Pendant que les enseignants-chercheurs protestent ce lundi pour la défense de leur statut, les IUT, un des derniers outils de promotion sociale, risquent de disparaître dans l’indifférence générale.
Les facs françaises sont atteintes du syndrome de Shanghai. Un classement chinois qui note les universités selon des critères de recherche, et dans lequel la France ne brille guère : en 2008, la première université française ne pointe qu’en 42ème position.
Pourtant, ce classement est très « médiatisé » dans les universités françaises. Car malgré ses mauvais résultats, les critères retenus par la Chine, valorisent nos facultés. Oui oui, à cause des résultats, plus catastrophiques encore, de leur deuxième mission, la formation. En dehors de quelques rares filières, nos facs ne forment en effet plus les élites, la majeure partie des étudiants jugés de qualité – et accessoirement en ayant les moyens financiers –, privilégiant les « grandes écoles ». Très rares sont les universités capables de résister à la concurrence des écoles de commerce par exemple, qui proposent de réels débouchés professionnels à leurs élèves.
L’un des responsables de l’ENS de Cachan le constate avec regret. L’université « n’est plus capable que de former des chercheurs pour l’université, c’est-à-dire des débouchés pour seulement quelques dizaines d’étudiants par an ». « Les mentalités ont mis trop de temps à évoluer, nous avons manqué le coche de la formation professionnelle, celle qui intéresse les bons élèves ». Seules exceptions, les facs de droit, de médecine et de pharmacie.
Loin de rattraper le « retard » des facs sur les écoles, l’application de la Loi sur l’Autonomie des Universités, la fameuse LRU, risque de marginaliser davantage encore la formation. En effet, la plupart des universités ont plus d’intérêts, à court terme en tout cas, à mettre le paquet sur la recherche. Maîtres de conférence et Professeurs qui ne publient pas risquent donc de voir leur temps d’enseignement augmenter, pour que les chercheurs puissent se consacrer à leurs articles. En deux mots, les élèves se retrouveront devant les moins motivés des enseignants.
Dans ce cadre, les 115 IUT (Instituts Universitaires de Technologie) – départements des universités – sont les vilains petits canards.
Car, et ce sont les professionnels eux-mêmes qui l’affirment, depuis 42 ans, ils n’ont cessé d’être très bons en formation. Entre 80 et 90 % des inscrits à l’IUT en sortent un diplôme en main, pour seulement 20 % des inscrits à la fac. « Depuis 42 ans les IUT sont devenus les filières d’excellence des classes sociales défavorisées », affirme Marcel Gindre, le patron de l’IUT de Cergy-Pontoise.
Sans compter que les responsables des facs, en général, n’apprécient guère les IUT, pour la même raison qu’ils souhaitent la mort des classes préparatoires : l’aspect select et prépa aux grandes écoles. Car ces Instituts sont les classes préparatoires des plus défavorisés, des vecteurs clefs de la promotion sociale. Une valeur plutôt malmenée ces derniers temps… Mais, alors que les IUT sont peu respectés, voire « méprisés » par nombre d’universitaires, ils sont en revanche appréciés, voire plébiscités par les parents et les étudiants – comme le montrent les études IFOP faites chaque année par les IUT.
Mais les vilains canetons ont également leur tendon d’Achille. Ils coûtent chers, car offrent un taux d’encadrement élevé à leurs élèves (6 heures de cours par jour en moyenne par classe, contre 2 à 3 à la faculté). Et surtout, ils n’ont a priori pas d’obligation de recherche, la clé de la légitimité de l’université pour les années à venir.
Du coup, pour préserver les IUT, jusqu’à l’application de la réforme LRU, leur budget était « fléché ». C’est-à-dire que les universités ne pouvaient pas toucher aux enveloppes qui leur étaient destinées. Depuis le 1er janvier 2009, ces enveloppes sont agrégées au budget de l’université, qui peut décider d’en faire ce qu’elle veut. Or, comme les budgets alloués aux universités se réduisent, il est fort à parier que leurs présidents vont croquer dedans. Et casser du même coup l’un des derniers outils de promotion sociale. Le Président de la République, qui a choisi l’Ecole Polytechnique pour faire son discours sur la promotion sociale, donne finalement raison aux Présidents qui s’apprêtent à rogner le budget des IUT. Qui l’eût cru ?
Lire ou relire dans Bakchich :
Bonsoir, je remercie Bakchich pour sa synthèse éclairée de la situation..
Je suis actuellement en IUT à Amiens. Je voudrais réagir en ce qui concerne les différences entre l’IUT et la fac. Chacun à ses défauts et qualités.
L’IUT permet un meilleurs encadrement, plus de matériel et de pratique en plus petits groupes.Combiné avec beaucoup plus d’heures, cela permet une grande acquisition de connaissance et de savoir faire.
Neanmoins,la plupart des étudiant restent très passifs. Et quelques uns restent en cours "pour la feuille de présence"
L’université permet aux élèves de se responsabiliser et de se prendre en main, d’avoir des initiatives.
On gagnerait beaucoup à faire un mélange de ces deux modèles, un plus grand nombre de cours et de professeurs pour l’université.
Mais pour cela, il faut des crédits…