Une bande de super-héros vieillissants reprend du service. Quand un chef-d’œuvre de la BD devient un très grand film.
Chronique ciné du mardi
Alan Moore est le papa de la BD contemporaine, un scénariste de génie, grand maître de la relecture pop, subversive et post-moderne, un illuminé chevelu et mystique auteur de merveilles comme V pour Vendetta, From Hell, La Ligue des gentlemen extraordinaires. Et The Watchmen.
J’ai découvert The Watchmen en 1987, publié chez Zenda, traduit par Jean-Patrick Manchette et édité par son fils, Doug Headline (mais que devient-il ?). Je n’avais jamais lu un truc pareil. Et rien depuis, non plus. Pour ceux qui ne le savent pas encore, The Watchmen est une histoire de super-héros. L’histoire définitive. Chez Moore, les héros en collants sont vieux, fatigués, et, au fil des années, ils sont devenus inutiles, sociopathes ou crypto-nazis. Durant 400 pages, ils affrontent un mystérieux tueur de vengeurs lors d’un compte à rebours vers l’apocalypse nucléaire, tandis que Moore entremêle les intrigues, les citations, les clins d’œils politiques ou prophétiques, alterne présent, passé, futur, emboîte les points de vue avec les récits gigognes des six héros masqués.
Loin des BD anémiques de Batman ou de Spidey (un homme en collant se frappe sur 20 pages avec un méchant grimaçant), The Watchmen se traîne depuis des lustres une réputation de chef-d’œuvre inadaptable et des cinéastes chevronnés comme Paul Greengrass, Darren Aronofsky ou Terry Gilliam s’y sont cassé les dents. Aujourd’hui, le jeune Zack Snyder, fan de BD auréolé du succès de 300, arrive avec sa vision, un gros blockbuster bourré d’effets numériques et interprété par des acteurs quasi-inconnus. Et contre toute attente, c’est une putain de bonne surprise.
L’Amérique des Watchmen a une sale gueule. Grâce au Dr Manhattan, Superman atomique, misanthrope et quasi divin, les USA ont gagné la guerre du Vietnam et en 1985, Nixon entame son cinquième mandat. A cause de la situation explosive en Afghanistan, les Américains et les Russes ont dégainé l’arme atomique et le monde est sur le point d’exploser. Pendant ce temps, les super-héros ont été collés au rencard. Cacochymes, obsolètes, ringards, ils ont rangé leurs collants et leurs masques pour sombrer dans l’oubli, la dépression ou la folie. Seul Rorschach, vengeur psychopathe, continue de faire régner sa loi et de fracasser les violeurs d’enfants. Quand le Comédien, sorte de Captain America facho, se fait pulvériser, Rorschach mène l’enquête, persuadé qu’un complot vise à éliminer les Watchmen.
Avec un tel matériau, il fallait un cinéaste génial, visionnaire ou un peu inconscient. Zack Snyder, réalisateur du faisandé L’Armée des morts, de l’inégal 300, ne semblait pas vraiment être l’homme de la situation. Pourtant son talent éclate dès le générique où, en 5 minutes 30 chrono, il fait défiler 40 ans de la vie des super-héros et de l’histoire alternative des USA, en plan fixe, au ralenti, avec zoom avant ou arrière, et en musique de fond « The Times they are A-Changin » de Bob Dylan. Mélancolique et époustouflant. On y voit des héros masqués et hilares poser dans les années 40, tabasser les vilains, mourir, être envoyés à l’asile, serrer la main de JFK, servir de modèle à Warhol, devenir des tocards dans les 70’s, tandis que les Russes concoctent la bombe atomique et que les USA, gouvernés par Nixon, deviennent un état fasciste qui mitraille ses étudiants. Cela dit, et c’est le problème du film, les pauvres spectateurs qui n’ont pas lu Moore passeront à côté de ce générique, et ils risquent d’être bel et bien paumés pendant 2 heures 40. De fait, quand j’ai vu le film en salles, les mômes avaient l’air de s’emmerder ferme entre deux SMS, et je ne suis pas sûr qu’ils aient compris les subtilités du script ou même que le récit est une uchronie – à savoir une réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé. Pour ne rien arranger, Snyder garde la structure labyrinthique du livre et son film épouse la vision simultanée de l’histoire du Dr Manhattan, qui mélange passé, présent et futur. Dur pour le non-initié… Néanmoins, Snyder réalise ici son meilleur film et enfonce les derniers clous dans le cercueil des films de super-héros. Après The Watchmen, qui aura envie de voir Wolverine ou Spider-Man 28 ?
A l’arrivée, Watchmen est une œuvre énorme, démente, hors norme, avec peu d’action et de bastons, des tonnes de dialogue. C’est formellement sublime, et simplement stupéfiant d’intelligence, d’humour (Nixon a le nez de Pinocchio) et d’émotion. Et l’on se dit que Snyder a dû batailler ferme pour imposer au marketing et aux producteurs une intrigue aussi complexe, l’ultra-violence (les fractures ouvertes sont légions, beurk), la nudité frontale de Dr Manhattan, ou le fait que Night Owl, sorte de Batman terne et dépressif, n’arrive même plus à bander. Les acteurs, décors, les effets spéciaux, la photo, le montage ou la musique sont simplement parfaits, mais ce sont les deux scénaristes, David Hayter et Alex Tse, qui remportent la Palme, avec un script d’une fidélité absolue au comics, bourré de répliques repiquées intégralement à Alan Moore (Rorschach, en prison, avec tous les dingues qu’il a fait coffrer et qui veulent lui faire la peau, déclare : « Je ne suis pas enfermé avec vous, c’est vous qui êtes enfermés avec moi »). Très judicieusement, ils ont coupé dans la masse foisonnante des sous-intrigues, transformé la fin et ajouté des scènes démentes, comme celle où le Comédien, cigare aux lèvres, bute JFK à Dallas !
