuguer le web et le papier. » « L’écran sauvera l’écrit », lâche-t-il comme une bonne nouvelle, tout en tapotant sur son Iphone. Qui a dit que « le Miot est l’ennemi du bien ? »
A quoi sert Bakchich, si c’est pour publier des portraits si convenus ?
Cet article oublie de mentionner que Jean Miot a, entre autres cumuls, été administrateur de l’Association pour la Recherche sur le Cancer, et soutenu publiquement dans les colonnes du Figaro, son escroc de président Jacques Crozemarie.