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CULTURE / CHRONIQUE CINÉMA

Synecdoche, New York : la vie façon Rubik’s Cube

Chronique ciné / mardi 31 mars 2009 par Marc Godin
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Complètement dépressif, un théâtreux se perd dans l’œuvre de sa vie. Un miracle goupillé par le génial auteur de Dans la peau de John Malkovich.

C’est toujours la même chose. Que ce soit en littérature, en musique ou en cinéma, les critiques aiment bien brûler les chouchous qu’ils ont portés aux nues. Hypes un jour, ringards l’autre, les artistes peuvent avoir la carte, mais jamais très longtemps.

Exemple du jour, Charlie Kaufman. Révélé en France avec Dans la peau de John Malkovich, Kaufman était le prototype même du scénariste cool, pote de Spike Jonze, un « mec ultra-génial », impossible à interviewer, qui ne se laissait même pas prendre en photo. De l’or en barre pour Tecknikart… Auteur d’Eternal Sunshine of a Spotless Mind, Confessions d’un homme dangereux, ou de son chef-d’œuvre, Adaptation, Kaufman a vu peu à peu son étoile pâlir auprès des branchés. De dingo, farfelu et abyssal, son cinéma est devenu convenu, tarabiscoté, lourd. Pire encore, prévisible. Pour sa première réalisation, plus personne ! Présenté en compétition au festival de Cannes, Synecdoche, New York est reparti bredouille de la Croisette (c’est sûr, Entre les murs, c’est du cinéma !). Et Kaufman de se faire allumer par les critiques, exténués par le marathon cannois, avec des conneries du style « épuisant, fatigant, Kaufman se prend les pieds dans le tapis, un peu confus… ». Problème, Charlie Kaufman fait des films sophistiqués, complexes, avec des récits emboîtés et divers degrés de lecture. Des films malheureusement impossibles à pitcher en une phrase chez Ardisson… Depuis Cannes, Synecdoche se traîne donc une réputation d’enflure migraineuse, d’où la sortie misérable onze mois plus tard.

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La vie au fond de la cuvette

Quasi impossible à résumer, Synecdoche, New York explore le cerveau légèrement azimuté de Caden Cotard, metteur en scène de théâtre dépressif, hypocondriaque, qui passe un peu trop de temps à scruter ses étrons au fond de la cuvette. Quitté par sa femme (« J’ai rêvé que tu étais mort et j’étais contente  »), le génie se met à gamberger sur l’œuvre de sa vie : un projet fou, une évocation de son existence dans ses moindres aspects, à l’intérieur d’un décor de New York reconstitué dans un hangar gigantesque. La répétition, le work in progress va perdurer sur des dizaines d’années et Cotard fait rejouer à l’infini les moments clés de sa vie, évoquant les femmes qu’il a aimé, ses traumatismes, ses rares moments de bonheur… Bientôt tout s’emballe, Cotard fait jouer son double par une femme, embauche le double de son assistante et de sa maîtresse, le double de son double, tandis que des centaines de figurants et de doubles de figurants répètent à l’infini des événements importants, pathétiques ou dérisoires dans de petits cubes qui évoquent un cerveau géant.

Un film-monde

Charlie Kaufman a déclaré que Synecdoche était « un film d’horreur psychologique ». C’est aussi un film-monde, un film fou où plane l’ombre de Kafka, Lynch et de Buñuel, une œuvre burlesque et mélancolique qui mixe Bergman et les Monty Python et qui évoque 8 semaines et demi de Fellini ou All that Jazz.

A l’arrivée, Kaufman décrit une vie, la nôtre, avec ses joies (femme, enfants, amis, l’art comme substitut à l’immortalité, l’amour…) et ses peines (maladie, échec, séparation, dépression…) comme vues à travers les prismes colorés d’un kaléidoscope pour enfants. Désespérément drôle ou drôlement désespéré. À une époque où les studios américains nous gavent de mecs en collants qui sauvent le monde et de chihuahuas qui parlent, Kaufman vous propose de vous récurer le cerveau de ce genre de conneries. Comme chez Fellini, laissez-vous porter par l’intelligence, la folie de l’entreprise et le génie des acteurs, ici Philip Seymour Hoffman, Samantha Morton, Catherine Keener ou Diane Wiest.

Vraiment secoué, ponctué de visions absolument démentes (Samantha Morton vit dans une maison perpétuellement en flammes, sans que cela ait l’air vraiment de l’inquiéter le moins du monde) et de dialogues abracadabrantesques (« Il ne restait rien de lui. Ils ont dû mettre des boules de coton dans le cercueil pour l’empêcher de ballotter »), Synecdoche, New York est un trip comme vous aurez rarement l’occasion d’en voir cette année, un voyage que vous ne regretterez pas…

À lire ou à relire sur Bakchich.info :

En banlieue, Adjani, prof de français énervée, prend ses élèves en otage. Sous des airs de thriller, un vrai film politique.
Course-poursuite entre un proxénète et un serial killer virtuose du marteau. Un premier film haletant et cruel.
Une bande de super-héros vieillissants reprend du service. Quand un chef-d’œuvre de la BD devient un très grand film.

Synecdoche, New York de Charlie Kaufman, avec Philip Seymour Hoffman, Samantha Morton, Catherine Keener, Emily Watson

En salles le 1er avril.


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3 MESSAGES

Forum

  • Synecdoche, New York : la vie façon Rubik’s Cube
    le mardi 30 mars 2010 à 18:21
    Un film atroce et ennuyeux.
  • Synecdoche, New York : la vie façon Rubik’s Cube
    le samedi 4 avril 2009 à 16:51, Ereignis a dit :
    Un mot très bref pour remercier le rédacteur de cette chronique. Je n’ai malheureusement pas pu voir le film de Kaufman (que j’attendais à sa sortie en salle depuis plus d’un an)parce que le film est très peu diffusé en France, et que je vis dans une petite ville de province où aucun gérant de salles de cinéma n’a daigné acheter les droits de diffusion. Un grand merci donc au rédacteur de cette chronique car je n’ai entendu et lu que des commentaires extrêmement désobligeants sur le compte de ce film qui peut n’être pas une réussite éblouissante (je jugerai par moi-même lorsque je pourrais me procurer le DVD), mais qui ne peut pas être ce que l’on en dit, car Kaufman a du génie, en sorte que même ses échecs ("Human Nature" n’est pas très bon par exemple) demeurent admirables. Assurément rompt-il avec le cinéma pop corn, avec "Les ch’tits" et autres navets du même genre. Il en va ici, à mes yeux, comme de certains auteurs immenses de la littérature : nous n’attendons plus des critiques littéraires de nous dire qui est Joyce, nous attendons de leur jugement sur Joyce de nous apprendre qui ils sont.
  • Synecdoche, New York : la vie façon Rubik’s Cube
    le mardi 31 mars 2009 à 01:55
    Un film à revoir et voir.
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