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Entre les murs, l’école Break

Palme / jeudi 22 janvier 2009 par Marc Godin
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Canonisé à Cannes, sélectionné aux Oscars 2009 du meilleur film étranger, « Entre les murs », étonne entre deux bâillements et interpelle avec l’école de la République montrée comme une prison.

Cet article a déjà été publié dans Bakchich le 23 septembre 2008

« Entre les murs » débute dans un bar. Au comptoir, François Marin, un prof trentenaire, cadré serré, commande un petit café, prend son temps, savoure ses ultimes minutes de liberté. Son visage est impassible. Dans quelques secondes, il va pénétrer pour la première fois de cette nouvelle année scolaire dans l’enceinte du collège Françoise Dolto, établissement réputé « difficile » du XXe arrondissement de Paris. Lui et la caméra ne sortiront plus de ce lieu clos, inégalitaire et discriminant. Nous sommes Entre des murs. Tout d’abord, ceux de la salle des profs. Les anciens combattants regardent les listes d’élèves aux côtés des petits nouveaux, un poil nerveux, et commentent : « Gentil, gentil, pas gentil, gentil, pas gentil, pas du tout gentil… » Puis François, le « héros » du film, se rend dans sa classe de quatrième. Une classe mixte, comme on dit, avec des Arabes, des Noirs, des Asiatiques et quelques « jambons-beurre ». Une année durant, on va le voir enseigner le Français à Cherif, Souleymane, Louise, Wei, Khoumba, Esmeralda, Arthur, Lucie… Ou plutôt, tenter d’enseigner. Car « Entre les murs » n’est pas un film d’apprentissage, c’est un constat d’échec, le film du refus. « Avant même de maîtriser un savoir, vous êtes déjà en train de me dire que ça ne sert à rien. Commencez par le maîtriser et après vous pourrez remettre en cause le fait qu’on l’utilise. »

Entre les murs - JPG - 42.5 ko
Entre les murs
© Haut et Court

Le quotidien de ce prof, c’est de faire face à la défiance, à la moquerie de ses élèves qui tchatchent et passent leur temps à le manipuler en l’embarquant dans des discussions vaines et stériles pour avoir le dernier mot. Les ados ne travaillent quasiment jamais et surtout ne veulent rien apprendre du professeur, notamment l’imparfait du subjonctif : « Vous croyez vraiment que j’vais aller voir ma mère et que j’vais lui dire il fallait que je sois fusse. » « Bah ouais c’est dans le Moyen-âge, ça… » « Un truc de pédé. » Et le malheureux prof d’argumenter, tandis que les autres se poilent et le vannent bientôt sur sa prétendue homosexualité. On est dans le désert pédagogique et à la fin de l’année, le bilan sera dérisoire : une partie de foot profs-élèves, peut-être la seule trêve entre enfants et adultes, la détresse d’une fillette qui déclare à son prof n’avoir rien appris en un an, Souleymane exclu définitivement avec en bonus un aller simple pour le Mali et, en deus ex machina, l’insupportable Esméralda qui avoue avoir lu La République de Platon…

Film de prison ou grand film républicain

A cette succession de micro-événements qui s’enchaînent mollement pendant 2h 10, on pourra préférer certains documentaires, notamment « Une vie de prof », tourné à Saint Denis il y a quelques années par l’agence Capa. Néanmoins, « Entre les murs », s’il ne passionne pas vraiment, intrigue, notamment parce qu’il ne juge pas et qu’il permet à chaque spectateur de projeter sur cet « écran neutre » ses souvenirs personnels d’école, bons ou mauvais, voire ses fantasmes. J’ai vu un film de prison désespérant, avec des élèves-prisonniers et des profs-matons, un film sur l’impossibilité de transmettre, là où la plupart des critiques, éblouis par l’or de la Palme, parlent « d’apprentissage de la démocratie » ou « d’un grand film laïc et républicain ». Plus étonnant encore, le film est maintenant en passe d’être récupéré par l’Education nationale qui va organiser une armada d’événements et de débats lors de la sortie en salles. On croit rêver…

