Total parviendra-t-il à rester courageusement en Birmanie ?
Christophe de Margerie, le tonitruant PDG de Total, peut encore claironner « Total ne se retirera pas de Birmanie » (Le Monde 6/10) , cette martiale annonce fait en réalité figure de combat d’arrière-garde, voire de baroud d’honneur. Son partenaire historique dans le projet Yadana, l’américain UNOCAL, absorbé par Chevron, ne fait désormais plus mystère de sa volonté de se retirer au plus vite du guêpier birman. De Margerie, toujours dans son interview au Monde, n’a pu nier l’évidence : le gazoduc Yadana est bien la moneyline, la perfusion indispensable à la survie financière de la junte birmane. La perspective d’avoir à supporter seul ce fardeau est d’autant moins tenable que Total va bientôt se trouver confronté à un nouveau défi.
Des experts planchent actuellement sur la mise en place d’un compte séquestre destiné à gérer les revenus du gaz birman. Même si une décision en ce sens du conseil de sécurité de l’ONU n’est pas envisageable à court terme, cette seule éventualité ne tardera pas à mettre les généraux birmans dans l’embarras, suscitant des réactions imprévisibles.
Déjà, l’accueil médiatisé par Sarkozy à l’Elysée du Dr Sein Win , le premier ministre du gouvernement birman en exil (cf. Bakchich N° 49) a valu aux expatriés de Total en Birmanie d’inquiétantes surprises. Leurs interlocuteurs birmans, qui avaient toujours considéré leurs amis français comme d’indéfectibles alliés, ont murmuré le mot trahison, et ont fait allusion au traitement réservé à cette catégorie d’individus sans honneur. Les responsables de la junte sont en effet tombés de haut. Jusqu’à cette fâcheuse réception à l’Élysée, leur susceptibilité avait été ménagée au-delà du raisonnable. Les gens de Total leur avaient répété sans jamais être démentis que la diplomatie française, à l’ONU, comme au sein de l’Union Européenne, oeuvrait sans relâche à la protection de leurs intérêts communs, une sorte de bouclier total.
La faiblesse de la position birmane de M. de Margerie est encore soulignée (toujours dans le Monde du 6/10) par quelques grossières contre-vérités. Il prétend que Mme Aung San Suu Kyi ne réclamerait plus le retrait de Total, mais si l’icône de la démocratie était revenue sur sa déclaration de 1996 (Total est le plus fort soutien du régime) nul doute que les communiquants du pétrolier l’auraient largement fait savoir. Pas très élégant de faire parler une recluse condamnée au silence…