Aux Etats-Unis, ce pays qui célèbre l’éternelle jeunesse, les personnes âgées « ternissent » le rêve américain. Sauf à New York. Reportage.
New York, la Grosse Pomme, aime ses petits vieux et le montre bien. Cette ville, atypique dans le paysage américain, mène une politique sociale active auprès des personnes âgées. Prononcez le mot « social » aux Américains, c’est déjà faire injure à leur culture du « do it yourself ». Dans leur langage, une personne peut réussir par son seul courage et sa détermination. Les personnes âgées cassent ce rêve : elles ne correspondent pas à ce critère, surtout les plus pauvres d’entre elles.
Pourtant, sur les 8,3 millions d’habitants que compte la ville, 1,2 million ont 60 ans, soit 16% de la population. D’ici 2030, ce chiffre va doubler. « Mais le sujet n’intéresse personne. Aux Etats-Unis, la course au jeunisme, véhiculée essentiellement par les médias et le marketing, ne permet pas de voir nos personnes âgées comme une valeur économique essentielle. Elles sont surtout perçues comme un poids », constate Carin B. Resnick, responsable de l’agence gouvernementale pour le vieillissement à New York.
Les pouvoirs publics new-yorkais les prennent davantage en considération, d’autant que les seniors deviendront, dans quelques années, un électorat politique non négligeable. Cette considération se manifeste par les menus services qui leur sont déjà rendus. « Mais ce que nous apportons ne suffit plus. Nous devons changer », avance Carin B. Resnick. Ces changements passent par une réforme complète du système de prestations et Carin Resnick s’attend à une levée de boucliers de la part d’associations et autres prestataires qui s’accaparent ce marché juteux depuis trente-cinq ans. Ces derniers se montrent ouvertement hostiles à toute remise en question de leurs prestations.
« Le problème, c’est qu’ils ne sont plus adaptés aux réels besoins de cette population et qu’ils coûtent cher », observe la responsable. Même son de cloche du côté de Fredda W. Vladeck, directrice de l’United Hospital Fund, une fondation dont le projet est de mettre en place, avec les différents acteurs de la santé, une politique d’accès aux soins : « Ces associations pensent bien accomplir leur travail et ne comprennent pas qu’on remette en cause un système établi depuis longtemps. En lançant des appels d’offres, la ville de New York suscite chez certaines la crainte de ne pas pouvoir s’adapter et d’être obligées de mettre la clé sous la porte. » Ce qui ferait presque passer les seniors américains pour d’impitoyables consommateurs sans scrupules !
L’agence gouvernementale new-yorkaise pour le vieillissement, la plus active des Etats-Unis, fédère un réseau unique de 329 seniors centers, éparpillés sur toute la ville. Leur but : accueillir chaque jour 240 000 retraités oubliés de leurs pairs quels que soient leurs revenus. Leur slogan : occuper un retraité pour un dollar la journée. Les activités ne manquent pas. Outre la prise quotidienne d’un petit-déjeuner et d’un déjeuner, on leur propose des exercices physiques pour garder la santé, des jeux cérébraux pour entretenir la mémoire… Tout ce joli petit monde plie bagages vers 17 heures avant de revenir le lendemain à 8 heures, sauf le week-end.
Attention, dans ces centres, les genres et les couleurs ne se mélangent pas : les Noirs restent avec les Noirs, les Asiatiques avec les Asiatiques… Ainsi, le senior center placé en plein cœur du quartier chinois, à la lisière du pont de Brooklyn, reçoit près de 99% de Chinois. Le devise : rester entre soi. Ici, la moyenne d’âge est de 76 ans. Les personnes se rassemblent par grappes selon les activités. Pièce n°1 : bibliothèque et salle de lecture. Pièce n°2 : jeu de dominos chinois. Pièce n°3 : atelier calligraphie… Dans la salle principale, des retraités jouent au ping-pong, d’autres poussent la chansonnette en suivant tant bien que mal des paroles qui défilent sur un écran de télévision. On y apprend même l’anglais « en seconde langue pour que les aînés ne se coupent pas totalement de la société », confie l’un des bénévoles. Un équipement sportif est même mis à leur disposition avec tapis de course, vélos et appareil de musculation, en fin de compte très peu utilisé. Tout cela est généreusement financé par un sponsor privé, Hamilton Madison House. « Sans appui financier de leur part, ce genre d’endroit ne pourrait pas exister ». « Un ghetto ! » dénoncent certains qui voient là le moyen de faire mourir les personnes âgées plus rapidement, par manque de contact réel avec la société.
Aux Etats-Unis, la vieillesse est d’autant plus insupportable que beaucoup de personnes âgées n’ont pas les moyens financiers pour couvrir leurs besoins. A qui la faute ? A une maigre retraite qui les rend inégales devant une assurance maladie trop chère. Celle-ci représente déjà, pour un Américain moyen, un tiers de son salaire en temps normal et il faut avoir cotisé au moins vingt trimestres consécutifs pour bénéficier de la retraite de base. Certains retraités vivent avec seulement 5 000 dollars par an. Autant dire rien. Les personnes les plus touchées sont souvent des femmes qui ont élevé seules leurs enfants, mais aussi des migrants qui, travaillant depuis des décennies sur le sol américain, n’ont jamais pu bénéficier de la social security que payent les entreprises pour leurs employés.
Une solution existe : remettre ces seniors au travail. Enfin pour ceux qui ont encore la capacité physique de subvenir eux-mêmes à leurs dépenses de santé, au cas où… « Nous avons mis en place un service personnalisé de recherche d’emploi qui va du coaching à la formation pour leur permettre de trouver un job à temps partiel, explique très sérieusement Carin B. Resnick. Les plus âgés ont une expérience et une connaissance approfondies de la société. Il est donc important de montrer qu’ils sont encore flexibles. »
Beaucoup d’Etats regardent aujourd’hui New York comme un modèle à suivre avec pour seule morale : rendre leurs « petits vieux » économiquement viables… Reste plus qu’à travailler !
Et voilà, à force d’avoir installé la clim partout, les différentes canicules ne suffisent plus à éliminer les vieux qui du coup deviennent insupportables pour les Américains.
En France, Sarko les aime bien. En effet, il fallait aller à partir de la tranche d’âge des 65 ans pour le trouver majoritaire en mai 2007… !