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Les Hussards : des romanciers contre-engagés

Courant littéraire / samedi 14 mars 2009 par Louis Poirier
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Même des marxistes, comme Roger Vaillant, mettent l’accent sur leur quête individualiste d’un bonheur, volontiers libertin.

Chronique Bouquins du w.end

Admirateurs de Stendhal, les journalistes-écrivains qui ont entre vingt et trente ans à la Libération trouvent parfois ennuyeux et faux l’humanisme militant venu de la Résistance et de l’existentialisme. Ces réactionnaires néo-classiques, qu’on dit « anarchistes de droite », ressuscitent le mythe du « hussard », sorte de chevalier du Moi, désinvolte et passionné, vivant sa vie comme un jeu personnel, en vue du plaisir.

C’est l’époque où Christian Millau rejoint L’Opéra, la revue dirigée par Roger Nimier, là où les mots et l’idéal apparaissent dans ses premières chroniques littéraires. Les « hussards » ne forment pas une école : ils ont réactivé l’humour et la mélancolie, un certain romantisme romanesque. C’est parce que leur impertinence nous manque que Bakchich les redécouvre en ces temps où les idéologies, comme les cheveux longs, sont ruinées.

Du côté marxiste, Roger Vailland et Claude Roy soutiennent, face à de plus orthodoxes, que l’individu et son bonheur sont les fins dernières de la politique et que le procès intenté à Stendhal, pour inutilité, rejoint celui de la littérature. Par là, de jeunes écrivains aux goûts politiques adverses sont en accord avec eux, même si leur égotisme renvoie davantage à Gobineau ou à Barrès. Ils revendiquent eux aussi l’héritage du libertinage et de l’irrespect.

Libertinage et irrespect

Mais ces cadets – Roger Nimier, Michel Déon et Jacques Laurent – lisent le Stendhal romancier de Bardèche, beau-frère de l’affreux Brasillach exécuté en 1945, qui compare Après-guerre et Restauration. Ces « anarchistes de droite », qui n’en sont pas vraiment, ne voient qu’ennui et hypocrisie dans les retours d’un humanisme béat et d’une république bananière, symbolisés pour eux par Sartre revigoré par un Conseil national des écrivains aveuglé par la haine de tout ce qui n’est pas « aligné ». Dans ce contexte, Fabrice et Julien, hussards, l’un à Waterloo, l’autre sous la Restauration, offrent au jeune Millau, qui vient de rejoindre la bande à Nimier, des images héroïques entre plaisir et mépris.

Don Quichotte et d’Artagnan, le chevalier à la triste figure et le mousquetaire, représentent aux extrêmes un rêve d’action. Dans une époque meurtrière et totalitaire, lorsque le pessimisme répond au tragique par le jeu individuel, au roman de la « condition humaine » par le récit désinvolte et savoureux, l’un des modèles possibles est le héros stendhalien, chevalier du Moi. En cet après-guerre, le « hussard romantique », selon le mot de Sainte-Beuve, va métaphoriser, pour les journalistes-écrivains autant que pour leurs créations, l’allégresse du style et de l’esprit.

Du désengagement à la fantaisie et à l’imaginaire

Cependant que Gérard Philipe incarne au cinéma le protagoniste de La Chartreuse de Parme (1948) et celui du Rouge et le Noir (1954), les hussards investissent le roman : au Hussard bleu (1950), de Roger Nimier, fait écho Le Hussard sur le toit (1951), de Jean Giono, devenu, sous la plume de Millau, romancier stendhalien. René Marill-Albérès fait entrer dans son bientôt fameux Bilan littéraire du XXè siècle (1956, 1970) « le mythe du hussard » et classe dans une « école des hussards » Roger Nimier, François Nourissier, Jacques Laurent, Bernard Frank et François Sagan, à partir d’un personnage-type : « un être jeune, désabusé et ardent, forme aristocratique du jeune homme d’après-guerre » ; il cite aussi Roger Vailland et Claude Roy – mais il reste muet sur le mythe narratif, fondé en particulier sur Œdipe.

