Beijing était pendant quelques jours la capitale de l’Afrique. Une ville où s’affichaient sur des grands panneaux, dans les principaux carrefours et artères l’homme noir, les éléphants, les girafes et des paysages de savane. Des clichés déjà vus certes, mais pas pour ce moment historique. Les dirigeants de la république populaire se mettaient en quatre pour recevoir leurs illustres et honorables invités sortis tout droit du berceau de l’humanité. Réceptions en grande pompe des nombreux chefs d’Etat et chefs de gouvernement dans d’immenses et magnifiques palais rappelant les mémorables congrès du parti communiste. La grande puissance asiatique ouvrait ses portes à ses partenaires privilégiés, cachant derrière le décor certaines réalités. Oublié, par exemple, l’espace de quelques flashes photos et objectifs de caméras, le calvaire des étudiants africains en Chine. Le racisme et le rejet dont ils font quotidiennement l’objet de la part de la population ne figuraient pas à l’ordre du jour.
Bien au contraire ! La présence des bannis de la communauté internationale comme les présidents du Zimbabwe et du Soudan témoignait d’un esprit de tolérance et d’ouverture. En Chine, tous les Africains, peu importe leurs couleurs politiques, sont comme chez eux. Surtout le temps d’un tel sommet pour se rendre compte de la montée en puissance du dragon.
Désormais, dans la Françafrique, on ne se lèvera plus obligatoirement au chant du vieillissant coq gaulois. Le jeune dragon rouge applique son droit de cité dans le futur ex-pré carré. En Afrique les Chinois sont les bienvenus ! Contrairement aux donneurs de leçons occidentaux, ils respectent les us et coutumes des politiciens. Ils plaident pour la non-ingérence et le droit des dictateurs à disposer souverainement du peuple. Leur ignorance des droits de l’homme fait le bonheur de certains régimes. Ces derniers peuvent continuer à affamer et massacrer les populations, tout en recevant d’importantes aides financières sans aucun intérêt. Sauf celui d’ouvrir largement les marchés africains à ses innombrables produits. C’est une véritable invasion et un déséquilibre pour des économies déjà fragiles. Comment le paysan et l’ouvrier démunis pourraient contrer les prix compétitifs des produits chinois ? En fermant boutique et ruminant leur colère du péril jaune à la case chômage ?
Ainsi tandis que l’Afrique d’en haut brasse avec cupidité les billets venus de Pékin, le géant rouge se charge de prendre au petit peuple son bout de pain, en attendant de s’occuper du sort des dirigeants. Dans cette opération de charme, nombre de chefs d’Etats ignorent qu’ils ne représentent, en fait, que de simples pions dans un échiquier stratégique.