Notre chroniqueur aux Etats-Unis, Doug Ireland, se remet péniblement des performances un tantinet déçevantes de Barack Obama lors des primaires du 4 mars. Au vu de son analyse politique, les aficionados du sénateur métis peuvent toutefois encore garder espoir.
Dans la course à l’investiture présidentielle, Hillary Clinton a certes remporté trois des quatre Etats qui votaient le 4 mars 2008. Mais derrière son triomphe apparent se cache un micmac de chiffres et de sales histories de campagne. En réalité, malgré ses coups bas, Hillary n’a point ébranlé l’avance considérable de Barack Obama en nombre de délégués élus.
Je m’explique d’abord sur les chiffres. Hillary a gagné le petit Etat de Rhode Island et Obama celui du Vermont avec le même nombre de délégués. Match nul, donc. Et puisque chez les Démocrates les primaires et les caucus fonctionnent à la proportionnelle, Hillary a beau avoir raflé le gros dans l’Ohio avec dix points de plus qu’Obama, elle n’y a récolté que neuf délégués.
Au Texas, qu’elle a remporté avec une petite marge de trois points, ce n’est guère mieux voire pire. Comme je l’ai expliqué dans une chronique précédente, dans cet Etat, le nombre de délégués élus par circonscription dépend du résultat du vote de la dernière élection pour le poste de gouverneur. Et le nombre de délégués attribués aux circonscriptions essentiellement peuplées de Latinos où Hillary a enregistré une majorité écrasante est inférieur à celui des circonscriptions urbaines favorables à Obama car les Latinos ont boudé l’élection du gouverneur de 2006. Au final, Hillary est donc sortie de cette primaire avec juste quatre délégués de plus. De plus, le 4 mars, les délégués texans étaient élus en deux temps. D’abord lors d’une primaire pour les deux tiers d’entre eux, puis, le même jour, au cours de caucus pour le tiers restant. Et, devinez, les caucus ont été remportés par Obama. Facilement de surcroît.
Si ces résultats là ne seront connus dans leur intégralité que dans quelques jours, l’estimable Chuck Todd, directeur politique de la chaîne de télé NBC et maître incontesté de la mathématique électorale, estime qu’au final et grâce aux caucus, Barack Obama devrait décrocher plus de délégués au Texas que Clinton, avec un rapport de 5 à 9. Ce qui signifierait que le sénateur métis rattraperait tout ou partie de l’avantage de neuf délégués qu’Hillary a gagné dans l’Ohio. Obama maintiendrait donc son avance de 153 délégués (à l’heure actuelle) sur Hillary, demeurant ainsi le favori pour décrocher les 2 025 délégués nécessaires à l’investiture lors de la convention nationale du Parti Démocrate qui se tiendra à Denver (Colorado) le 25 août prochain.
Pour tromper son monde au Texas et dans l’Ohio, Hillary qui était désespérée de stopper un Barack Obama qui venait de l’emporter dans onze Etats d’affilée, a eu recours a une série de sales coups de nature à dégouter plus d’un démocrate de base. Ainsi, de fausses rumeurs voulant qu’Obama était musulman circulaient depuis quelques temps sur Internet. D’une part, depuis le 11 septembre, l’ombre de l’islamophobie plane sur toute l’Amérique, surtout parmi les gens se situant en bas de l’échelle sociale. On peut le déplorer mais c’est la triste réalité. D’autre part, Obama est un protestant pratiquant, comme sa mère, et membre de la même paroisse protestante depuis vingt ans. Les démagogues ultra-conservateurs des talk-shows de la radio, très écoutés au sein de la classe ouvrière, ont subitement pris un malin plaisir à ne parler que de « Barack HUSSEIN Obama », le nom complet du sénateur métis, en mettant l’accent sur « Hussein », pour rappeler le mauvais souvenir de feu le dictateur irakien.
