"J’accuse" les matchs de foot truqués !

On ne sait si c’est une idée de son éditeur pour une nouvelle version de son bouquin à l’occasion de l’ouverture de la Coupe du Monde ; en tout cas, Declan Hill, le journaliste canadien spécialiste autoproclamé des matchs truqués est de retour : « j’accuse ! » beugle-t-il à l’encontre de la FIFA dans un article publié par le site Playthegame cette semaine.

Sans grande surprise, son nouveau constat est assez pessimiste : les truqueurs de matchs seront eux aussi au rendez-vous de la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Ils approcheront les joueurs, les arbitres, les responsables des délégations dans le but de fausser la compétition à leur profit. Ils seront là comme ils l’ont toujours été au cours des 20 dernières années. Lors de la Coupe du Monde des moins de 17 ans, des moins de 20 ans, au tournoi de football des jeux Olympiques…Ils seront là parce que la FIFA n’a rien fait pour résoudre le problème.

Le foot mis ONU

Hill rappelle de manière un brin simpliste, les mesures que l’ONU du football aurait du prendre depuis longtemps pour tenir la corruption à bonne distance de sa compétition-reine.

Primo, payer elle-même les joueurs. Le simple fait que certains participants ne connaissent pas le barème des primes qui leur seront versées, voire même ignore tout bonnement s’ils seront rémunérés, alimente mécaniquement la corruption. Donc, aux innocents les mains vides…

Comme chacun sait, aujourd’hui la FIFA paye les fédérations, à charge pour elles de rémunérer leurs joueurs. Si dans la majeure partie des cas, les dirigeants fédéraux sont honnêtes, ce n’est pas toujours le cas constate Hill, et certains détournent purement et simplement les fonds alloués aux délégations. Qui peut croire, poursuit-il, que c’est le patriotisme et la passion du Beau Jeu qui animent ces charmants jeunes gens. On pourrait à la rigueur, l’admettre si personne n’était payé. Mais dès lors que les acteurs savent que les matchs se jouent à guichet fermé (c’est lui qui le dit !), sous les yeux de centaines de millions de téléspectateurs (on estime que l’édition 2006 a été vue par 5% de la population mondiale) et que des entreprises ont investi des milliards de dollars dans le sponsoring et les droits de retransmission TV de la compétition, l’imagerie pieuse et l’angélisme ne sont plus de mise.

Oliv’

A la FIFA de sortir le chéquier

Selon Hill, le problème serait très simple à résoudre : c’est la FIFA qui devrait payer directement les joueurs. Ben voyons…Blatter des sous ! Des forfaits et des primes pour chaque victoire, à chaque stade de la compétition prévoyant même des primes de buts marqués, à virer directement au crédit du compte bancaire des joueurs engagés dans la compétition. Des montants qui seraient rendus publics. De la sorte, chacun connaîtrait le barème en toute transparence. Si les fédérations et les sponsors voulaient compléter le pécule, pourquoi pas, mais au moins, tous les participants sauraient de manière certaine sur combien ils peuvent compter, ce qui n’est pas le cas actuellement. On ne sait si c’est Declan, ou Benny Hill qui s’exprime dans des termes aussi simplistes, mais passons…

Deuxio, la FIFA a mis en place, son fameux « Early Warning System ». Pour Hill, c’est à la fois une bonne chose et une mauvaise blague. Le système prétend être en mesure de détecter les signes de trucage en supervisant le marché des paris. C’est virtuellement impossible et, sur ce point précis, nous partageons largement son sentiment. Les mises sur les matchs du dernier carré sont telles – elles sont estimées à 40 milliards de dollars pour l’édition 2006 – que les observateurs sont tous simplement dans l’impossibilité de détecter assez rapidement des « comportements anormaux ».

Pour le Canadien, c’est envisageable pour des matchs mineurs de ligues obscures. C’est tout simplement impensable pour la Coupe du Monde. Sans parler du fait que le système repose sur les informations fournies par les bookmakers européens ou américains opérant le plus souvent en toute légalité. Il n’a évidemment pas accès aux informations des marchés où les fraudeurs opèrent en majorité : sur les marchés asiatiques clandestins. Vous n’y croyez pas ? Prenez donc l’avis de l’un de ceux qui pilotent le système. Wolfgang Feldner, un technicien dévoué et à l’éthique irréprochable. Il a publiquement soulevé le problème des matchs truqués de la Coupe du Monde. En Novembre 2009 Feldner a clairement posé le problème : « Aussi efficaces qu’il soient, les Early Warning Systems sont désarmés face au marché des paris clandestins. Vous ne pouvez évidemment pas collecter des informations sur des entreprises inexistantes ».

Aucun organe d’enquête contre les fraudes

Et le problème ne s’arrête pas là affirme le gentil Benny. Il découvre que les exploitants des systèmes d’alarme sont souvent désarmés pour identifier les parieurs : que représentent exactement ces 100 millions d’euros pariés sur la victoire de A contre B ? le pari de 20 millions de supporters enthousiastes de A qui ont misé chacun 5 euros sur la victoire de leur favori, ou bien 100 patates placées par l’épouse d’un joueur de B qui sait que les partenaires de son ripoux de mari ont décidé de laisser filer le match ?

Pour finir, Hill rappelle à ses lecteurs que de nombreuses questions n’ont jamais été posées. Des questions sans réponse parce qu’il n’existe à ce jour aucune structure dédiée à enquêter sur le sujet. La FIFA ne dispose toujours d’aucun organe d’enquête déplore-t-il, contrairement à ce qui se fait dans d’autres sports internationaux aussi dissemblables que le tennis et le cricket où d’ex-policiers et des experts en paris traquent les tricheurs. Hill s’imagine que c’est la publication de son ouvrage en septembre 2008, qui a poussé Michel Platini à mettre en œuvre au sein de l’UEFA, une « brigade de l’intégrité » à l’origine de l’identification d’un réseau de truqueurs opérant dans 9 pays européens. Qu’attend donc la FIFA pour faire de même s’emporte-t-il…

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