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Sans-abris un jour, sans-abris toujours (SDF, III)

Exclusion / mercredi 31 décembre 2008 par Olivier Vilain
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Le sort des Sdf fait penser aux « perroquets », ces portes tournantes dans les grands hôtels dont on n’échappe jamais. Une fois coincés dans le circuit de l’hébergement, les sans-abris s’installent dans l’exclusion.

Présidente de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), qui regroupe de grandes associations d’aide aux exclus, Nicole Maestracci rendait visite, mardi soir, à « La Chapelle », un centre d’hébergement situé face à la gare de Lyon : une cinquantaine de pensionnaires, le regard absent ; des lits de camps alignés le long de grands murs vides ; une table, au centre du dortoir, où quelques uns sont attablés devant des plateaux repas.

A la porte, c’est « Doudou »qui accueille les visiteurs. Doudou ou vingt ans d’errance, sans boulot, entre la gare de Lyon et le centre de « La Chapelle ». Vingt ans de galères, où ce poète maudit a abandonné jusqu’à l’idée de se loger un jour sous son propre toit. Comme lui, la plupart des exclus qui peuplent le centre de la Chapelle, sont là depuis des lustres. « Il faudrait que nos pensionnaires s’habituent à sortir du centre à l’heure du déjeuner », affirme un éducateur. C’est dire l’état de chronicisation de ces populations.

Les centres d’hébergement, premier et dernier recours

La réalité du système de prise en charge des Sdf, la voici : des hommes, surtout des hommes, qui sortent de prison ou d’hôpital psychiatrique… Ou qui ont été victimes, comme on dit, d’un accident de la vie, divorce ou chômage, c’est selon. Exclus parmi les exclus, ils ont trouvé dans les centres d’hébergement un premier et dernier recours. Autrement dit, comme autrefois dans les hôpitaux psychiatriques, l’hébergement au long cours les a figés dans un statut d’assisté.

Une fois entrés dans le circuit, les Sdf n’en sortent plus. Les spécialistes appellent cela le syndrome de la revolving door, la porte qui tourne sur elle-même dans les grands hôtels. Un peu comme les anciens détenus qui deviennent récidivistes et retournent en prison !

« Ce qui est inadmissible, c’est que le nombre de places d’hébergement a doublé en dix ans, l’urgence a été, tant bien que mal, prise en compte, mais en revanche rien n’est fait vraiment pour réinsérer ces hommes et ces femmes », constate Nicole Maestracci. Et cette dernière d’ajouter : « C’est moins aujourd’hui une question de moyens que de volonté ».

Comme le nombre de sans-abris augmente chaque année (voir l’encadré ci-dessous), le système ne fonctionne plus : les centres se construisent, se remplissent, ne se vident guère… Résultat : il faut construire toujours plus de places pour faire face aux nouvelles demandes. Un cercle vicieux.

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© Nardo

Encore un effort Madame Boutin !

Depuis dix ans, le nombre de places dans les centres d’hébergement a été multiplié par deux. Ainsi après l’occupation des bords du canal Saint-Martin par les Don Quichotte il y a deux ans, un plan d’action a été négocié entre les pouvoirs publics et les associations. Neuf cent ménages ont bénéficié de mesures d’hébergement, ce qui n’est pas rien. Les sans abris ont été placés dans des logements financés par le 1%, c’est-à-dire destinés à l’origine à loger des salariés.

Une catégorie, les Sdf, en chasse une autre, les bénéficiaires du 1% logement. C’est cette politique qu’on appelle, en jargon administratif, « la fluidité » des files de Sdf. En fait, les spécialistes estiment à un tiers des pensionnaires des centres d’hébergement ceux qui pourraient quitter ces structures provisoires et acquérir un logement. Or ce n’est pas le cas.

Le logement social, une denrée rare

Cet engorgement des populations placées en centre d’hébergement s’explique surtout pour deux raisons : la construction de logements sociaux qui s’essouffle, et les équipes associatives comme les Restos du Coeur qui, trop souvent, « gèrent » les Sdf, se fabriquent une image de grands humanitaires à bon compte (l’hiver surtout) et ne cherchent guère à les réinsérer.

La plupart des associations pointent du doigt la baisse historique de 30% des crédits à la construction de logements sociaux inscrite au budget 2009. Au moment où le nombre de demandeurs de HLM va bondir en raison de la dégradation du marché de l’emploi.

