Le 5 juin dernier, le journaliste et romancier Jérôme Garcin a empoché 60 000 euros cash. Grâce au millionnaire Alain Duménil, qui a eu la bonne idée de créer un prix littéraire. Et grâce à un jury de copains.
En 2007, l’homme d’affaires Alain Duménil a créé le prix littéraire le plus richement doté de France : le montant du magot pour l’heureux élu s’élève à pas moins de… 60 000 euros ! Cette initiative rappelant les riches heures du mécénat, on pouvait la féliciter. Elle n’a d’ailleurs surpris personne, Duménil, PDG du groupe de luxe Alliance Designers, propriétaire de la société immobilière Acanthe Developpement, et 93e fortune de France (468 millions d’euros), n’ayant jamais caché son goût des lettres. D’ailleurs, Duménil est également propriétaire des Cahiers de l’Herne, et vient de publier La Fête royale aux éditions Plon. Un roman écrit à ses heures perdues (quel talent !).
Pour ce dernier né des prix littéraires, les attentes étaient grandes, et les romanciers sacrément émoustillés.
Le 5 juin dernier, à l’hôtel Montalembert, au cœur de Saint Germain des Prés, les résultats tombent enfin. L’élu du jour : Jérôme Garcin, couronné pour son roman Son excellence, monsieur mon ami, publié en janvier chez Gallimard. Mais surtout primé, dixit les langues de vipère, parce qu’il occupe une place considérable dans le cénacle littéraire.
Ce fringuant quinquagénaire n’est autre que le directeur adjoint de la rédaction du Nouvel Observateur (où il supervise les pages culture), et le producteur et animateur de la célèbre émission du dimanche soir, « Le Masque et la Plume », sur France Inter.
Ce qui a choqué n’est pas que l’on récompense Jérôme Garcin, dont le talent est reconnu par beaucoup depuis des années, mais que l’on ait attribué une telle manne financière à un auteur déjà solidement installé. Ce prix aurait pu faire office de bourse et apporter une immense bouffée d’oxygène à n’importe quel romancier de talent qui tire le diable par la queue. Mais non, le jury, composé d’Eric Neuhoff (critique littéraire au Figaro Madame et… romancier), Stéphane Denis (éditorialiste au Figaro, chroniqueur littéraire au Figaro Magazine et… romancier), Marc Lambron (critique littéraire au Figaro Madame, au Point et… romancier) et Pascal Thomas (tiens, un réalisateur…) a préféré saluer un de leurs confrères (et amis).
Dommage.
Du coup, le petit milieu littéraire se gausse. Certains déclarent que « grâce à cette manne inespérée, Garcin pourra changer l’eau de sa piscine », et refaire la déco de sa baraque dans le IXe arrondissement de Paris. Les plus mauvaises langues ajoutent qu’il a décroché le prix parce qu’il a promis aux membres du jury de partager le butin avec eux. Mais gardons-nous bien d’accorder le moindre crédit à une aussi vilaine rumeur. Et conseillons plutôt à Jérôme Garcin de suivre le conseil donné par Nicolas d’Estienne d’Orves ; à la question : « Que feriez-vous si vous remportiez le prix Duménil ? », ce roi de la provoc’ avait répondu : « Je me débrouillerais pour avoir un roman qui sorte en septembre et, avec les 60 000 euros que j’aurais reçus quatre mois plus tôt, j’achèterais tout le jury du prix Goncourt. Là, on fait vraiment de l’argent ! ». Et on se fait plein de nouveaux amis.
Dans la veine du prix Duménil, Bakchich propose d’instaurer un Prix Sarkozy du Journaliste Plein d’Avenir, avec, comme membres du jury, Jean-Pierre Elkabach, Nicolas Beytout, Jean-Claude Dassier et Laurent Solly. Et pourquoi pas, comme lauréate de l’année 2008, Laurence Ferrari ?