La 35e édition des César a vu le sacre sans surprise d’Un prophète. Une soirée kitsch et interminable, à l’image d’un cinéma français médiocre, bourgeois et bedonnant.
T’as regardé les César ?
D’un derrière distrait.
Tu n’aimes pas les prix, les récompenses, les cérémonies, les belles robes ?
Comparer, juger donner des bons points, cela m’a toujours semblé assez puéril.
C’est pourtant ce que tu fais à longueur d’années ?
Touché ! Mais avec les César, on est plutôt dans le concours de bestiaux. Pas grand-chose à voir avec l’art… Les « professionnels de la profession » regardent - ou pas - des films en DVD et décident quel est le meilleur, lequel a la plus grosse. Ca me fait penser au tableau de Dali, « Jeune vierge auto-sodomisée par sa propre chasteté ». Bizarre… D’ailleurs, tout ce cirque n’a aucune importante. Qui se souvient du César du meilleur film de 2009 ? Ou de 2008 ?
Euuuuh… Et cette édition 2010, tu en as pensé quoi ?
Pathétique, sur le fond et la forme.
Tu n’es pas d’accord avec le palmarès.
Je m’en fous du palmarès. Un prophète a tout raflé, c’est un excellent film, mais on pourrait pointer à l’infini les scandales de cette édition : rien pour Alain Resnais, rien pour Vincent Lindon, rien pour Florence Loiret-Caille ou Noémie Lvovsky… Bon, c’est la règle du jeu, la loi du vote des « pros ». Ce qui me dérange, c’est de voir une fois encore que certains des meilleurs films de l’année ne sont même pas nommés. Où sont Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie, Adieu Gary de Nassim Amaouche ou encore 35 rhums de Claire Denis. De très bons films qui n’ont même pas leur place dans ce barnum où un médiocre comme Radu Milhaileanu repart avec deux statuettes.
Qu’un seul tienne et les autres suivront était nommé, quand même !
Tu as raison. Mais quand tu vois une cérémonie pareille, tu pleures. C’est ça le cinéma français ? Le Dernier pour la route, les deux biopics sur Coco Chanel, Le Concert, Persécution, L.O.L, Le Petit Nicolas, Non ma fille tu n’iras pas danser… Des téléfilms, des trucs vides et creux.
Et la cérémonie ? T’as aimé le numéro de Valérie Lemercier et Gad Elmaleh ?
Lemercier veut absolument faire voir qu’elle a maintenant de belles jambes, Gad écarquille les yeux et lance des vannes comme « Vous avez déjà vu un ours avec un sac Chanel ou Laura Smet en pleine forme ? » Tu imagines l’armée d’auteurs à Canal pour écrire des trucs pareils ?
Ca y est, tu vas baver sur Canal maintenant.
J’avais l’impression d’assister à un conseil d’administration de la chaîne. Dès qu’il le pouvait, le réalisateur Jérôme Revon faisait un plan de coupe sur les vedettes de la maison. Une dizaine sur Bertrand Méheut (assis à côté de Sigou, t’imagines la soirée qu’elle a passée ?) et Michel Denisot, un peu moins sur Rodolphe Belmer, un seul sur Manuel Alduy. Et cette façon de choisir les stars américaines pour les César d’honneur : des vedettes en promo à Paris, histoire que Canal ait le moins de frais possible.
Et les stars ?
J’avais juste honte, et parfois envie d’hurler comme Joey Starr qui se mordait les doigts pour ne pas le faire. Marion Cotillard semblait légèrement sous influence, Jeanne Balibar a fait le cochon, Stéphane Brizé s’est lancé dans un discours d’une plombe, Audiard, très engagé, a lancé des phrases définitives comme « Vous êtes tous magnifiques, vous êtes bien habillés », « C’est pas grave, on fera des tournantes » (à quoi tu pensais, Jacquot ?), « Bon, maintenant, j’ai plus grand-chose à dire, je vais parler des sans-papiers »…
Pas vraiment. Une conclusion ?
Simplement une petite réflexion. L’académie des César a rendu un hommage vibrant à feu Eric Rohmer avec un petit montage de trois minutes…
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Tout le mal du cinéma français vient du système d’avances sur recettes. Vous avez remarqué que la plupart des films sont des PREMIERS films ? Et presque jamais suivis d’un deuxième ?
Autrement dit, sur simple lecture du scénario, on avance à des débutants, n’ayant jamais appris leur métier, de l’argent perçu par un impôt sur le vente des billets, et la production fait son beurre au moment du financement, pas au moment de l’exploitation.
Bref, que le film marche ou se ramasse, peu importe, on a ajouté un film aux 199 autres de l’année, ce qui permettra au ministre de se féliciter que "le cinéma français se porte bien". Ce qui est faux, puisque trois sur quatre de ces premiers films ne dépassent pas les deux semaines d’exploitation et ne seront même pas vus à la télé.
Autrefois, les réalisateurs faisaient un long apprentissage comme assistants auprès d’un aîné expérimenté. Aujourd’hui, tu fais ton film si tu es un rigolo de la télé, si ton père travaille à Canal Plus ou si ta mère est à la commission d’avances sur recettes (je cite là un cas très précis, celui de Jérôme Bonnell, réalisateur de La dame de trèfle).