La candidature du très controversé président de la région Languedoc-Roussillon est présentée aujourd’hui par le PS local pour les élections sénatoriales. Un soutien étonnant à un homme exclu du PS pour ses dérapages en série
A bientôt 70 ans Georges Frêche n’a plus peur de rien. Les règlements, les statuts, les valeurs du parti socialiste qui fut longtemps le sien, avant son exclusion en février 2007, l’affreux « Geogeo » n’en a cure. Et il garde même des soutiens. Le socialiste Robert Navarro, premier secrétaire fédéral de l’Hérault, entend, en effet, faire de l’ancien maire de Montpellier, qui n’est donc plus membre du PS, sa tête de liste aux élections sénatoriales de septembre prochain. Rien de moins ! Le choix doit être entériné vendredi 25 janvier au soir, par un vote des notables socialistes. Si Robert Navarro confirme bien l’information, il ne souhaite pas commenter « le passé ».
D’après les statuts du PS, un exclu du parti ne peut redemander sa carte qu’après deux ans d’exclusion. La nouvelle adhésion n’est pas automatique. Le Premier secrétaire et son bureau national sont censés procéder à une enquête de moralité politique. Mais le cas Frêche semble singulier. Selon des membres du conseil national, un rendez-vous aurait même été fixé le 28 janvier prochain entre François Hollande et Georges Frêche. Mais, pour l’instant, les principaux ténors du PS sont aphones. Le téléphone de Stéphane Le Foll, bras droit de Hollande, demeure muet et sa messagerie déborde.
Au sein du pôle rénovateur, Benoît Hamon, le candidat putatif au remplacement de François Hollande ose s’aventurer sur le terrain de l’éthique : « C’est un symptôme de la crise morale que vit le PS. Personne ne respecte plus aucune règle. Au temps de la rivalité Mitterrand/Rocard, les affrontements pouvaient être durs mais chacun respectait les règles que la collectivité s’était fixée. Aujourd’hui, cela n’existe plus ». Le ségoléniste Christian Paul veut croire que la rue de Solférino ne tiendra pas un double langage, si jamais Frêche était désigné. « Il a été exclu et la direction doit faire prévaloir nos valeurs ».
Mais la région Languedoc-Roussillon, avec la puissante fédération héraultaise du PS, pèse lourd dans les savants équilibres du PS. Elle peut être un allié de poids lors des votes du prochain congrès. Tous les candidats au poste de premier secrétaire et les courants qui les soutiennent ne veulent pas perdre une voix. Pour un détail ?
Voire. Car l’actuel président du conseil régional de Languedoc-Roussillon et président de la communauté d’agglomération accumule les reproches. Le clientélisme est sa marque de fabrique. Et ses dérapages fréquents. « Georges Frêche a l’art d’embrasser au gré des publics tout le kaléidoscope idéologique de l’hexagone. Il est capable de tenir ici un discours révolutionnaire, là gaulliste, ailleurs libéral, jaurésien et même lepéniste, dans le sillage, pour cette dernière variante, de son adhésion profonde à la cause pied-noir » écrit le journaliste Jacques Molénat (Le marigot des pouvoirs, éd. Climats, 2004).
Montpellier compte 20% de rapatriés d’Afrique du Nord ? Geoges Frêche met en berne le drapeau français au fronton de sa mairie quand le ministre français des relations extérieures se rend en Algérie célébrer en 1984 les 30 ans du début de l’insurrection algérienne.
Le 30 novembre 2005, en séance du conseil régional, il entonne le chant colonial en duo avec Jean-Claude Martinez, le leader local du FN : "C’est nous les Africains…" pour dénoncer l’attitude de ces camarades qui avaient protesté contre le vote à l’Assemblée nationale de l’amendement sur les « aspects positifs » de la présence française en Afrique du Nord.
Multirécidiviste du dérapage verbal, Georges Frêche s’en prend, un jour aux musulmans, un autre aux harkis, un troisième encore aux noirs.
De jeunes socialistes se sont régulièrement émus du comportement de ce curieux socialiste, sarkozyste avant Eric Besson, au point de demander des comptes à la rue de Solférino : « A ce niveau d’ignominie, le cynisme électoral devient un réel danger » s’indigne Prairial 21, un club du Parti socialiste qui lutte contre les discriminations au sein du parti de François Hollande !
C’est en novembre 2006 que Frêche connaît enfin la disgrâce. L’ancien édile de Montpellier trouve qu’il y a trop de joueurs noirs en équipe de France. Après Sarko qui l’inspire sur la colonisation, c’est chez Alain Finkielkraut qu’il va chercher ses arguments nauséabonds.
Le Conseil représentatif des associations noires (Cran) s’indigne et demande que le PS exclut Frêche. Après moult tergiversations, Georges Frêche est exclu en février 2007 suite à une enquête de la commission nationale des conflits du Parti socialiste qui réunit tous les courants. Cette fois, ils sont tous d’accord : Frêche n’a plus sa place au PS car ses déclarations « ne sont pas compatibles avec les valeurs d’égalité du PS ». L’aura-t-il demain au Sénat, avec l’appui de certains de ses amis socialistes ?