La toute fraîche Autorité de régulation des jeux en ligne est bien incapable de définir le périmètre des prélèvements et du contrôle des sociétés qui exploitent des sites de poker depuis des paradis fiscaux.
Avoir un nom de domaine sur internet en « .fr » et être basé à l’étranger. Un jeu d’enfant pour les sites de poker en ligne qui viennent d’obtenir leur licence le 7 juin. Du moins, pour les trois quarts d’entre eux. A savoir, « Pokerstars » situé sur l’île de Man, « Winamax » à Londres, « Betclic » et « Everest Poker » à Malte, et « Bwin » entre Gibraltar pour ses bookmakers et Vienne pour ses salariés. Exception faite des ex-monopoles français : la Française des Jeux (FDJ) et le PMU.
Pourquoi choisir l’exil ? Clémence fiscale oblige ! En s’établissant là où la juridiction semble la moins contraignante. Soit « des paradis fiscaux » qui ne veulent pas dire leur nom. Détail par le menu.
Ile de Man, oasis de félicité de Pokerstars.
Un micro-État dépendant de la Couronne britannique converti à la finance off-shore depuis 25 ans. Ou « 60 milliards d’euros ont été déposés dans les coffres des banques par les traders de la City de Londres, les stars du foot et les grandes compagnies internationales » selon le journal l’Express. Avec 30 000 sociétés établies pour 80 000 habitants. Sauf que depuis la crise financière, l’enclave a fait des yeux doux aux institutions internationales qui cherchait des poux aux paradis fiscaux. De grise, l’île est passée sur liste blanche et peut donc continuer de servir de base arrière aux banques, compagnies d’assurances et cabinets d’avocats de renom.
Londres pour Winamax
Situé au cœur de la City, un État dans l’État qui sert de passeport aux sociétés. La City permet de créer facilement des entreprises avec peu d’obligations sociales et une opacité de fonctionnement. Selon John Christensen, directeur du « Réseau mondial pour la justice fiscale », « c’est une erreur de considérer les places offshore comme des îles sous les cocotiers ou des lieux de villégiature alpins. Des places financières comme Londres, New York, Singapour sont aussi des paradis fiscaux ».
Malte pour Betclic et Everest Poker.
Si toutes les sociétés offshore ont vu leurs avantages supprimés depuis l’entrée du pays dans l’UE en 2004, elle reste la Mecque des casinos et sites de poker. Plus de 230 sociétés de casinos en ligne s’y sont installées. Raison ? Les jeux d’argent virtuels y sont légaux et représentent une manne financière exceptionnelle pour les caisses de l’État. Avec un taux de redistribution des gains pour les joueurs à hauteur de 98% contre 60% en France pour la FDJ. Nombre de Français y ont planté leur tente tels les groupes Partouche, Barrière, Tranchant ou Joa Groupe. Unique souci, l’État français souhaite avec la nouvelle loi vouloir obliger les sociétés à installer une copie de leur serveur informatique sur le sol français… Toujours en attente.
Gibraltar pour Bwin.
Avec ses bookmakers installés sur l’îlot britannique entre l’Europe et l’Afrique, Bwin profite d’un horizon dégagé. Gibraltar est considéré par l’OCDE (l’Organisation de Coopération et de Développement Economique) comme un « paradis fiscal coopératif » et figure sur sa liste grise. Entendre par là : un concours en matière fiscal avec l’UE tout en conservant son autonomie de gestion, soit des taux d’imposition quasi inexistant. Selon Les Echos, on y recense « 18 établissements bancaire, 57 compagnies d’assurances et de réassurance, quelque 120 fonds d’investissement de toute taille avec un total de près de 5 milliards de dollars sous gestion ». Sans oublier une vingtaine de firmes de jeux en ligne.
Que dit l’État dans tout ça ? Depuis mars 2010, l’OCDE a fixé des règles plus contraignantes aux États pour lutter contre l’évasion fiscale. Jusqu’à dresser une liste des pays récalcitrants.
L’article 21 du projet de loi sur les jeux en ligne découle de cette nouvelle législation. Ainsi, « ne peuvent demander l’agrément que les opérateurs de jeux ayant une convention contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. »
De belles promesses qui cachent l’essentiel puisque les pays membres de l’UE ne peuvent y figurer. Au nom de la libre circulation des capitaux, des marchandises et des personnes. En réalité, un simple représentant fiscal en France suffit. Avec comme unique imposition par l’État : 2% des mises sur chaque table de jeu. Pour le reste, l’ARJEL est bien incapable de définir le périmètre des prélèvements et du contrôle des sociétés.
« Nous vérifions la transparence de l’actionnariat, la solidité financière et la fiabilité des infrastructures techniques » tonne-on de leur côté. « S’il y a un souci, c’est la commission des sanctions qui tranche, indépendante de l’ARJEL ». Renvoyant la balle au ministère du Budget. Lui-même n’ayant pas de précisions sur les obligations de ce représentant fiscal en France.
L’exil fiscal a encore de beaux jours devant lui.
Désolé pour cette platitude, mais ils nous prennent vraiment pour des cons.
On sait déjà - on savait AVANT l’"ARJEL" (quel nom !) que l’Internet n’a pas de frontières.
On sait qu’ils ne font rien contre les paradis fiscaux en dépit des rodomontades occasionnelles de circonstance.
Des milliers de milliards s’accumulent et font des petits dans ces paradis, mais ont demande toujours plus d’efforts aux peuples pour quelques poignées de milliards.
Les tondus, par les impôts, taxes et jeux, comptez-vous.
Les yeux dans les jeux Diffusée le 03/05/2010 Durée : 52 minutes
Depuis plusieurs années, 3 millions de Français jouaient en ligne en toute illégalité, attirés par les 22000 sites de poker ou de paris sportifs accessibles en France… En mars 2009, le gouvernement a déposé un projet de loi afin de légaliser le jeu. En échange, les opérateurs, comme Unibet ou Betclick de Stéphane Courbit devront payer des taxes à l’Etat. « Les yeux dans les jeux », le nouvel épisode des Dessous de la loi, raconte les coulisses de cette loi, des auditions du Sénat aux débats dans l’hémicycle. Un documentaire d’Elise Aicardi, produit par Public Sénat (52’).