Marie Thérèse Têtu-Delage, sociologue, a passé quatre années aux côtés des sans papiers algériens. Cet essai est le résultat de ce travail rigoureux et vivant loin des clichés habituels sur les clandestins.
L’histoire coloniale pèse comme un tombeau sur le couple franco-algérien. D’une immigration paysanne au début, puis celle alimentant le travail à la chaîne avant de devenir familiale en 1986, le cas des sans papiers algériens est le reflet de ces fragilités de cette histoire commune. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le bouquin de Marie Thérèse Têtu-Delage, « Clandestins au pays des papiers », aux éditions La Découverte. La sociologue a pris la peine de penser et faire l’Histoire « avec une grande Hache », comme disait Perec, de ceux qui sont socialement « vaincus ».
C’est-à-dire restituer dans sa chair, la vie d’une soixantaine de familles sans papiers dans une ville de la Drôme. Quatre ans durant, « à recueillir des récits, reconstituer des parcours, noter des conversations dans trois directions qui paraissaient essentielles : la carrière administrative et ses démarches, la vie ordinaire et ses épreuves, les liens avec l’Algérie ». Rien à voir donc avec l’immersion filmée de Muriel chez les Himbas ou les « Vis ma vie », de merde, celle de tourneur-fraiseur sur TF1.
La chercheuse a gratté l’univers physique et mental de ces clandestins. Ce travail sérieux donne un récit vivant, avec la voix forte de celui qui met les mains dans le cambouis de la réalité. Toutes ces données du quotidien ont été confrontées avec le dépouillement de 1364 dossiers de régularisations. Une belle thèse sur ces sans papiers et qu’on ne peut nommer.