En réalité, l’équipe de campagne d’Hillary, soucieuse de surfer sur ces méchantes rumeurs, avait secrètement donné à un journaliste bas de gamme sévissant sur Internet, Matt Drudge, une photo d’Obama en habits traditionnels et arborant un turban sur la tête qu’il avait enfilés lors d’une visite en Somalie. Or tous les politiques ou presque (c’est par exemple le cas du président Bush) revêtent des tenues traditionnelles lorsqu’ils se déplacent à l’étranger et notamment en Afrique. Cette photo a ensuite été reprise dans toute la presse et diffusée sur les télévisions, faisant ainsi croire à une partie de la classe ouvrière qui a peu fréquenté l’université qu’Obama était musulman.
Qui plus est, lorsque Hillary était interviewée dans la célèbre émission de télé « 60 Minutes », on pouvait se demander si elle-même croyait à cette rumeur tant elle a esquivé avant de lâcher qu’il ne l’était pas, « que je sache » . Or Hillary sait pertinemment qu’Obama est un chrétien pratiquant comme elle : elle a à maintes reprises prié à genoux à ses côtés lors des « prayer breakfasts » hebdomadaires au Sénat auquel s’adonnent bon nombre de sénateurs des deux grands partis. Le refus de Hillary de dénoncer clairement la fausse rumeur voulant qu’Obama était musulman est choquante.
Autre exemple de sa sale campagne : elle a fait diffuser une publicité télé montrant une photo du sénateur métis bidouillée de façon à ce que sa peau apparaisse plus noire que ce qu’elle n’est. Cette photo truquée est carrément une manipulation raciste malheureusement très efficace dans l’Ohio où la classe ouvrière, majoritairement composée d’« ethnies », à savoir des familles d’origine italienne, polonaise, slovaque, hongroise ou grecque, nourrissent notoirement des préjugés envers les blacks.
A ces coups tordus, Hillary a ajouté des attaques frontales quotidiennes sur la conduite et la moralité d’Obama. D’abord sur son ancienne amitié avec un promoteur immobilier récemment inculpé pour fraude (la presse a enquêté et il n’y a pas de quoi fouetter un chat), sur ses états de service au Sénat (parce qu’il préside une sous-commission sénatoriale qui n’a pas encore tenu de séances publiques puisqu’il a été nommé à ce poste il y a deux mois et en pleine campagne pour l’investiture présidentielle), sur la crédibilité de l’opposition d’Obama à l’ALENA (le Traité de Libre-Echange Nord-Américain), très impopulaire dans la classe ouvrière de l’Ohio. A ce sujet et selon la presse, un conseiller économique d’Obama aurait chuchoté à un fonctionnaire canadien que la position anti-ALENA d’Obama n’était qu’une posture électorale. Au final, toutes ces attaques sont autant de cadeaux offerts sur un plateau d’argent à John McCain, le candidat du Parti Républicain, qui pourrait s’en servir le moment venu en citant Hillary.
Pour gagner le Texas et l’Ohio, Hillary était prête à jeter l’opprobre sur Obama qui n’en demeure pas moins le candidat plus que probable des Démocrates. Selon Chuck Todd (tous les calculs des commentateurs convergent dans ce sens), il est mathématiquement quasi impossible pour Hillary de gagner l’investiture avec les seuls délégués qui seront élus lors des primaires et caucus à venir dans les trois prochains mois. Il faudrait en effet qu’elle gagne 65 % du vote des douze primaires et caucus restants. Une mission impossible… Le samedi 8 mars, ce sera le tour du Wyoming, un caucus qu’Obama gagnera sans doute. Puis des primaires du Mississippi, un Etat sudiste majoritairement peuplé de noirs qu’Obama gagnera facilement, élargissant ainsi son avance en nombre de délégués sur Hillary.
En fait, madame Clinton ne peut qu’éventuellement voler la nomination que grâce aux super-délégués qui, rappellons-le, ne sont pas élus et officient comme gouverneurs, membres du Congrès ou du comité exécutif du parti. Mais il ne faut pas oublier qu’en 2000 toute l’Amérique a été traumatisée par le drame électoral survenu en Floride lors de l’élection présidentielle. A l’époque, le candidat qui avait gagné la majorité du vote populaire national, à savoir le démocrate Al Gore, n’avait pas été élu. George W. Bush n’était devenu président la première fois que grâce à une décision truquée de notre Cour Suprême, une cour truffée de Républicains nommés par Bush père et Ronald Reagan.
