33,5 millions d’euros. C’est la perte globale pour la saison passée de la Ligue 1 et 2 confondues. Faute rejetée sur la vétusté de certains stades. Manière de se détourner de la véritable crise du football français.
Sans tambours ni trompettes, pour ne pas dire à la sauvette, la Ligue vient de publier les comptes du foot-business à la française, pour la saison 2008-2009. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas brillant. La perte globale, Ligues 1 et 2 confondues, s’établit à 33,5 millions d’euros. Il semble d’ailleurs que le mot d’ordre pour expliquer ses mièvres performances soit : « C’est la faute des stades ! construisons des enceintes sportives dignes de ce nom et vous verrez ». Alors voyons…
D’abord, et comme l’avaient relevé les auteurs de « La Face Cachée du Foot-business » dès 2007, il faut comprendre que le football professionnel moderne marche résolument sur la tête. Il faut en effet comprendre qu’aujourd’hui, sa compétition phare, autrement dit le championnat de L1, est au service de l’activité qui consiste à faire commerce de joueurs, et non pas l’inverse ! L’organisation de la compétition est un casse-tête obligé qui génère, année après année, des pertes abyssales pour les clubs : 143 millions d’euros en 2004-2005, 216,3 millions d’euros en 2007-2008, et enfin 236,6 millions d’euros pour 2008-2009.
Ce désastre est partiellement compensé par le miracle du ‘mercato’. Dieu merci, les joueurs français se vendent bien ; très bien même ; leur négoce a dégagé un bénéfice de 265,8 millions d’euros en 2007-2008 et de 215,4 millions d’euros en 2008-2009. Tout de même…En d’autres termes, le trading de joueurs a sauvé les meubles en 2007-2008, permettant à la DNCG (Direction Nationale du Contrôle de Gestion ) d’annoncer, après résultats financiers, exceptionnels, manips sur comptes-courants et crédits d’impôts sur les sociétés, un résultat net de 25 millions d’euros. Las, en 2008-2009, la foire aux talents n’a pas suffit : la perte générée par le « plus beau spectacle du monde » est de 14,6 millions d’euros.
L’explication tient sans doute à peu de choses. En 2008-2009, le prix moyen d’un joueur de L1 « vendu » à l’étranger était de 4,5 millions d’euros, contre seulement 3,2 millions d’euros pour un joueur cédé d’un club de L1 à l’autre, et, de manière plus anecdotique, 110 000 euros pour un joueur par définition en perte de vitesse, vendu de L1 en L2. Un léger déplacement dans la répartition de ces ventes peut donc avoir des conséquences très importantes ; s’y ajoute un « vice » sournois du système : celui de la sur-évaluation, pour toutes sortes de raisons plus ou moins avouables, de la valeur du patrimoine joueur des clubs, autrement dit de leur actif principal au bilan. Cette « gonflette » produit mécaniquement, une progression moyenne du coût des joueurs mutés et donc, une réduction du profit sur mutations de joueurs : 265,8 millions d’euros en 2007-2008 contre « seulement » 215,4 millions au cours de la dernière saison étudiée, à cause d’une hausse du prix de revient du joueur muté de près de 20% en une seule saison…
En passant, on constate pièce à l’appui, l’absurdité de l’argument selon lequel le Droit à l’Image Collectif, le fameux DIC dont les clubs vont devoir se passer prématurément, permettrait au championnat de France de conserver ses meilleurs joueurs. Le foot-business hexagonal est structurellement contraint de vendre ses meilleurs joueurs et de préférence à l’étranger s’il vous plait ; le « big DIC » n’a donc d’autre but que de permettre aux clubs de réduire un tout petit peu leur masse salariale aux frais du contribuable qui paye la note à l’URSSAF en lieu et place des clubs : ladite masse représentait 61,53% des charges des clubs en 2004-2005 contre « seulement » 56,17% en 2008-2009. De ce point de vue, l’objectif est atteint. La question n’est toutefois pas inconvenante : en quoi la collectivité nationale devait-elle être mise à contribution pour alléger la note des charges sociales du foot-business plutôt que celle, par exemple, de l’ingénierie logicielle ou de tout autre industrie du secteur marchand susceptible de contribuer au comblement de notre déficit commercial ?
Reste que le foot professionnel, une pure industrie de main d’œuvre, connaît une autre tare congénitale, confirmée sans ambiguïté, par la dernière livraison de la DNCG : celle de la baisse structurelle de sa productivité. Un problème auquel, dans l’industrie « normale » on apporte la solution des délocalisations à tout va…
Comment mesurer la productivité de la main d’œuvre dans le foot ? C’est tout simple ; il suffit de mesurer le coût salarial d’obtention d’un point en championnat. En 2004-2005, la L1 a engagé une masse salariale de 435 307 euros pour obtenir 1 point en championnat. Puis 530 424 euros en 2005-2006….687 765 euros en 2007-2008 et, enfin qu’on se le dise, 701 927 euros au cours de la saison 2008-2009 pour ce même petit point de classement en championnat ; ‘mais jusqu’où s’arrêteront-ils’ avant qu’un club décide de franchir le pas et de se délocaliser à Jersey où à Andorre où les charges sociales sont nettement plus clémentes, pour venir disputer ses matchs en fin de semaine, dans le stade mis à disposition par sa commune d’origine ? Après tout, Monaco participe bien au championnat de France non ?…
Aucun secteur économique ne peut survivre durablement avec une perte chronique de productivité ; en l’espèce, plus de 60% en 5 ans. Les esprits chagrins objecteront qu’il s’agit là encore d’une contrainte inhérente au système. On entend déjà les lamentations des familles du football : « Les clubs de L1 sont contraints à une inflation salariale pour maintenir la qualité du spectacle, et donc le niveau des droits de retransmission audiovisuelle dont la L1 est structurellement tributaire ; pensez-donc mon bon monsieur, en France les droits TV représentent encore 55% des recettes des clubs contre seulement 34% observés en moyenne, au sein de l’UEFA. Et 14% pour les recettes des stades contre 23% en Europe. Et 20% pour le sponsoring contre 24%…
Bref, si on ne suit pas la surenchère salariale pour produire un spectacle de qualité, on va se retrouver avec un championnat de France digne de celui des Iles Féroé, suivez notre regard … Les diffuseurs exaspérés finiront par mettre le paquet sur le rugby et son arbitrage vidéo, ses exclusions temporaires, ses majorettes, ses lancers de nains à la mi-temps et tutti quanti qui bousculent les traditions, et nous laisseront avec des droits TV aussi minces que des queues de cerises… ».
