Jérôme Leroy, notre maitre ès pastiche, nous invente un Céline socialo.
Pour parler franc, là, entre nous, j’ai toujours été socialisse…Je le répète pour la millième fois…Socialisse…Oui, madame…tendance Fourier ! Même ! Phalanstérien, je suis…
Malgré qu’on m’a fait une réputation d’affreux, de loqueteux, de collabo…Céline au poteau ! Qu’y disaient tous, rapport à mes égarements… Et pourtant, plus socialisse que moi, c’est pas possible….J’suis médecin des pauvres, moi…Docteur Destouches, Meudon…Demandez, ayez pas peur des chiens, venez me voir… Je vous expliquerai : socialisse, depuis toujours…Mais là, je comprends que dalle…Oh, je sais, j’ai pas la tête politique…Mon blot à moi, c’est plutôt les imaginations, les fééries…La danse…Mais quand même, le parti socialisse, là, ça me reste sur le gésier…Moi qu’ai connu les colonies, j’ai jamais vu de tels délires…des fièvres incroyables ! Malaria ! Palu ! Panique à bord !
Madame Royal, qu’est pourtant une femme bien aimable, bien propre, qu’on devine avec des dessous bien blancs, rien à voir avec ces crasseuses du NPA, altermondialisses, comme elles disent, avec leur culotte « commerce équitable » que ça doit pas être bien net rapport au pouët, Madame Royal donc, là voilà t’il pas saisie d’hystérie au Zénith ! Le syndrome Eva Peron ! Ceci est mon corps !Aimez-vous les uns les autres ! Prenez-moi ! Toute ! De la tête à l’oigne ! Entière je vous dis, à vous ! Pour la France…Eh bien, mézig qu’a pourtant cent piges et mèche, j’peux vous dire qu’elle m’a fait peur, plus que les bombardements sur Montmartre…Bien plus…
Grande méfiance pour l’hystérie, j’ai…C’est le praticien qui parle…L’hystérie, c’est la guerre, le carnage, les fanatismes, les étripages au nom de l’Hâââmour… Et la voilà, Madame Royal en tête du vote de ces branques de militants… Pas de beaucoup mais assez pour faire l’incontournââble, la madonne investie. Et qui en face ? des carpes et des lapins, des ouistes et des nonistes, les liaisons incroyables, les hybridations chimériques, les coalitions contre-nature… Médrano battu, la baraque aux monstres écrasée… Entrez M’sieurs dames, vingt euros la carte, remboursables… Venez voir un spectaque unique en Europe8 dans le monde ! La galaxie ! Aubry, Fabius, le précieux Bertrand, et le jeune Robespierre, là, Hamon avec ses beaux yeux de guillotineur… Tous à s’épier… A comploter… A manier la rumeur…Le sous entendu fielleux… Les insultes qui arrivent… Libéral ! Vendu ! Tu veux coucher avec les centristes !Tondue tu seras ! Traître ! T’aimes trop l’Europe ! Pas assez ! Tu triches avec les militants…Tu choures les miens ! Non, toi ! A se dérouiller ! A s’envoyer à dache !
Un barouf désolant pour nib ! Macache ! Balpeau ! Parce que les socialisses, la Royal illuminée en tête, y sont tellement dans leurs querelles, leurs jactances infinies, qu’y se rendent pas comptent qu’ils bavassent dans les ruines, des ruines qu’intéressent plus personne. Tiens, ces gueules d’empeigne, et leur vilaine atmosphère, c’est pas pour être désobligeant, je suis médecin libéral, j’ai l’habitude de caresser la clientèle si je veux croûter moi, Lili et le chat Bébert, mais ça m’rappelle Siegmaringen ! Laval ! Pétain ! Déat (un ancien socialisse d’ailleurs…) qui intriguaient avec une rage qu’aurait fait l’extase scientifique de mes vieux maîtres de la Faculté alors que les Amerloques étaient à cinquante borne du château et les bombes qui nous tombaient sur la cafetière en prime ! Badaboum !