Dès 1952, la métaphore filée tire son éclat d’une chronique des Temps modernes, l’organe de Sartre, où Bernard Frank, lui-même hussard mais grognard réputé « de gauche », désigne ainsi une littérature de la verve et du plaisir d’écrire poussé jusqu’à la complaisance et, en même temps, un groupe mené par Nimier, Laurent et Antoine Blondin, présenté comme fasciste « par commodité » – ce qui était éminemment grotesque. L’ambigüité de la polémique fait que des aînés comme Jacques Chardonne et Paul Morand leur seront un jour assimilés.

Fatalités de la guerre franco-française. Querelles aujourd’hui oubliées. Le nombre des hussards s’arrête à quatre lorsque Déon s’associe à Nimier, Blondin et Laurent pour préfacer en 1956 un romancier « épuré », leur ami André Fraigneau. La même année naît la collection « Libelles » aux éditions Fasquelle où paraîtront Déon, Frank, François Nourissier et Vailland à qui, un an plus tard, en 1957, est décerné le prix Goncourt pour La Loi. C’est le premier hussard « goncourisé ». Nimier éditeur fait campagne pour Morand et, avec succès, pour Céline (D’un château l’autre). Gaston Gallimard est aux anges.

Avec l’argent de best-sellers publiés sous pseudonyme, en particulier celui de Cecil Saint-Laurent (Caroline chérie, 1947), Jacques Laurent a pu mener parallèlement une carrière de polémiste (Paul et Jean-Paul, 1951 – Mauriac sous de Gaulle, 1965), de romancier (Les Corps tranquilles, 1948 – Le Petit Canard, 1954), et a créé la revue mensuelle La Parisienne en 1953, repris et dirigé l’hebdomadaire Arts entre 1954 et 1958, entraînant Millau dans l’aventure et encourageant Jean-René Huguenin, trop vite oublier, à enquêter sur un « nouveau romantisme ».

Le temps des "ruptures"

Puis, les morts accidentelles et précoces, à quelques jours d’intervalle, en septembre 1962, de Nimier et d’Huguenin parent ce moment d’histoire littéraire d’une aura particulière ; aux quatre hussards « historiques » en est alors adjoint un cinquième, Stephen Hecquet, autre destin tragique en 1960.

Pourtant, jamais ces « hussards » ne se sont réunis pour rédiger un manifeste ou fonder une école. Mais, leur vingtième année coïncidant avec la période de la guerre, ils ont des solidarités de génération. Ils refusent le discrédit que l’épuration a jeté sur des écrivains comme Drieu la Rochelle ou Céline. Ils réagissent contre la doctrine sartrienne de l’engagement et contre l’esprit de sérieux de l’après-guerre, en héritiers du classicisme, du romantisme et du premier après-guerre. Ils assument avec pudeur une certaine mélancolie de vivre et recherchent la fête et l’amitié.

Bien d’autres ont été appelés « hussards », parfois abusivement, dans les années cinquante et soixante puis au fil des décennies, comme si l’insolence faisait école : Eric Ollivier, Geneviève Dormann, Gérard Guégan. Et plus récemment, de « nouveaux hussards » se sont mis eux-mêmes en régiment : Patrick Besson, Eric Neuhoff, Denis Tillnac, Didier van Cauwelaert.

Beaucoup sont partis : outre Nimier, Huguenin et Hecquet, s’en sont allés, Vailland en 1965, Alexandre Vialatte en 1971, Kléber Haedens en 1976, Blondin en 1991, Laurent en 2000, Paul Guimard (hussard "de gauche") et Françoise Sagan en 2004, enfin Frank en 2006. Reste Michel Déon, né en août 1919, plus "vert" que jamais…

François Nourissier ne m’en voudra pas. Je crois avoir dit qu’en 1950 Christian Millau était déjà un très vieux nourrisson de la République. Il avait au moins vingt-et-un ans quand son aîné de deux ans se jetait à L’Eau grise, tenté par le roman d’analyse. Deux romanciers de mal du siècle passé encore vivants. Bien vivants. Deux mâles d’une époque malade pas tout à fait dépassée.

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