Il manque un peu de cinéma

Si « Entre les murs » titille la plume pédagogique des journalistes, notamment depuis la canonisation cannoise, on parle néanmoins très peu de cinéma. Avec ce quatrième film, Laurent Cantet, réalisateur un brin surestimé de L’Emploi du temps ou de Ressources humaines, décide de montrer l’école « non pas telle qu’elle devrait être mais telle qu’elle est au quotidien », avec un dispositif à trois caméras DV : une sur son acteur principal, François Bégaudeau, ancien prof et auteur du bouquin dont est tiré le film, une autre sur les élèves, la dernière pour capter les imprévus, les moments de grâce ? C’est du champ/contre-champ, droite/gauche, une sorte de partie de tennis filmée mollement, sans enjeu mais pas vraiment désagréable, grâce à Bégaudeau et aux ados, tous de véritables bêtes de scène. On comprend bien que l’on est dans un film qui veut faire avancer le débat, mais il manque un peu de cinéma (comme dans le Jaoui, désolé de remettre ça les gars !) et de dramaturgie. Pour y remédier, Cantet va tenter de faire monter la tension quand Souleymane passe devant le conseil de classe, viré devant sa mère qui ne parle pas un mot de français. C’est le climax de ce film qui refuse obstinément le spectaculaire, mais il n’émerge de cette séquence aucune émotion. Peut-être parce que dans cette scène clé, les enfants sont au second plan et que tout est cliché, attendu et somme toute démago. Bref, le naturalisme de Cantet fait toc : la pseudo-dignité de la mère africaine en boubou qui se lève en disant « Au revoir messieurs-dames », les répliques des profs… Même s’il a décroché la première Palme depuis « Sous le soleil de Satan », Cantet n’est pas Pialat.

« Entre les murs », de Laurent Cantet, avec François Bégaudeau, Kranck Keïta, Esméralda Kertani, Rachel Régulier, Carl Nanor. En salles le 24 septembre

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15 MESSAGES
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Forum

  • Entre les murs, l’école Break
    le dimanche 12 avril 2009 à 22:47, cv a dit :

    Je suis un prof de français, belge et maintenant à la retraite depuis 6 ans. Je travaillais dans un établissement accueillant des élèves d’un autre niveau scolaire, mais parfois les problèmes étaient semblables à ceux de cette classe.

    Dans sa première demi-heure, "Entre les murs" m’a fait dire "Comme je suis heureux d’en être sorti, et de ne plus être amené à seulement risquer de vivre ces situations".

    Et puis, au fil du temps, petit à petit une sensation de manque s’est installée au fond de moi. Car j’étais un peu ce genre de prof, et les contacts, même difficiles avec les ados, étaient souvent extrêmement enrichissants.

    Pour moi, ce constat est le meilleur compliment que je puisse adresser à l’auteur-acteur principal et au réalisateur.

  • Une leçon de ce qu’il ne faut pas faire ?
    le dimanche 12 avril 2009 à 14:10, Caroline, prof de Français à Londres a dit :

    J’ai vu Entre Les Murs un peu après tout le monde puisqu’il n’est sorti ici, à Londres qu’un peu plus tard. Aussi je l’ai vu avec les yeux d’un prof de français de lycée anglais (je parlerai donc ici du contenu et non de la forme). Mes élèves montrent peu d’intérêt pour mon sujet (pourquoi doivent-ils apprendre le français puisque le reste du monde parle anglais ?) et j’ai aussi dans certaines de mes classes des personnages comme dans le film.

    Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de voir ce film comme une critique flagrante de l’enseignement français. Très franchement, ces élèves sont fantastiques ! Ok, ils sont un peu plus agités que des élèves de Neuilly, mais c’est avec des classes comme celles-ci qu’un prof repousse ses limites, et évolue dans ses techniques d’enseignement. D’accord, ils ne s’expriment pas en bon français, mais ils participent à la classe (en argot, et alors ? c’est un début). On peut admettre aussi que leurs devoirs ne correspondent pas au niveau attendu par Mr Bégaudeau, mais ils ont tous essayé de produire quelque chose, au contraire des miens par exemple !

    Ces enfants sont suffisamment intéressés pour qu’un professeur avec un peu d’imagination puisse leur apprendre quelque chose d’utile et les motiver. N’est-ce pas déprimant quand à la fin du film les élèves racontent ce qu’ils ont appris, mais aucun ne mentionne leur cours de français ? En effet, Mr Bégaudeau ne leur apprend rien, il passe même à côté du fait que Esméralda a lu La République de Platon !! Quel dommage !

    Au niveau discipline, n’en parlons pas ! Si un prof entre dans le jeu d’un élève, et commence à l’insulter et parler comme lui, bien sûr qu’il va se faire insulter en retour ! Et c’est bienfait ! Je le sais j’ai fait la même erreur au début de ma carrière. Un prof ça doit montrer l’exemple, avoir des règles simples qui marchent dans les deux sens et un système pour les appliquer. Si on fait ce qu’on dit et qu’on est juste les élèves le reconnaissent et on se fait respecter.