On s’étonne même pas que Mélenchon préfère mettre les adjas ! Pas fou ! Il sent la ruine ! La faillite honteuse ! La grande dissolution ! La fin des socialisses ! Y veut pas voir ça, finir nave comme tous les camarades…Aphasiques… A pu pouvoir dire quoi que ce soit ! Sur la crise ! Les loquedus qui peuvent pu payer les consultes chez le toubib tellement c’est la mistoufle, le Baron Samedi élu président des cauboïlles, la bourse qu’a tellement fait fondre mes éconocroques que je suis obligé à mon age de continuer à faire du toucher rectal pour repérer les prostates inquiètes rien que pour payer le chauffage de la baraque, avec les chiens et les danseuses de Lili. Rien qu’y disent, rien qu’y proposent, les socialisses….Socialisse…Ca me rend louf…Socialisse…Tu parles…Ca sent les dérouillades électorales…Pour des piges et des piges…A se faire secouer, patafioler…On n’est pas près de le revoir le socialisme… On va se faire tartir à l’attendre… Les mômes seront vioques que ce sera encore Sarkozy…Qui rigolera… Pendant que le travailleur y groumera…En pure perte…Comme depuis le début des temps… Ah, tiens, c’est trop de dégoutation ! Vraiment…
Un pastiche encore un…
Les précédents pastiche de Jérome Leroy
Mr Leroy, je découvre, avec retard, votre prose en "hommage" au Maudit de Meudon, victime de son époque autant que de lui-même. En effet, c’est le médecin qui établira l’ordonnance. Mais quelle ordonnance finalement ? En quoi ce que stigmatisent et préconisent les pamphlets trouve-t-il un écho dans l’oeuvre romanesque ?
L’oeuvre de Céline a, en effet, partie liée avec ce qui ne peut ou ne veut être réfléchi car trop entaché, trop exclusif d’un idéalisme que toute l’histoire des hommes dément ; elle a à voir avec ce qui ne peut ou ne veut être admis car trop ancré, trop enfoui dans les peurs, les angoisses inconscientes les plus délétères de l’humanité précaire. Car, Céline a vécu cette frustration au cours de son "voyage au bout de la nuit", évoluant, progressant dans un monde où, en effet l’Idéal, sous toutes ses formes, n’a pas cours. Céline est amer : car depuis Montaigne en tout cas, l’Homme se doit d’apprendre à mourir ("l’Homme n’existe guère en dehors de la vérité de cette agonie, seul avec son chagrin pour devenir soi-même avant de mourir") ; la loi de la vie étant d’avoir à mourir… Mais bien avant d’arriver au bout de la nuit, l’être humain risque de mettre en péril sa propre humanité. S’il le fallait, il pourrait s’agir de cela chez Louis-Ferdinand Destouches : chez Céline s’exprime un humanisme désenchanté qui se refuse le luxe de croire en une quelconque charité naturelle en l’Homme ; qui peut tout au plus céder à la nostalgie sans illusion d’une bonté frémissante en l’être humain : "ça serait pourtant pas si bête s’il y avait quelque chose pour distinguer les bons des méchants" (Voyage, "Folio", p.160). Finalement, je crois, Céline a honte de ne pas être assez riche en coeur et aussi d’avoir jugé quand même l’humanité plus basse qu’elle n’est vraiment au fond : "on sabote toujours les vivants… on a mal le sens de la vie… comme j’en ai moi des remords intimes !…" (Féerie I, p.104).
Nicolas Beau vous expliquera : j’ai quelques disponibilités, voyons-nous autour d’un thé et de quelques croissants, appétits céliniens s’il en est. Confraternellement Philippe Pichon
Céline employait peu ou pas de mots d’argot et ne faisait pas de fautes de syntaxe
sous de rares facilités le style était rigoureux et la spontanéité uniquement apparente : Céline travaillait énormément ses textes. En aucun cas ils n’étaient écrits à la va vite.
Sa ponctuation favorite n’était pas le point d’exclamation mais les points de suspension. Ce n’est pas seulement une histoire de typographie : il n’assénait pas ses textes. En laissant ainsi la phrase ouverte, il relançait l’attention du lecteur qui pouvait continuer l’idée lui même. Le point d’exclamation ferme la phrase à double tour…
Bref, ce pastiche n’est pas très bon…
Je précise que je ne suis pas, pour ma part, un admirateur de Céline.