Bruno, mon beauf, jubile. Il va « investir dans l’immobilier ». Pas pour se loger, avec son salaire qui n’a pas bougé d’un pouce depuis dix ans. Il compte « acheter un petit studio pour faire un placement ».
Évidemment, Bruno, vu la crise financière qu’on vient de se payer, l’idée d’aller placer en Bourse l’héritage de tante Mathilde, ça ne t’emballe pas trop. Mais au risque de passer pour la rabat- joie en chef, tu devrais quand même y regarder à deux fois avant de t’engager. Bien sûr, tu l’as lu partout : l’immobilier, c’est du béton. À voir.
Pour doper le secteur, les incitations fiscales pour accéder à la propriété se sont multipliées ces dernières années. La loi Scellier, dans le prolongement des précédents dispositifs Robien et Borloo, propose ainsi de profiter d’une réduction d’impôt d’un quart du prix du logement neuf acheté, à condition de le louer pour neuf ans au minimum.
Du coup, alors que l’accession à la propriété – 56 % des Français sont propriétaires – était réservée aux classes moyennes et supérieures, de plus en plus de petits revenus veulent aujourd’hui devenir proprio – coûte que coûte – pour sécuriser l’avenir. Au point que, comme le notait début janvier une étude du réseau Century 21, pour la première fois en 2009, la catégorie « employés et ouvriers » (2 000 euros de revenus mensuels par ménage) est passée devant celle des cadres sup dans la population des propriétaires bailleurs, les cadres moyens restant légèrement au dessus. Héritage, prime de licenciement… tout y passe !
Un fructueux business s’est développé pour démarcher cette clientèle novice par des offres alléchantes avec des simulations de revenus pour le moins optimistes. Voire carrément mensongères. Malgré les témoignages de plus en plus nombreux d’acquéreurs qui se sont retrouvés avec des studios situés au milieu de nulle part, souvent en périphérie de petites villes et impossibles à louer au prix qu’on leur avait indiqué, les candidats continuent à affluer.
« On voit de plus en plus de propriétaires bailleurs appauvris par leur investissement », reconnaît Sylvain Jutteau, analyste du réseau Century 21. Pour Jean-Pierre Astruc, qui conseille les victimes des professionnels de la défiscalisation, « ces marchands de soupe préfèrent avoir affaire à des gens qui gagnent deux francs six sous, endettés, coincés avec un logement inlouable puisqu’ils n’auront jamais les moyens de les poursuivre » .
Transmis à Bruno et à ceux qui avaient placé toutes leurs économies avec un espoir de revenus stables
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