A la lumière d’expériences étrangères, le député Etienne Pinte, auteur d’un rapport en 2007 salué par les associations, estime envisageable, à l’image de l’association Droit au Logement, d’utiliser le parc privé dans une optique de logements « temporaires », moyennant certaines garanties pour le bailleur. A défaut, l’association préconise les réquisitions. Plus généralement, Etienne Pinte dénonce « le retard de construction accumulé au cours des vingt dernières années ». En conséquence, « l’effort en faveur de la construction de logements sociaux doit (…) être maintenu et même intensifié »

Deuxième écueil, les associations vivent trop souvent sur leurs acquis. Chaque année, avec le froid, les médias s’intéressent au sort des sans-abris, alors qu’un nombre infime des 300 sdf qui meurent chaque année disparaissent à la période des fêtes. A cette occasion, les responsables des grandes associations humanitaires entament leur couplet sur le manque de moyens. Et Nicole Maestracci de constater : « Les héros des temps modernes sont du côté de la générosité caritative, Coluche ou l’Abbé Pierre. »

Cette vision humanitaire a ses limites. On aimerait d’avantage de débats sur les moyens concrets de remettre les exclus dans le circuit normal. Pas simple lorsque le chômage a augmenté encore, au mois de novembre, de 64 000 demandeurs d’emploi.

Des sans-abris de plus en plus nombreux

Malgré les demandes des associations, aucun effort n’a été fait pour évaluer cette population composite. D’une institution à l’autre, les chiffres varient. Dans son rapport sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre évalue à 100 000 « au minimum » le nombre de sans-abri stricto sensu, vivant soit dans la rue, soit en hébergement d’urgence. Certaines associations évaluent à 200 000 voire 350 000 le nombre de sans-abri. Toujours est-il qu’il y a plus de 1 million de personnes privées de domicile personnel, dont 50 000 logeant à l’hôtel ; 41 000 dans des cabanes, 100 000 vivant à l’année en camping ; 150 000 personnes hébergées chez un tiers faute d’autres solutions ; 142 500 personnes en structures d’hébergement et d’insertion. Auxquelles il faut ajouter les 145 000 personnes vivant dans l’attente de leur expulsion.

Les profils divers, sont très éloignées du stéréotype du « clochard », avec litron ! A Paris, un tiers des personnes en centre d’hébergement ont un emploi. « La précarisation d’un nombre croissant de ménages et la flambée des prix à la location et des charges locatives ont pour conséquence de faire basculer les plus vulnérables dans l’errance, le squat et les circuits de l’urgence », souligne à ce sujet la FNARS.

Un chiffre frappant entre tous, et à mettre en relation avec la crise des hôpitaux psychiatriques, les deux tiers des sans-abri (68 %) souffrent de troubles de la personnalité ou de problèmes psychiatriques, relève Etienne Pinte, député UMP des Yvelines, dans son rapport sur L’hébergement d’urgence et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. Une proportion qu’il met en parallèle avec la fermeture de 23 000 lits en psychiatrie (-28,5%) entre 1994 et 2005… pour raison d’économies budgétaires. Il ne mâche pas ses mots : « J’ai pu mesurer à quel point l’Etat s’est désengagé de la prise en charge [de ces] personnes ».

Autre public, 85 000 personnes sortent de prison chaque année. « Un quart des personnes accueillies dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale a séjourné en prison ou a fait l’objet d’une condamnation pénale. Pour 20% d’entre elles, le passage en prison est l’événement qui les a fait basculer dans la précarité », relève l’Observatoire international des prisons.Sans parler des demandeurs d’asile, des sans-papiers, des jeunes d’origine populaire qui quittent le domicile de leurs parents.

Vendredi prochain, Bakchich cherchera à comprendre pourquoi, cette année à Paris, des dizaines de sans abris ne sont pas pris en charge, chaque soir, dans les centres existants.

Lire ou relire sur Bakchich.info :

Bakchich débute une série de papiers consacrés aux SDF (337 morts cette année contre 200 en 2007). Pourfendeur des idées reçues, Xavier Emmanuelli ne croit pas aux solutions éloignées du terrain.
« La maraude » est ce moment inespéré où les bénévoles viennent, à pieds ou en camionnette, à la rencontre des sans abris. Portraits !
Un arrêté anti-pauvres réglemente la présence des « SDF » dans les rues du centre-ville d’Angoulême.

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1 MESSAGES

Forum

  • Sans-abris un jour, sans-abris toujours (SDF, III)
    le mercredi 31 décembre 2008 à 23:24, rousseau a dit :
    il y a aussi des sdf dont la famille dispose de logement vacant !!! certaines meres n hesite pas apres le deces de son cojoint a depouiller l orphelin de sa pension de pupille de la nation pour acheter un studio a Nice hystoire de faire bien et de laisser son propre fils a la rue !!!! quand certaines familles de sdf auront elles un peu de bon sens ?? Rousseau
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