Les corps ne se comptent pas encore comme les buts en Bulgarie, Bosnie ou République Tchèque. Mais le football fait des victimes, sans que la Fifa ou l’Uefa, ne s’inquiètent trop…
Dans le football balkanique, ce n’est pas la profession de joueur, de coach ou de patron de club qui présente les meilleures perspectives à long terme mais celle d’entrepreneur de pompes funèbres. Dans certains pays et certains clubs de football d’Europe de l’Est, il est préférable de faire ses adieux aux êtres aimés et de donner ses mensurations aux assistants funéraires et aux embaumeurs avant de d’accepter d’exercer les fonctions suprêmes.
Si vous décidez par exemple d’investir dans un club local, évitez de porter votre choix sur le fameux club bulgare du SLAVIA FC (à ne pas confondre avec le SLAVIA Prague !). Il y a quelques années, une bombe de forte puissance a mis sur orbite un ascenseur de l’immeuble où était domiciliée la holding du club. Score final : un administrateur et ses trois gardes du corps vitrifiés. 8 mois plus tard, un autre administrateur, cette fois accompagné de ses 5 gardes du corps, a terminé dans d’assez mauvaises conditions, un vol en rase motte au dessus de la pelouse du stade. A se demander si ça vaut la peine de se payer une protection rapprochée. Dès le mois suivant, un nouvel administrateur décédait prématurément d’une balle en plein cœur.
Toutes ces péripéties et bien d’autres ont été révélées par une enquête remarquable conduite en Europe orientale par un groupe international de journalistes [1] Assassinats, fraudes diverses et surtout fiscales, vols en tous genres, blanchiment de capitaux, matches truqués, main-mise du crime organisé sur le football, sont le lot quotidien des clubs des ligues les plus exposées.
Un autre club très prisé des fournisseurs bulgares de services funéraires est le Lokomotiv de Plovdiv. Un ancien champion de lutte gréco-romaine, le très gracile George Kalapatirov en avait –très provisoirement – pris le contrôle. Une balle en plein cœur mit fin à son règne. George Prodanov lui succéda dans des circonstances difficiles. Lorsque la police est parvenue à extraire ses restes de sa voiture, elle a constaté que le système de freinage avait été sauvagement saboté. De manière quasi miraculeuse, 3 longues années de tranquillité ont suivi le décès de Prodanov avant que les fusillades ne reprennent de plus bel. On célébra la nomination d’un nouvel administrateur à la Kalachnikov. La retraite forcée du malheureux fut suivie d’une nouvelle trêve. En 2005, 3 nouveaux administrateurs furent violemment rappelés à Dieu avant d’avoir eu le temps d’honorer les factures de leurs gardes du corps.
En Bosnie, on assassine nettement moins mais on vole d’avantage. Environ 1 million d’Euros destinés au Trésor Public local a disparu des coffres de la fédération Bosniaque. Son secrétaire général, l’élégant Munib Usanovic et le trésorier sont accusés de détournements. Quand ils n’étaient pas affairés à se consentir mutuellement des prêts sans intérêt, ils égaraient malencontreusement toutes traces d’une mystérieuse sortie de 250 000 euros. L’expert nommé par le tribunal pour faire la lumière déclara sous serment qu’en 20 ans de missions, jamais encore il n’avait vu une comptabilité aussi mal tenue.
En passant en revue les performances du Comité Exécutif de la fédération, on comprend mieux comment on en est arrivé là : l’un des membres éminents a été condamné pour vol qualifié, extorsion de fonds et tentative de meurtre. L’un de ses confrères a été condamné l’année dernière pour appartenance au crime organisé. Un troisième larron conteste vigoureusement être impliqué dans un trafic de drogue.
