Le géant américain de la grande distribution Wal-Mart accumule procès et enquêtes. Les spéculateurs n’en ont cure, malgré la berezina financière ambiante, son action cartonne en Bourse.
Depuis l’éclatement de la bulle immobilière, pas un seul gérant de portefeuille ne misait l’ombre d’un dollar sur la grande distribution américaine. Récession oblige, la consommation des ménages est en berne. « La crise marque la fin de l’abondance de crédits », remarquait début 2008 un vieux routier des placements financiers aux Etats-Unis. Or, pour compenser la baisse continue des revenus réels des salariés américains depuis 1973, ces derniers ont eu largement recours aux crédits à la consommation. Une possibilité qui s’est désormais évanouie. Résultat, parmi les gestionnaires de portefeuilles d’actions, le mot d’ordre cette année a été de « rester à l’écart de la grande distribution qui n’a pas fini d’être affecté par la crise », comme le soufflait ainsi l’un d’eux dès mars dernier.
Le secteur sent carrément le souffre. Aux yeux des gérants de portefeuilles, la grand distribution ne vaut guère mieux que les secteurs « automobile ou bancaire ». Ce n’est pas peu dire : en pleine déconfiture, les banques ont dû faire appel à un flot d’argent public afin d’éviter le sort malheureux de Lehman Brothers.
Nos chers apprentis sorciers ont presque vu juste : sur la période de douze mois qui s’est achevée fin novembre, les ventes des chaînes de magasins ont battu un record de baisse (-2,7%), sous l’œil goguenard du géant du discount, Wal Mart, qui a vu les siennes grimper de 1,5%. Du coup, la multinationale fait partie des rares à avoir échappé au marasme à Wall Street. Sa valeur y a progressé de 17% depuis le 1er janvier, alors que l’indice Dow Jones a plongé de 35% et que celui du Nasdaq a perdu 40%.
Après 18 mois de crise, Wal-Mart est devenu la deuxième plus grosse capitalisation boursière du monde, juste derrière le pétrolier ExxonMobil ; mais devant le petit prince de la couche-culotte Procter & Gamble et Microsoft qu’on ne présente plus. Les as des salles de marché ne sont vraiment pas regardants.
La firme fondée en 1967 par Sam Walton a brassé près de 379 milliards de dollars lors de son dernier exercice fiscal. C’est aussi le plus grand employeur privé des Etats-Unis avec 1,4 million de salariés et près de 4 000 magasins cost-to-cost. Sa puissance est telle la presse économique l’a surnommée « le visage du capitalisme du XXIe siècle ».
Le visage peut apparaître plutôt grimaçant. Contrepartie des prix discount magasins, les salaires chez Wal-Mart sont inférieurs de 15% en moyenne à ceux du secteur, et même d’environ 30% par rapport aux revenus perçus par les syndiqués de la grande distribution. En outre, une cinquantaine d’actions en justice lui reprochent d’avoir enfreint les lois sur le paiement des heures de travail. Mauvais payeur, le groupe affilie en outre moins de la moitié de ses employés à une couverture maladie. Résultat, 5% d’entre eux font appel à Medicaid, la couverture maladie publique dédiée aux plus pauvres.
Tout aussi préoccupant, le groupe « recourt à une stratégie sophistiquée et complexe pour empêcher l’activité syndicale » n’hésitant pas à pratiquer le « licenciement (…) dans les cas extrêmes », note dans une étude l’ONG Human Rights Watch, qui a relevé de nombreux autres cas de discriminations, notamment à l’égard des travailleurs handicapés ou de ses salariés les plus anciens.
Le rouleau compresseur écrase tout aussi bien ses fournisseurs américains, le distributeur n’hésitant pas à les mettre en concurrence avec les entreprises chinoises. Autant dire que dans ces conditions, ses concurrents n’ont d’autres choix que de s’aligner sur ses méthodes Wal-Mart, sous peine de disparaître.
Mais le plus beau, c’est que le groupe est subventionné par les pouvoirs publics et donc par les contribuables. Ainsi, une étude de la très sérieuse association Citizens for Tax Justice a calculé que le groupe avait bénéficié d’une remise d’impôts de 2,3 milliards de dollars entre 1999 et 2005. Tandis que de son côté, une étude menée pour le compte de l’United Food and Commercial Workers a montré que l’enseigne avait touché un milliard de dollars supplémentaires de subventions publiques .
Wal-Mart permet de mesurer l’évolution des cent dernières années. « Henry Ford cherchait à payer ses salariés suffisamment afin qu’ils puissent acheter les voitures qu’ils produisaient. Sam Walton cherchait à payer si peu ses employés afin qu’ils ne puissent faire leur courses ailleurs », conclut John Miller, un professeur d’économie du Wheaton College. Et là est sans doute la clé du succès de Wal-Mart en bourse.
Durant la campagne présidentielle, Hillary Clinton voulait porter les couleurs de la gauche. Audacieux pour celle qui a siégé, jusqu’en 1993, au conseil d’administration de Wal-Mart, dans l’Arkansas. Un Etat dont le gouverneur s’appelait Bill Clinton. Après y avoir glané moult billets verts et actions Wal-Mart, Hillary a aussi été l’associée d’un cabinet d’avocats qui représentait le géant du discount. Le groupe fait depuis longtemps face à un déluge de plaintes. En 2007, Human Right Watch a rappelé que Wal-Mart faisait l’objet « de la plus importante action collective (…) en matière de discrimination » : 1,5 million de femmes estiment avoir été lésées « en matière de promotions, de salaires, d’attributions de postes et de formation professionnelle ». Mais cela ne semble guère avoir gêné dame Clinton.
O.V.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
michel edouard leclerc est un moulin à vent schizophrène qui gueule contre les prix des centrales d’achat alors que son système est basé sur des franchisés qui ont obligation de se fournir auprès des centrales d’achat du groupe
la grande distribution ne connait pas la crise, son but n’est plus le chiffre d’affaires mais la marge, et pour marger, elles margent à fond
la marge a augmenté de 10% là où je travaille pour un chiffre d’affaire stable : en clair il y a eu des augmentations de prix injustifiées de 5 à 15% surtout sur les produits alimentaires de base
dans le même temps, les employés sont poussés à faire toujours plus pour des augmentations qui ne suivent même pas l’inflation et l’interressement se résume à une aumône symbolique