L’élection volée de 2000 est devenue une cause célèbre pour les Démocrates. Est-ce vraiment pensable que leurs supers-délégués, tous des politiciens, imiteront les Républicains de 2000 en n’accordant pas l’investiture démocrate à celui qui aurait le plus grand nombre de délégués et la majorité du vote populaire ? Le risque de déchirer le parti et de provoquer une abstention massive des supporters d’Obama est trop grand. Leur enthousiasme est si grand qu’Obama a récolté par Internet l’incroyable somme de 55 millions de dollars pour le seul mois de février et en petites coupures venant de nouveau donateurs ne s’étant jamais mêlés de politique auparavant.
De plus, ces super-délégués ne manqueront pas d’être sensibles au fait qu’Obama s’en tire mieux qu’Hillary face au candidat républicain. Un sondage réalisé pour le Washington Post et publié le 6 mars accorde à Obama une avance de douze points sur John McCain. Les Clinton, eux, se fichent de la santé de leur parti. Quand Bill était président, il n’a fait qu’accumuler les victoires personnelles et laisser se délabrer l’appareil du parti, obligeant ses candidats aux législatives à se débrouiller seuls. Cette année, Hillary est prête à prendre tous les risques afin de garder une toute petite chance - aussi infinitésimale soit elle - de décrocher l’investiture de son parti. C’est un jeu empoisonné. Et c’est le pari qu’elle va perdre.
Doug Ireland
À lire ou relire dans Bakchich :
L’ambiance générale aux usa est au flingage des clinton…
Il est vrai que ce sont des individus curieux. Ils sont truqueurs, menteurs. Des politiciens quoi…
Je maintien mon avis : les démocrates seront parachutés à la maison blanche. Plusieurs faisceaux d’indices le laissent penser. les diverses nominations de technocrates dans les ministères les plus prestigieux sont un signe
Si même feu le #2 des farc avait dans son ordinateur ce genre d’infos… Obama président ?
Merci à Doug Ireland pour son commentaire.
J’attend un éventuel book de Eric Laurent pour l’année prochaine : La Face Cachée des Elections US… :-)
Bonne journée à tous
Interressant….
Si on apprécie les aventures situées entre la voyance pure et un épisode de Dallas…
Non, moi, ce que j’en retiendrait c’est :
faisant ainsi croire à une partie de la classe ouvrière qui a peu fréquenté l’université qu’Obama était musulman.
Pourquoi, les universitaires sont forcément intelligents, lucides et pas naifs du tout ???
Et donc, a contrario, les ouvriers qui(notons le de nouveau en passant)n’ont pas été à l’universitééééééé, sont des cretins vivant dans le monde des télétubbies à qui on peut faire gober n’importe quoi ????
Ahhhh ?????
Des universitaires, j’en connait des sacrément crétins, des ouvriers aussi.
En revanche, des ouvriers lucides, j’en connais plus que d’universitaires lucides !
Meme si, je le concede, on parlait des universités Américaines et pas de nos parkings à glandeurs nationaux…
Doug, I’m not sure AT ALL that the Clintons won’t have their say in Denver. Too many people are afraid of them or owe them something. I’d like your opinion on that. Now let’s switch to French…
Ce que Doug vient d’ecrire ici est la verite absolue. Les Clinton joueront du coude, donneront des coups bas, pleureront, crieront, se plaindront de mauvais traitement de la part des journalists (qui, de peur se sont mis a attaquer Obama) devieront des questions genantes avec des cris d’injustice, tricheront, menaceront jusqu’a obtenir ce qu’ils veulent.
Et le pays sera dans un beau caca car elle ne gagnera pas les elections generales. McCain sera President et le monde tremblera un peu plus chaque jour.