Un symposium en Floride sur les paradis fiscaux et la prévention de la criminalité financière a fait une bien mauvaise publicité à la Fifa.
Du 2 au 4 mai, dans le luxe climatisé du Ritz Carlton de South Beach à Miami, se tenait, sous le patronage du cabinet d’audit Grant Thornton, la 8ème édition de la conférence annuelle consacrée au paradis fiscaux et à la manière de percer leurs secrets. (“8th Annual OffshoreAlert Financial Due Diligence Conference”). Un vaste programme au cœur de l’actualité.
Les organisateurs ont mis l’eau (encore) turquoise des keys de Floride à la bouche des participants : ils promettaient de leur apprendre comment prévenir et détecter les actes de criminalité financière ; comment localiser et saisir le butin offshore des criminels et, last but not least, comment enquêter et recueillir de l’information dans les paradis fiscaux en contournant leurs secrets.
Les intervenants, souvent des professionnels ayant donné l’alerte sur des agissements criminels dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leur profession, comptent un invité singulier : Andrew Jennings, le célèbre journaliste anglais devenu au fil du temps la mauvaise conscience de Sepp Blatter le grand manitou de la FIFA qu’on ne présente plus : dans le programme des réjouissances de la conférence, les organisateurs n’y sont en effet pas allés de main morte : « …A quelques jours de l’ouverture du plus important événement sportif mondial – la Coupe du Monde de Football - en Afrique du Sud, Andrew, le journaliste d’investigation réputé, présentera des preuves de corruption grossière parmi les dirigeants de la FIFA, l’organe suprême de direction du football, et de la CONCACAF, en charge de sa supervision pour l’Amérique du Nord, l’Amérique centrale et les Caraïbes. Découvrez la raison pour laquelle le président et le vice-président de la FIFA le considèrent comme l’ennemi public n°1 ».
De quoi mettre Sepp « le Couillu » Blatter très en colère. Dès qu’il a eu connaissance du programme de la petite kermesse, il a immédiatement organisé la riposte ; le 23 avril, son avocat Lawrence Cartier du cabinet anglais Cartier & Compagnie a expédié une missive aux organisateurs du symposium en leur laissant subtilement entendre que la loi anglaise sur la diffamation n’était pas faite pour les chiens et qu’ils feraient bien de s’en souvenir au cas où ils auraient l’intention de laisser Jennings lancer librement son venin. Pour être sûr que le message serait convenablement reçu, Cartier a enfoncé le clou en affirmant que « les sponsors de la conférence doivent prendre conscience de la vive inquiétude de notre client » en mentionnant d’ailleurs nommément l’un d’entre eux, histoire de vraiment l’intimider.
Insensibles aux menaces de Blatter, les organisateurs ont fait savoir que l’intervention de Jennings était maintenue. L’atelier s’intitule « La corruption dans le football : le monde secret de la FIFA : pots de vin, fraude électorale et les scandales de la billetterie révélés par le journaliste et réalisateur anglais Andrew Jennings ».
David Marchant, l’un des principaux organisateurs de la conférence s’est même fendu d’un petit communiqué de presse très explicite :
« Quiconque connaît l’histoire de OffshoreAlert, sait que des menaces de procès en diffamation ne nous dissuadent jamais de présenter à notre auditoire de manière loyale et étayée, des informations pertinentes, soit par le truchement de notre lettre d’information, soit directement lors de la conférence ; la loi anglaise sur la diffamation est unanimement considérée comme répugnante aux USA où 2 états ont déjà pris des mesures légales la rendant inapplicable. Elle encourage les activités illégales en empêchant les journalistes de dénoncer les faits criminels, tout en enrichissant les avocats aux dépens de la société au sens large. C’est une loi digne du tiers-monde qui n’a pas sa place dans une société développée. Elle vise à ce point le journalisme d’investigation qu’elle a même donné naissance à l’expression « tourisme diffamatoire » ; une situation dans laquelle ni le plaignant ni le défendeur ne résident au Royaume Unis mais dans laquelle le plaignant choisit cette juridiction où ses chances de succès sont accrues, en sachant que les tribunaux anglais se déclareront compétents pour la simple raison que les propos offensants pourraient être connus du public britannique ».
Déjà que la FIFA était sévèrement critiquée pour les tarifs extravagants de sa première Coupe du Monde africaine, manquerait plus qu’une nouvelle petite mauvaise odeur de corruption pour rendre les choses encore un peu plus difficiles…