Le feuilleton des retrouvailles entre le président sénégalais Abdoulaye Wade et son Premier ministre félon Idrissa Seck, n’ont rien à envier aux telenovelas qui passionnent les dakarois.
L’histoire de ces deux là ne lasse pas. Pas encore. Tout simplement parce que les rebondissements ne manquent pas. Et que les deux compères ménagent le suspense. Après l’ascension commune vers les sommets de l’État, le travail main dans la main entre le président du sopi et son fils spirituel, devenu tour à tour son directeur de cabinent puis son Premier ministre, les premiers tourments étaient survenus. Chassé de la primature en 2004, embastillé en 2005, Idrissa Seck avait acté sa rebellion en se portant candidat à la présidentielle du 25 février prochain. Pire il s’est allié avec l’ancien ennemi socialiste au sein de la coalition Jaam Ji.
Trêve des confiseurs oblige, le feuilleton a marqué une pause en fin d’année. Mais le dernier épisode en date, les retrouvailles incertaines, ne manque pas de piment. Las des bisbilles avec son ex-fils spirituel, le vieux président sénégalais choisit de l’inviter en son palais pour un bref entretien… de quatre heures, le 22 janvier. Au passage les plus hautes instances maraboutiques jouent les bons offices pour rapprocher les deux hommes.
Et sur le perron du Palais de l’avenue Roume, seul Gorgui Wade se présente devant la presse pour annoncer que son petit gars (Ngorsi en Wolof), Idrissa Seck, revient au bercail du Parti démocratique sénégalais (PDS). Bref, les retrouvailles sont pleines et entières. Ne reste qu’au principal intéressé à confirmer les mots du président. Et là, motus. Prévue au soir de l’entrevue présidentielle, puis reportée au lendemain, la conférence de presse est repoussée sine die. « Avec ordre à ses amis de ne pas parler à la presse et de ne pas communiquer son numéro de portable le plus récent », confirme un de ses proches. Mais ce statut de petit cachottier, véritable marque de fabrique de l’ancien Premier ministre, masque mal l’inconfort de sa situation et son indécision. Idy hésiterait à changer de nouveau de costume et à revêtir celui de fils prodigue. Une partie de ses doléances a déjà été acceptée : que le président Wade le lave de tout soupçon dans l’affaire de détournements de fond qui lui avaient valu un séjour en cabane. La déclaration de « Gorgui » le 22 janvier l’a à ce titre comblé d’aise.
Reste à assouvir son ambition, accéder à la magistrature, et à ménager l’avenir. Conformément à son souhait (voir Bakchich # 7, Pas à Seck d’Idées), Ngorsi se serait vu offrir le poste de Président de l’Assemblée nationale. Une fonction très avantageuse : l’assurance de ne pas voir nommé un ennemi à la Primature, la possibilité de peser sur les décisions du gouvernement…et un statut de deuxième personnage de l’Etat, successeur officiel du président en cas de vacance du pouvoir. Abdoulaye « Gorgui » Wade, 80 ans au compteur, bien plus selon ses artères, ne serait, selon la rumeur, pas éternel.
Mais Seck demeure méfiant. Son retour au PDS ne manque pas d’obstacles. Comment réagiront les faucons qui ont cherché à la couler et l’ont, quoiqu’il en dise effrayé ? Quel accueil lui réservera Karim Wade, le fils présidentiel à qui il doit en partie sa disgrâce ? Quid des militants qui l’ont suivi ? Et surtout quel image va-t-il renvoyer à l’opinion ? Passé du statut de jeune loup dévoré d’ambition à martyr de la République grâce à son passage en prison, Idy craint de perdre sa popularité naissante en regagnant le nid libéral. Et le désamour grandissant de la population envers le PDS, rendant plus qu’incertain sa victoire aux législatives, ne manque pas de peser sur sa réflexion.
Et son silence d’agacer tant ses nouveaux alliés que le clan présidentiel…et les marabouts. Peu enclin à jouer les intermédiaires, les guides religieux, forts influents auprès des populations, ne pardonneraient pas au leader de Rewmi une volte face de dernière minute. Pendant ce temps, Wade continue son travail de « rapatriement », en convoquant au palais ses autres fils prodigues, Jean-Paul Dias et Modou Diagne Fada en tête. « Autant de manœuvres qui laissent planer le doute sur la tenue des élections le 25 février », avance un diplomate en place, « Wade pourrait les décaler les élections, le temps de finir ses chantiers et se retirerait ensuite. D’ici là, il offrirait le parti à Seck. À moins qu’Idy ne dribble le vieux ». Le prochain épisode de la telenovela, Wade-Seck sera, à n’en pas douter, palpitant.