André Guelfi, dit Dédé la Sardine, a servi à Elf d’intermédiaire rémunéré pour des contrats pétroliers extrêmement juteux. L’un de ces contrats, signé avec les Russes, est tombé aux oubliettes et Elf refuse de dédommager Dédé pour les efforts consentis… En quoi Dédé attaque Total en ce moment devant les tribunaux. Il raconte à « Bakchich » les dessous de ces embrouilles pétrolières. Et Total lui répond.
Après avoir gagné des milliards en écumant, comme « ambassadeur » du CIO, des dizaines de pays du globe, André Guelfi a fait son trou dans le monde du brut. Barils à la tonne, il a tiré bénéfice des amitiés qu’il entretient au pays des soviets, même après la chute du « mur », pour devenir un nabab de l’or noir.
Cet inénarrable personnage de 87 ans, que sa condamnation judiciaire dans l’affaire Elf (en 2003, la cour d’appel lui inflige trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis, et une amende de 1,5 million d’euros) n’a pas réussi à faire taire, garde le verbe haut. Tempêtant contre Total, persiflant contre ses « énarques » - notamment l’ancien PDG d’Elf, Philippe Jaffré, aujourd’hui décédé – qui ont mis son business en berne, il a déposé une plainte contre le pétrolier devant le Tribunal de grande instance de Nanterre et une autre devant le Tribunal de commerce de Paris en compagnie du Comité Olympique russe et des régions liées à ce même contrat, pour l’exploration de gisements du côté de Saratov (sud-ouest de la Russie). Les sommes demandées sont de celles qui facilitent les fins de mois : de 33 à 85 milliards d’euros à Nanterre et 3,5 milliards au Tribunal de commerce de Paris. Pour Bakchich, il revient sur le dernier conflit qui l’oppose au groupe pétrolier.
Brassant autant d’air que d’influence, « Dédé la Sardine », comme on surnomme souvent cet homme d’affaires intermédiaire qui a amassé ses premiers millions grâce à la congélation du poisson, attaque dur. Écoutons sa version qui, on le verra plus loin, n’épouse pas vraiment celle de Total.
Découvrant notre video sur notre site, les responsables de Total – héritier des actions judiciaires en cours contre Elf, absorbé en 2000 – devraient soit se lamenter de consternation, soit adresser du beau papier bleu à ce Dédé la Sardine qui les horripile tant. « Oubliez nous », auront-ils envie de lui crier, faisant ainsi allusion à la société qui gère le Falcon de Guelfi, installée dans les îles Caïmans, baptisée joliment « Oublimoi Limited ».
Mais avant de s’oublier mutuellement, encore faut-il solder le litige. Dans les couloirs du groupe, on martèle qu’il n’y a jamais vraiment eu de pétrole dans la zone en Russie couverte par le contrat que Loïk le Floch-Prigent, via Guelfi, a voulu faire signer. Ou juste un puits dont les capacités sont estimées à quelques 6 millions de barils. Une paille. On est loin du « contrat du siècle » clamé par le bon Dédé. Ce dernier, dit-on du côté de Total, semble aller un peu vite en besogne quand il affirme avoir droit selon le fameux contrat « à un pourcentage » de la production. Il devait juste obtenir un fixe contractuel de quelques millions, assorti en cas de réussite éventuelle de l’opération à un pourcentage sur l’équipement utilisé pour l’exploitation du puits. Un petit plus, pas du tout garanti…
Pas garanti d’autant plus que les parties vont rapidement décider de laisser tomber le contrat, dont l’entrée en vigueur est subordonnée à l’adoption par la fédération de Russie de textes adéquats, permettant l’exploitation éventuelle du pétrole. Au sortir de l’URSS, dans laquelle la propriété privée et l’exploitation privée des ressources minières étaient impossibles, il faut de nouvelles lois pour permettre aux entreprises étrangères de pouvoir travailler, sur la durée si possible. Un document du 16 mars 1994, signé par les représentants d’Elf, d’Interneft, l’associé russe, et des régions de Volgograd et Saratov, conclut ainsi : « Il est raisonnable de ne pas donner suite à ce contrat ». Aucune loi n’a en effet été votée permettant à une firme étrangère de s’installer et œuvrer durablement en Russie.