La 1ère Ligue bosniaque est la parfaite illustration des maux qui ronge son football. On a relevé par exemple qu’au cours de la saison 2007-2008, seules 10% des équipes qui disputaient des matches à l’extérieur parvenaient à l’emporter, contre 27% en Angleterre et en Allemagne et 29% en Espagne. Les relégations n’ont pratiquement plus cours et les stades sont progressivement désertés par les spectateurs. Le plus important groupe de supporters de Sarajevo, les « fanaticos » a demandé sans aucun résultat, l’intervention de la FIFA et de l’UEFA.
Dégoûté, le défenseur des Glasgow Rangers, l’international Sasa Papac vient de décider qu’il n’honorerait plus ses sélections en équipe nationale. Pour ne pas être en reste, 2 clubs ukrainiens viennent d’être étiquetés comme « les quartiers-généraux du crime organisé ». Lorsque la police a fait une descente dans les locaux du Zakarpattya, elle a arrêté 36 hommes armés jusqu’aux dents qui ont expliqué, pour leur défense, qu’ils préparaient une réunion électorale. La Police a admis qu’environ 150 hommes armés étaient parvenus à prendre la fuite. Une autre aspect de l’enquête conduite par le « Projet de Rapport sur le crime organisé et la corruption dans le football » a porté sur l’examen approfondi des conditions de transfert vers l’Europe, de joueurs originaires d’Amérique Latine. L ‘équipe de journalistes n’a dénombré qu’un seul meurtre. Elle a constaté en revanche que le propriétaire d’un club bulgare réputé, faisait également dans le narco-trafic, la prostitution, les jeux clandestins et le vol de voitures de grosse cylindrée. L’amoureux du sport avait entrepris de blanchir ses recettes au Paraguay. Une balle perdue a mis un terme prématuré à son petit commerce.
Le rapport révèle également les noms de joueurs et d’agents connus, associés à ceux d’obscures sociétés offshore caribéennes, luxembourgeoises, irlandaises ainsi que d’Andorre et de Gibraltar qui sentent bon l’évasion fiscale et les combines en tous genres. Rien que de très banal.
L’équipe d’enquêteurs a bien entendu demandé à la FIFA de commenter l’implication d’agents licenciés dans ces activités extra-sportives. Elle n’a reçu aucune réponse.
Au vu de cet inventaire inquiétant, on pouvait légitimement s’attendre à ce que Michel Platini, le président de l’UEFA, brandisse l’impressionnant gourdin de la Confédération européenne en direction de la voyoucratie qui ronge le football Est-Européen. Il n’a manifesté qu’une indifférence un brin gênée. Quand on lui a demandé ce qu’il pensait des 160 membres officiels du football polonais impliqués dans des matches présumés truqués, il s’est contenté de déclarer « je ne suis ni un juge ni un policier » ajoutant que les problèmes nationaux devaient être résolus localement. Lorsque le gouvernement polonais l’a pris au pied de la lettre en octobre dernier en décidant de suspendre sa fédération, comme un seul homme, Platini et Blatter ont immédiatement volé au secours des présumés ripoux, en menaçant à leur tour de suspendre la fédération polonaise et de la priver de participation aux éliminatoires de la prochaine Coupe du Monde si les choses ne rentraient pas « dans l’ordre ». Pas étonnant que Blatter et Platini bénéficient d’un soutien électoral sans faille de la part des instances Est-européennes du football
Traduction littérale d’un article d’Andrew Jennings, réalisée par Woodward et Newton
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[1] Le passionnant rapport complet (en anglais : « Game of Control : organized crime plays football » ) de l’équipe de journalistes internationaux est consultable sur www.reportingproject.net. L’enquête a été menée avec l’aide du Fond des Nations Unis pour la Démocratie. La pétition des supporters bosniaques à l’attention de la FIFA est consultable sur www. petitiononline.com/helpbih/petition.html qui ont mis en évidence l’existence des réseaux criminels du football.
qu’est ce que vous croyez, les federations de l’ouest sont pareilles. Seules les methodes changent.
Ne me dites pas que Tapie, Nicolin et compagnie n’aurait pas ete comme des poissons dans l’eau en Pologne.