Le café-philo des « JaBac ». Thème de la nouvelle dissertation des instituteurs Jaoui-Bacri : l’humiliation ordinaire, le manque de sollicitude et la victimisation. Est-ce que ça fait un film ? Non !
J’aime pas les « JaBac ». Depuis des années, Agnès Jaoui joue invariablement les-belles-rebelles-qui-balancent-leurs-quatre-vérités-à-tout-le-monde et Jean-Pierre Bacri balade son air lugubre en incarnant les ours mal léchés. Scénaristes, ils ont signé les Resnais les plus gadgets et se sont écrit des rôles sur mesure – toujours les mêmes – dans « Cuisine et dépendances » ou « Un air de famille ». Dotés d’un énorme complexe de supériorité (voir leurs tronches à Cannes en 2004, effondrés de n’avoir reçu QUE le Prix du scénario), ils « réalisent » maintenant des films à quatre mains. Dotés d’une bonne conscience de gauche, ils sont devenus les spécialistes de la comédie douce-amère à thèse, du film choral pour bobo qui dit des choses fondamentales, genre le racisme, c’est mal, l’intolérance, c’est pas bien… Les « JaBac » seraient donc nos Woody Allen, des humoristes philosophes (ou vice-versa) qui radiographient le monde, dissèquent la comédie humaine, épinglent nos lâchetés, nos faiblesses, des cinéastes engagés qui dénoncent : le sectarisme (« Le Goût des autres »), les mirages de la gloire, la tyrannie du pouvoir (« Comme une image »).
« On part d’un thème - souvent les jeux de pouvoir entre les êtres -, on cherche des personnages qui l’illustrent », expliquait Bacri en 2004 à Télérama sur sa façon d’écrire des scénarios. Avec une telle méthode, on obtient du cinéma préfabriqué, sans âme, des comédies morales lourdaudes qui condamnent ou sanctifient et qui en général méprisent leurs personnages, tous pris en flagrant délit de bassesse. Du cinéma d’entomologiste, précieux et prétentieux, donneur de leçons. Du cinéma de vieux ! Plus grave encore, le manque de talent formel d’Agnès Jaoui : pas un plan de cinéma dans un seul de ses films. Du plan-séquence pépère, du champ/contre-champ, du théâtre filmé où tout est moche, mal cadré, mal éclairé et qui ferait passer « Derrick » pour du Kubrick.
Nouveau film à thèse pour lecteurs de Télérama, « Parlez-moi de la pluie » est du pur« JaBac », jusqu’à l’affiche, absolument hideuse.
Jaoui incarne Agathe Villanova, féministe pète-sec fraîchement engagée en politique. De retour dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, pour aider sa sœur à ranger les affaires de leur mère décédée, elle tombe sur deux bras cassés, Jamel et Bacri, qui veulent tourner un documentaire sur cette « femme qui a réussi ». Et c’est parti pour 1h38 de lieux communs et de clichés où les trois gugusses devisent gentiment sur la politique, l’amouuuuur, la famille, le racisme, le mépris, la discrimination, j’en passe et des pires. Bon, comme il faut quand même quelques péripéties, Jamel va tomber amoureux, Jaoui perdre son amant tandis que Bacri s’envoie en l’air avec la sœur de Jaoui (quel hasard !). Cette fois, les thèmes du film-dissertation sont : l’humiliation ordinaire, le manque de sollicitude, la victimisation, « la condescendance qui ronge les âmes et les esprits et se transforme en tropisme néfaste pour la société », comme l’a déclaré sans rire Jamel Debbouze.
Pour élever encore le débat, les « JaBac » citent Kierkegaard (« L’angoisse est le possible de la liberté »), ça fait chic, et ponctue le film de GRANDE musique (Schubert, Vivaldi, Haendel…), ça peut impressionner. Si le malheureux spectateur avait oublié qu’il assiste à « un divertissement de qualité », ça clignote continuellement sur l’écran pour lui rappeler qu’il n’est pas là que pour rigoler, d’ailleurs on ne rigole pas vraiment, sauf lors de trois ou quatre vannes dont la très bonne « Je comprends. Réceptionniste, c’est un bon boulot. Tu lâches pas ça facilement… »
Qui dit « JaBac » dit film choral. On a donc ici une belle brochette d’esclaves et de maîtres, de salauds et de mecs biens, de paumés et de cœurs purs. Les acteurs – Frédéric Pierrot, l’excellente Florence Loiret-Caille ou Jamel, pas très à l’aise – font ce qu’ils peuvent pour insuffler un peu de vie dans ces marionnettes neurasthéniques, pas vraiment des personnages, plutôt des figures génériques. A la fin, tout le monde s’embrasse comme dans une pub pour Ricoré, le bonheur est là, à portée de main, surtout pour le spectateur proche de la délivrance. Bien pensant et mal filmé, « Parlez-moi de la pluie » est insoutenable d’ennui et de prétention. Les « JaBac » citent Kierkegaard et lorgnent vers Tchekhov. Ils ne font que du Harlequin.
Pourquoi tant de haine - provocatrice- à l’égard, et du film, et des personnes ?
"J’aime les gens qui doutent, les gens qui top écoutent leur coeur…." : (début d’une chanson-poème d’Anne Sylvestre)
C’est un film tout en finesse sur "les gens qui doutent",très joli film qui mérite des critiques autrement plus honnêtes et plus sensibles que ce parti-pris taillé à la serpe et très beauf !