    Ces élèves ont besoin de structure et d’un repère au sein de la classe (que Mr Bégaudeau ne parvient pas à représenter) mais aussi d’un but, d’une raison d’avoir à lire Anne Frank, ou d’apprendre le subjonctif ! Dire « il faut le faire parce que c’est comme ça », ou « fais le et tu critiqueras après » ne motivera jamais une classe quelle qu’elle soit ! Expliquer des mots compliqués avec d’autres mots compliqués ne fait qu’enfoncer ces pauvres gamins (qui veulent comprendre) encore plus profond. Avez-vous entendu le prof mettre en valeur ses élèves dans ce film ? « Toi, tu connais le théorème de Pythagore ? C’est ça ouais ! ». Quelle horreur !

    Imaginez par exemple faire entrer ces élèves dans la classe en leur disant « bonjour » à chacun, et avoir préparé au tableau une photo d’Anne Frank avec à côté écrit son nom, son âge (à peu prêt le même âge qu’eux), où elle habite et écrire en gros « Cette jeune fille est morte, pourquoi ? Imaginez des raisons avec votre partenaire ». Ceci ne réclamerait pas énormément de travail et engagerait les élèves dès le début de la leçon. Ok certaines des raisons données ne seront sûrement pas vraiment appropriées à la tâche, mais donner aux élèves une chance de rigoler un peu au début aidera à les engager dans le travail requis, en les menant dans une série de petites activités structurées qui leur donnerait plus envie de lire ce livre et de savoir pourquoi elle est morte !

    Ceci est juste un exemple, et je suis sûr que certains profs français font preuve de plus d’imagination de ce pauvre Mr Bégaudeau, mais je pense réellement qu’Entre les murs montre à quel point le système français est rétrograde quant aux techniques d’enseignement utilisées, que la plupart des ses membres critique en premier leur public plutôt que de se remettre en cause, et surtout qu’on a beaucoup à apprendre en France du système Anglais.

    • Une leçon de ce qu’il ne faut pas faire ?
      le mercredi 19 mai 2010 à 01:10
      Après avoir lu le commentaire de la prof de français Londres, je suis sidéré : comment un enseignant anglais peut-il avoir le front de dénigrer le système français, certes imparfait et plein de défauts, quand on connaît l’état déplorable del’éducation secondaire en GB, le niveau déplorable des élèves, leur inculture et la démagogie des enseignements qui sont dans le fun, lé démagogie la plus absolue et qui ron t abdiqué tout exigence…ayant enseigné un an à londre, où les profs sont surveillants, secrétaires, taillables et corvéables à mer, traités comme de la merde , je sais de quoi je parle…
  • Opinions sur le film
    le jeudi 12 mars 2009 à 19:16, Ju a dit :

    Bonjour, j’ai lu toutes les ’’critiques’’ (ou presque) et je voulais dire que je trouve cela très intéressant que des personnes donne leurs avis parce que ce n’est pas souvent que les gens exprime leurs opinions !

    J’ai eux la chance(si je peux dire ça comme ça) d’aller voir avec mon professeur de français ce film que je n’ai pas du tout apprécié ; d’une part à cause de sa lenteur et de la ’’violence’’ entre les élèves. Il me semble que ce film est utilisé par l’éducation Nationale et que beaucoup d’élèves de collège doivent aller le voir ..mais je me demande encore comment ce film peut être visionner par d’autres élèves qui sont surement dans le même cas que certains dans le film..et je me demande encore où est l’éducation là dedans ?..Je ne suis là seulement pour donne mon avis et surement pas pour critiquer vos critiques ou quoi que se soit. Bonne continuation.

  • Entre les murs, l’école Break
    le lundi 9 février 2009 à 06:41, Christine a dit :
    Bonjour, Je suis sortie de la projection avec un vrai questionnement personnel : Ai-je vraiment mauvais esprit ? Le moment le plus long de ce film où il y a échanges calmes et sans violence entre prof et élèves c’est quand le perturbateur (sygmatisé : étranger, de couleur, violent)n’est plus là, qu’il va retourner dans son pays.Certes, ce n’est pas le pouvoir politique qui le mettra dans l’avion. Pire, c’est son propre père qui semble lui dire : tu n’es pas digne de rester dans un pays qui pourtant t’offre l’accès aux savoirs J’y ai vu un message subliminal à la solde d’un racisme aussi dangereux qu’il s’exprime dans un pseudo film de fiction-réalité. Lisant dans votre article que ce film va être utilisé par l’éducation nationale, je me sens conforté dans ce ressenti…Mais je dois vraiment avoir mauvais esprit !
  • Entre les murs, l’école Break
    le jeudi 30 octobre 2008 à 13:14, Renaud Chenu a dit :

    j’y suis allé, histoire d’avoir un avis… et je me suis fait chier… je vous trouve bien gentil Marc avec ce film, plus que moi en tout cas. ;-)

    Entre les cuisses, où les belles personnes ne tolèrent aucun mur

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