En 1987, en pleine cohabitation, la bande à Pasqua s’agitait sur le front des questions internationales. En particulier Marchiani, en mission à Téhéran, pour sauver des otages. Mais Tonton, bien sûr, veillait au grain.
Si la cellule de l’Élysée a fait sauter les PV de Marchiani, les barbouzes de Mitterrand n’en ont pas moins placé Môssieur Jean-Charles sous haute surveillance à la fin des années 80. La cellule dirigée par Christian Prouteau lui a consacré ainsi de nombreuses notes. Au cœur des préoccupations, l’affaire des otages français détenus par le Hezbollah au Liban et les relations avec l’Iran. Un dossier autour duquel les coups bas se multiplient entre le Gouvernement Chirac et le Chef de l’État. Dans une note en date du 5 mai 1987, adressée à François Mitterrand et consacrée au « contentieux franco-iranien », Prouteau, sans beaucoup d’égards, y qualifie Marchiani de « troisième compère » appartenant « au clan des militaires » et plus ou moins missionné par Chirac pour engager des « tractations » avec Téhéran.
Des tractations qui, bien que l’Iran soit officiellement sous embargo, ne sauraient faire l’impasse sur des ventes d’armes… 8 décembre 1987, nouvelle note de Prouteau à Mitterrand, qui fait le point sur les concessions secrètes accordées par le gouvernement Chirac pour obtenir la libération des otages. Et Prouteau de relater un incident parvenu à ses grandes oreilles : « Un renseignement sûr, confirmé, nous est parvenu concernant des accords passés entre la France et l’Iran, à travers un intermédiaire dont la réputation soulève certaines interrogations. En effet, le samedi 28 novembre assez tard dans la soirée, Monsieur Ghorbanifar, bien connu pour sa participation à l’Irangate, est contrôlé à la Police de l’Air et des Frontières et ensuite par les douanes. Cachés dans le journal Le Monde [1], il a été découvert deux documents confidentiels rédigés en farsi. À ce moment-là, Ghorbanifar est entré dans un grand état d’excitation, menaçant le service officiel et a exigé que Monsieur Pasqua soit informé de son interpellation. Compte tenu de la personnalité de Ghorbanifar et des menaces proférées, les fonctionnaires ont alerté leur hiérarchie. Très rapidement, ils reçurent l’ordre de libérer Ghorbanifar, de lui restituer ses documents et de détruire les photocopies qui auraient pu en être faites. Il a été exigé que cette interpellation et ses suites restent strictement confidentielles. »
Et Prouteau de rapprocher cet incident d’une information recueillie quelque temps plus tôt lors d’un voyage de Marchiani à Damas, voyage manifestement très surveillé…
« Ce renseignement est à rapprocher de l’information que je vous avais communiquée, concernant les péripéties d’une première négociation entre la France et l’Iran sur des équipements militaires. J’avais évoqué à cette occasion le voyage, effectué par Messieurs Marchiani et Ghorbanifar dans un avion du Glam à Damas. Étant donné que, dans cette affaire assez compliquée de négociations entre la France et l’Iran, il n’y a pas de petits détails, un personnel navigant a relevé qu’au cours du transport de Monsieur Marchiani et des personnes qui l’ont accompagné, lors de la récupération des otages à Larnaca, le problème de fournitures d’armement à l’Iran (pièces détachées en particulier) a été largement évoqué par les passagers. Compte tenu de la “spécialité” de Ghorbanifar, s’il n’avait pas une place prépondérante dans le cadre des négociations secrètes entre le Gouvernement français et l’Iran, on voit mal pourquoi la hiérarchie policière aurait exigé que l’interpellation reste confidentielle. »
Chacun sa « spécialité », donc si Ghorbanifar doit sa notoriété à l’Irangate, Jean–Charles Marchiani ne crèvera, lui, vraiment l’écran, qu’avec l’Angolagate.
[1] dissimulé entre deux feuillets du journal