L’un des tuteurs de Rouillan dans l’activisme est un maître espagnol, spécialisé dans la fausse monnaie, Lucio Urtubia, du Gari. L’ex leader d’Action directe a été à bonne école, mais s’est montré bien moins doué que son maïtre.
Aux frontières de la politique, de la lutte armée et du banditisme, une mystérieuse Organisation brassant des sommes considérables va mettre sur les dents et, mieux, tenir en échec l’ensemble des services de police du milieu des années 70 au début des années 80.
Enlèvement du Banquier Suarez contre rançon en 1974 ; hold-up « du siècle » à Condé-sur-l’escaut en 1979 ; émission pour plusieurs millions de dollars à travers toute l’Europe de faux chèques de voyages ; cambriolages « haut de gamme », autant d’activités qui vont mobiliser l’ensemble des services de police (PJ, RG, DST), sans jamais déboucher sur le plan judiciaire, hormis des affaires mineures.
Point commun à l’ensemble de ces affaires, la présence d’ex-militants du Gari évoluant dans une structure informelle et dont les services de police sont alors persuadés que l’un des principaux animateurs est Lucio Urtubia.
Après le procès des ravisseurs du banquier Suarez (en juin 1981 à Paris) – soldé par un acquittement général –, l’une des très nombreuses notes qui lui sont consacré relève que ce procès a laissé « dans l’ombre la personnalité de Lucio Urtubiua–Jimenez ( …) et dont l’attitude intentionnellement humble et effacée a réussi à abuser le jury qui n’a découvert au box des accusés qu’un complice minable, petit travailleur immigré mal habitué aux subtilités de la langue de française qui déclare sans sourire au président qui l’interroge qu’il est en état dépressif parce qu’il se sent continuellement filé par la police sans en comprendre les raisons » .
Le même document indique que dès son arrivée en France en 1954, Lucio adhère à la « Confédération Nationale du Travail Espagnol » (CNTE), qui regroupe d’anciens anarchos-syndicalistes anti- franquistes et alors dominée par la personnalité de Lauréano Cerrada- Santos, décrit toujours par la police comme « grand faussaire et falsificateur de génie ». Cerrada, poursuit le document aurait été le dépositaire « du trésor de guerre de la CNTE (bijoux volé mais surtout des tableaux de maîtres » ( …) « Cerrada brassant à l’époque des sommes énormes encore grossies de toute la fausse monnaie dans son imprimerie ( ..) à Bagnolet. »
C’est Lucio qui aurait ainsi hérité « d’une partie importante si ce n’est de la totalité du trésor de la CNTE et des moyens matériels dont disposait l’imprimeur ». Un héritage mis a profit notamment au printemps 1980, époque à laquelle Lucio déploie « une grande activité ». Il est d’ailleurs arrêté à la terrasse des « Deux Magots » le 9 juillet 1980 avec un complice, en possession de 300 000 $ en faux travellers. Sans se démonter, le complice de Lucio explique alors qu’il vient de voler la sacoche au 300 000 $ dans un hôtel, et qu’il en ignore et le contenu et surtout, la provenance…
Le stock restant de faux travellers ne sera pas retrouvé. Pas plus que les 70 kilos de faux travellers supplémentaires qui seront imprimés par d’autres membres du groupe, pour un montant estimé à 4 millions de $.
Dans l’une des multiples notes rédigées par les RGPP sur les activités de Lucio, il est précisé « pour clore ce bilan, il est bon enfin de rappeler que Lucio a avoué lui-même ne pas être le chef de l’organisation à laquelle il appartient. A ce sujet d’ailleurs, il faut reconnaître en toute bonne foi qu’il est difficile de donner un nom précis à cette organisation. Si les anciens des GARI sont nombreux à militer, d’autres, nouveaux venus, proches des Groupes Armés Libertaires ou Groupes Armés Autonomes, lui donnent une coloration particulière ».
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J’apprécie toujours ce genre de phrases de policiers : " il est bon enfin de rappeler que Lucio a avoué lui-même ne pas être le chef de l’organisation à laquelle il appartient" Dans les organisations anarchistes (ou libertaires, ne jouons pas sur les mots), il n’y a pas de chef. Les décisions sont prises collectivement. Mais ça, forcément, dans l’esprit d’un policier tellement habitué à la hiérarchie, à donner ou recevoir des ordres, c’est inconcevable.
a+ Kevin
Cette mise en perspective résume parfaitement le problème : comme on dit par chez moi, il s’est pris pour queqlqu’un d’autre.
Avoir voulu comparer les situations françaises et espagnoles de l’époque est au mieux ridicule, au pire insultant pour toutes les VRAIES victimes du fascisme (je ne mentionne même pas la situation de l’Italie qui connaissait une quasi guerre civile).
Qu’on ne me dise jamais plus que le ridicule ne tue pas.