La ville est en ébullition. A 24H de la cérémonie d’ouverture, la paranoïa sécuritaire a transformé Beijing en bunker. Le récit du correspondant de « Bakchich ».
Nul ne doute que les Jeux changeront la perception que le monde a de la Chine aussi sûrement qu’ils ont transformé la capitale chinoise. L’éditorial de la dernière édition de The Bejinger - un célèbre gratuit anglophone pour expatriés - résume bien ce sentiment « Où suis-je ? Cet endroit ressemble certainement à Beijing, mais, comment dire, en différent…. ». Et l’auteur, Oliver Robinson, d’énumérer toutes les choses ayant « disparu », des vendeurs de DVD à la sauvette aux réparateurs ambulants en tout genre, de la pollution aux restaurants spécialisés dans la cuisine à base de viande de chien.
La fièvre olympique a bien gagné le cœur de la ville, mais pas forcément celui de ses habitants, chinois ou étrangers. Principalement en cause, l’omniprésence de la police ; présence encore renforcée ces derniers jours à la suite des « attentats » terroristes du Xinjiang. En effet, les blocages, déviations et autres exercices incessants de sécurité rendent la circulation de plus en plus difficile. Et dans le même temps, les contrôles d’identité et la sécurité ont été renforcés à l’entrée des stations de métro et sur les pourtours de la zone olympique. Certains hôtels de luxe du centre-ville sont même devenus purement et simplement des zones olympiques où toute personne non-accréditée doit se soumettre à un contrôle sécuritaire poussé. Cette paranoïa sécuritaire alimente de folles rumeurs sur une probable interdiction de vente d’alcool ou encore sur une fermeture massive des restaurants et autres bars à partir de deux heures du matin (ce qui ne serait en fait que l’application stricte de la législation). De nouveau, et à défaut de montrer patte blanche ou son sésame jaune (l’accréditation olympique), de nombreux pékinois se sentent éconduits de la grande messe olympique.
Et pourtant, le cœur de la ville bat à l’unisson de ces Jeux. La ville est en ébullition. Recouverte de slogans appelant à l’union du peuple chinois tels « Saisissons l’opportunité du siècle pour réaliser le rêve du siècle » ou encore « participons aux jeux, et faisons une grande fête » Beijing se prépare pour sa cérémonie d’ouverture. La ville est recouverte par les milliers de déclinaisons existantes du slogan « un monde, un rêve », et si les étrangers ne semblent pas être tous au rendez-vous, les Chinois sont venus des quatre coins du pays pour être de la fête. La place Tiananmen, cœur symbolique du pouvoir, est chaque jour prise d’assaut par des ruraux chinois venus toucher l’esprit olympique, de même que la Cité Interdite. Et pourtant, Beijing à deux jours des Jeux semble bien vide. Les gens ne sortent-ils plus à cause des menaces ? Le transport est-il si terrible ? Ou, plus simplement, Beijing, jadis si vivante, n’est-elle pas devenue une ville fantôme dans laquelle plus personne ne trouve sa place, des étrangers aux travailleurs migrants, des retraités aux cadres supérieurs…. « one world, one dream », c’est sûr, c’est beau sur la façade des bâtiments flambant neufs, mais cela n’a pas trop sa place sur le front des gens….