Mai 68, Alzheimer et damnation

Si Landru ou le docteur Petiot avaient vécu plus vieux, ils auraient sans doute oublié leurs crimes. Pour ceux qui s’intéressent à ce qui se passe dans les boîtes crâniennes, notre joli mois de mai est une période d’étude formidable. Facile pour nos psycho-anthropologues d’établir une loi imprescriptible : le passage du temps rend menteur. C’est complètement baba, et pas cool, que je vois défiler sous mes vieux yeux appareillés Varilux, la version que donnent aujourd’hui de leur vie ancienne, celle de Mai 68, un tas de types qui ont perdu la mémoire ou gagné en culot.

Prenez Michel Drucker, le gendre de Bernadette Chirac. Devant le micro et la caméra de sa nièce Marie il a déclaré « avoir manifesté en Mai 68 et même vu Jean-Paul Sartre perché sur son tonneau… » Le problème est qu’en 68, je n’ai croisé Drucker qu’à une seule manif (c’est déjà bien). Il portait une veste genre anglais en tweed vert. Quant à Sartre, ce n’est qu’en 1972 qu’il a joué les Diogène en panne d’ouvre tonneau. Il y a longtemps qu’ayant pris le sens du vent, le bon petit Michel était rentré dans le rang, calé sur les rails d’un avenir fait de canapés rouges et de parties de vélo avec Sarkozy au Bois. L’exemple de Drucker est si flagrant qu’il « fait » exemple comme on l’écrirait chez nos amis de l’Obs. Cette année, mai est le grand mois du blanc, celui du lessivage des autobiographies. Quand vous entendez le mot « Mai » suivi du chiffre « 68 », quittez la fréquence et allez jouer, les héros du mensonge sont arrivés chez vous. Avez-vous vu célébrer ainsi les 70 ans du Front Populaire en 2006 ? C’était pourtant un carnaval d’une autre importance.

A propos des célébrations, d’autres gros menteurs montrent leurs nez. Ceux qui mijotent des documentaires et téléfilms pour le 60e anniversaire de la création d’Israël, en ignorant tout le boulot fait de puis dix ans par les « Nouveaux historiens israéliens » : Ilan Pape, Schlomo Sand, Avi Shlaim, Tom Segev, Boaz Evron, Baruch Kimmerling, Gershon Safir et leur pote Finkelstein, l’archéologue qui a mis le bordel en mariant la Bible à la vérité des faits. Ces pinailleurs ont déchiré une histoire officielle, celle que l’on va nous servir, histoire jusque là écrite avec le même pinceau que celui qui sert à Elkabbach pour peindre Sarkozy à cheval.