Faute de mieux, les derniers chiffres publiés par la DNCG martèlent donc le message convenu : « Ces chiffres démontrent le retard des clubs français en matière d’optimisation des recettes de matches et de sponsoring, en grande partie due à la vétusté et au caractère non fonctionnel des stades en France ». Admettons. Et posons à notre tour, la question qui fâche : en quoi des stades rénovés contribueraient-ils en quoi que ce soit, à réduire la perte structurelle de productivité de la main d’œuvre footballistique et donc, au rétablissement de la logique économique du football professionnel reposant aujourd’hui exclusivement sur les transferts ? Une « logique » qui pourrait bien être pulvérisée par le projet de « 6+5 » si cher à la FIFA…
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Réponse à Germain.
C’est tout le problème : le financement dela construction ou l’amélioration des stades existants ne SERA PAS PRIVE MAIS PUBLIC à quelques opérations de "naming" près, et ce en vertu - si l’on peut dire- du "fameux" principe de l’intérêt général. En clair, il faut socialiser les pertes du foot ; comme d’hab’ ; privatisons les profits et mettons les pertes à la charge de la communauté ; en Angleterre Arsenal a construit son nouveau stade avec son propre fric et un business plan qui prévoit un énorme programme de promotion immobilière sur l’emplacement de l’ancien stade. C’est d’ailleurs pour ça qu’il tire la langue et a déjà refinancé 2 fois l’échéancier de sa dette. Et ça s’est respectable ! Faire casquer le fan de rugby ou de badmington pour l’incompétence des dirigeants du foot (pour rester poli) l’est en revanche beaucoup moins…Donc la question demeure, pourquoi le contribuable, en finançant tout ou partie des stades dont rien ne dit qu’ils sont la solution à la situation actuelle, devrait-il rétablir le modèle économique du football professionnel qui est une "affaire privée" ?
il suffit de lire les différences de sources de revenus en France et dans les autres pays (j’invite à consulter le rapport Besson sur la compétitivité des clubs français, disponible sur le net) pour voir l’intérêt de la construction d’un stade privé :
ne plus payer la redevance à la ville (qui grève les maigres résultats de billetterie en France : la recette annuelle de Lens est à peu près égale à la recette d’un match de l’Emirates) augmenter les revenus de billetterie (40% des revenus commerciaux en Angleterre) avoir des actifs éco autre que les joueurs…
il est certain que la dette des clubs français allait augmenter au vu du contexte économique, les clubs étrangers (anglais en l’occurrence) achètent moins, et moins cher à cause de la crise…. et de la situation compliquée en Premier League pour la plupart des clubs…
maintenant, si l’article suit la remarque du président sur les salaires trop importants des footeux, je crois que l’auteur est victime d’un passement de jambes de Sarko, qui l’a bien enfumé
L’unique raison pour laquelle les stades sont à moitié vides c’est la pauvresse du spectacle… Pelouse grasse, un speaker qui vente les merites de Manpower à la mi-temps, des équipes dont la stratégie numéro 1 est de ne prendre aucun risque,des joueurs sur leurs planetes, des supporters peu considérés, une politique de recrutements nullissimes, une coupe de la ligue qui ne sert à rien…
Abonné depuis plusieurs abonné d’un "grand club Francais" j’ai perdu toute passion…
Il me semblait que les droits télé suffisaient aux clubs pour qu’ils équilibrent leur budget.. ?! La rénovation des stades ne va pas diminuer le salaire exorbitant que gagnent les pros alors que le foot amateur ne vit que grâce à ses bénévoles. D’autant plus qu’un club pro posséde plusieurs entraîneurs, des responsables en com’, des agents recruteurs qui ne travaillent pas pour des clopinettes.
Et puis qui paiera la rénovation des stades.. ? le contribuable qu’il ait ou pas l’intention de se rendre au spectacle que les joueurs savent, des fois, rendrent indigeste. Certes, ils ont de gros salaires car ils arrêtent leur carrière relativement jeunes et ne sont pas tous, loin de là, embauchés comme consultant sur Canal+. Je crois me rappeler que le club de Lorient garantissait une reconversion professionnelle quand le joueur arrêtait et cela leur permettait de leur attribuer un salaire raisonnable. Continue t’il à le faire… ?!