Si vous observez attentivement le générique du début, vous découvrirez qu’Alan Moore n’y est même pas crédité. Très remonté contre Hollywood, (il a quitté la projection de From Hell au bout de dix minutes), Moore a désavoué l’adaptation des Watchmen avant même le premier tour de manivelle. C’est dommage, car c’est le film le plus fidèle à son œuvre et à son génie protéiforme. A ce jour, Alan Moore n’a toujours pas jugé bon de visionner le film…
« Watchmen les gardiens » de Zack Snyder avec Matt Frewer, Jackie Earle Haley, Matthew Goode, Billy Crudup, Malin Akerman, Carla Cugino, Patrick Wilson, Jeffrey Dean Morgan
Sortie en salles le 4 mars.
Scolaire, plat, terne, consensuel, désespérément chiant.
Malgré son coup d’éclat inaugural (l’Armée des morts, efficace et pas encore esthétisant), Snyder échoue même à surfer sur la vague des 80’s (la comparaison avec The Wrestler serait cruelle) mais confirme qu’il est un des plus laborieux faiseurs du moment. Bon, faut avouer que la BD a pas mal vieilli. Mais tout de même…
et la critique unanime de se pâmer.
c’est bien triste.
S.
Serions-nous passé à côté de ce film ?
Pourtant je ne vois pas comment, tous les angles de lectures sont improbables on finit par avoir l’abjecte impression que Snyder a lu le comics en diagonale et en sautant des pages. Les super justiciers ont tous le charisme d’un beignet(nature), et je ne parlerai pas du dialogue cour de récré décousu et hors propos sur au moins 80% du film, pour une bobine inspirée d’une œuvre noire ça commence déjà à sentir la merde. Jamais film n’a aussi bien incarné le ridicule au cinéma depuis Vercingétorix(bien étonné de pas y voir Christophe Lambert d’ailleurs, c’était pourtant le même standing d’acteurs…)Alors en vrac ça donne un type tout bleu qui se balade les parties à l’air et qui peut apparemment faire à peu près tout ce qu’il veut ( gros contraste avec le reste de la bande d’ahuris impotents)Un espèce de Punisher fusionné avec Polichinelle et Bruno Carette qui se force à être un bad guy, Une prostituée, Le gars qui se faisait surement casser la gueule par Batman au collège et qui a essayé de s’en rapprocher le plus possible( mince, le vautour c’est déjà pris ? ben le Hibou alors..)Ah, y a aussi le mec le plus intelligent du monde…qui choisit pour mot de passe sur son ordinateur top secret le titre d’un bouquin rangé sur l’étagère à 8 cm de l’écran…c’est vrai que nous on y aurait pas pensé. Seule l’histoire de Rorsasch semble cohérente et assez noire, sorte de Max Payne masqué au passé trouble et à l’introspection pas si inintéressante.
Mais c’est bien, avec ce genre de film Snyder ne pourra pas se reposer sur ses lauriers, la prochaine fois je l’attend au tournant.
Ca démarrait pourtant bien…
Le comédien qui bute JFK, oui, fait plaisir à voir. Ce plan fait partie de ces cinq premières minutes magiques qui susurrent à l’oreille du fan sur un air d’harmonica : ON A REUSSI… à notre sauce, on a adapté l’inadaptable et niqué les moulins à vent… On est resté fidèle, tout en sortant du bois, et on vous scotche sur vos sièges… Malheureusement ça se DEGONFLE… Quand le Comédien, toujours lui, bute la Viet sous les yeux de Dr Manhattan, et qu’il lui sort cette réplique magique : "t’as pas bougé le petit doigt"… à ce moment PRECIS ça commence à foirer. Parce que ya pas de pause, les répliques du bouquin s’enchainent comme des perles sur fond d’effets spéciaux. Le Hibou a pas assez de bedaine. Bonne partition ça madame, avec ce qu’il faut de tranches de fesses et de ralentis. Mais la magie est perdue. A savoir : "Tales of the black frighter", le comics de pirates que lit le petit Noir près du marchand de journaux dans la BD sort en film d’animation.
Entièrement d’accord avec cette excellente critique. Le Batman Returns de Burton vient, enfin, de trouver son plus sérieux concurrent au titre de meilleur film de super-héros du 7e art. Il faut dire qu’avec un matériau d’origine aussi génial, il suffisait juste d’y rester fidèle au maximum pour offrir une œuvre extraordinaire. C’est le cas.
C’est très beau, très drôle, très dur et d’une intelligence qui n’a aucun équivalent dans le monde des blockbusters hollywoodiens.
Après un démarrage en trombe au box-office (les curieux, les fans, les geeks y sont allés en masse), le film va se ramasser sévèrement. Mais il a aussi tout pour devenir extrêmement culte. Et unique en son genre.