Une autre lettre, adressée en mai 1994 au « cher monsieur Guelfi », lui transmet la décision du Soviet restreint de Saratov soulignant l’absence d’une « totale clarté » de l’utilité économique du contrat et le défaut de ratification par la Société suprême de Russie. À Saratov, on n’est pas du tout content… Il s’agit de « reprendre l’étude de ce contrat », et même de faire publier des articles dans la presse « relatifs aux problèmes du contrat avec Elf ». Bref, le contrat russe n’a jamais produit d’effets.
Au même moment, Geneviève Gomez, une adjointe de Jaffré, qui a repris les rênes du groupe pétrolier, est chargée de négocier avec l’ami Dédé le solde de tout compte et sa sortie de toutes les affaires en cours avec Elf, que ce soit en Chine, en Ouzbékistan et ailleurs. Sauf au Vénézuela. Elle signe en avril 1994 avec Guelfi un protocole transactionnel de 7 millions de dollars, qu’il entérine quelques jours après à nouveau dans une lettre manuscrite adressée à Gomez en évoquant un « sacrifice que j’ai accepté de faire grâce à nos rapports amicaux ». Le protocole original, soigneusement mis au coffre d’une banque par la volonté des deux signataires, sera exhumé par le juge Van Ruymbeke pendant l’instruction.
Éclate l’affaire Elf et sa série de mises en causes et de scandales financiers… Les proches de l’ancien président Le Floch sont inquiétés, les comptes bancaires des uns et des autres, décortiqués, certains protagonistes des réseaux pétroliers arrêtés… L’entourage de Philippe Jaffré affirme aller de découverte en découverte. Un projet d’arbitrage entre le groupe, représenté à un niveau subalterne par Jacques Halphon, décédé depuis, et Guelfi, est déniché dans un tiroir, mais semble n’avoir jamais été formellement initié, assure-t-on du côté de Total. Contrairement aux affirmations d’André Guelfi.
Pour le compte-rendu de l’audience du Tribunal de commerce, on pourra relire les papiers publiés par Bakchich ici et là. Des affaires dans l’affaire, telle une plainte en diffamation déposée par Geneviève Gomez et des accusations de faux, polluent le divorce de Dédé la Sardine et du pétrolier, une désunion dans la douleur. La sardine et le pétrolier seront départagés par le Tribunal de commerce qui rendra son jugement en septembre. Un dossier qui apparaît comme l’ultime acte de cette procédure qui n’en finit pas.
À lire ou relire sur Bakchich :
Pour toi il suffit de ne pas se servir des enfants, et d’être sympathique pour ne pas être classé dans la catégorie des voyous ?
Tu as de drôle de conception de la morale.
Il me fait penser à Deviers-Joncours, qui estimait que "ses qualités professionelles" valaient les sommes hallucinantes qu’elle avait perçu.
Son excuse, était je ne suis qu’un pion.
Je ne comprends pas que l’on puisse soutenir cette fripouille.
Le jour où dédé la sardine gagnera c/Total , j’aurais le même sentiment de dégout qu’en apprenant que Tapie vient d’empoche 285 millions d’euros d’indemnités par le Crédit Agricole.
Le Crédit agricole a servi de manne a cette racaille, et coûte 1500 euros francs par contribuable.
Lorsque tu listes les ralliements d’exmitterandiens à Sarkozy, tu t’aperçois qu’ils avaient tous des intérêts.
En l’espèce Tapie peut compter sur des jours meilleurs …
Je lisais les réactions à l’annonce de cette nouvelle, sur la provence en ligne, elles sont à pleurer…
ouais Tapie va racheter l’om et ns allons gagner, si il se présente pour la Mairie je vote pour lui…
Non pas tous pourris, juste ceux qui ont croqué grâce à l’appareil d’Etat.
Je prends l’exemple de deux personnalités se servant des mêmes arguments pour justifier qu’ils méritaient de tels salaires.
Je suis effarée à la lecture de ta plaidoirie de soutien envers ce malfrat…