Le journal La Tribune vit-il ses dernières heures en kiosques ? 14 millions d’euros de pertes en 2009, des recettes de pub en chute libre. Unique espoir, l’Ipad, hochet numérique du patron Alain Weill.
"La Tribune pourrait abandonner la vente en kiosques d’ici la fin 2010." Cette déclaration à l’AFP de Valérie Decamp, directrice générale de la Tribune, a fait l’effet d’une bombe. En réaction, la rédaction a convoqué une assemblée générale extraordinaire et la direction composée du président Alain Weill et de Valérie Decamp, a dû s’expliquer. Avant de publier un communiqué de mise au point déclarant que ce n’était là qu’une piste de travail parmi d’autres… pour sortir d’une situation désastreuse.
Avec 14 millions d’euros de pertes en 2009, une diffusion France payée en chute libre de 10,9 %, à 67 295 exemplaires par jour, une audience également en baisse (-16,4 %), et des recettes publicitaires à la ramasse, la Tribune va mal. Heureusement Alain Weil le « magicien des médias », a sorti un joli lapin de son chapeau : le numérique. Et de prédire « d’ici cinq à quinze ans, la fin du papier ». Gaga du high-tech, le proprio du journal croit au dieu iPad, la tablette graphique du géant Apple permettant de lire son journal sur un écran, pour regarnir les caisses de la Tribune, bien creuses, deux ans et demi après son rachat.
Pressé de se débarrasser d’un quotidien en difficulté, Bernard Arnault, l’ex-patron de la Tribune, avait laissé un chèque de 40 millions d’euros pour éponger les dettes et permettre à Alain Weill d’investir. Cette enveloppe est devenue peau de chagrin, essorée par la nouvelle formule du quotidien. Lancée en grande pompe en novembre 2008 avec le passage au format berlinois et la parution le samedi, la nouvelle Tribune n’a pas rencontré le succès escompté. À tel point que le journal est récemment repassé au format tabloïd et a abandonné l’édition du week-end. Pas sûr qu’une fois ces 40 millions d’euros épuisés Alain Wei l l veuille investir de nouveau sur ses deniers personnels (la Tribune n’est pas intégrée au groupe NextRadioTV, qui compte les radios RMC et BFM notamment) pour relancer un support qu’il juge « dépassé ». « Il faut changer de modèle, martelait- il récemment, l’hypothèse du 100 % numérique est sur la table. » Avec un avantage : il coûte moins cher et permet d’éviter les aléas de la diffusion.
En interne, on raille « les marottes numériques du propriétaire. On se concentre sur des choses qui ne rapportent pas d’argent pour le moment ». Certes, mais elles permettent de paraître moderne et de faire oublier pour quelque temps les déboires importants du journal. Bref, de masquer un brin l’écho d’une Tribune vide.
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