La justice française fait preuve de complaisance à l’égard du Président tchadien Idriss Déby. Spécialement la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, qui juge depuis lundi l’affaire des vrais-faux dinars de Bahrein.
Dés l’ouverture de l’audience lundi 16 novembre, Madame Quantin, la présidente de la 11e chambre, a constaté l’absence des deux prévenus tchadiens, Pedro Lazare, l’apporteur de l’affaire au palais présidentiel de N’djamena, et Hassan Fadoul Kitir, nommé conseiller spécial du président par Idriss Déby pour superviser l’impression en Argentine des coupures de 20 dinars de Bahrein et leur acheminement au Tchad.
Il s’agit de la plus grosse affaire de contrefaçon monétaire jamais jugée en France, 350 millions de dollars en billets de 20 dinars de Bahrein.
Curieusement, Mme Quantin a disjoint le cas de Pedro Lazare du procès en cours, mais a décidé de juger Hassan Fadoul en son absence. Réfugié politique au Togo, Hassan Fadoul y réside depuis 9 ans. Pourtant Hassan Fadoul, sera, lui, jugé in absentia. Tant mieux pour Déby. La cour n’entendra pas la version de Hassan Fadoul, qui a pourtant donné à Bakchich moult détails précis sur l’implication personnelle et directe de son président .
Très difficile de comprendre pourquoi l’huissier chargé de signifier à Pedro Lazare sa comparution devant la 11 ème chambre ayant échoué dans sa mission, cela aboutit à ce que Pedro Lazare ne soit pas jugé maintenant, alors que celui dépêché à Creteil pour prévenir Hassan Fadoul, aboutit à un fiasco similaire, puisque l’intéressé, est de notoriété publique résident au Togo, sous le statut de réfugié politique.
Hassan Fadoul tente néanmoins de se faire entendre. Mardi 17 novembre, la présidente de la 11e chambre donne lecture -très partielle- d’un fax [1] reçu le jour même du Togo, dans lequel Hassan Fadoul réitère sa demande de comparaitre, et souligne le refus opposé par le consulat de France à Lomé à sa demande de visa. Mme Quantin se borne à rappeler qu’en France il y a séparation des pouvoirs, et que la délivrance d’un visa ne relève pas de la justice. Elle ne voit donc aucune raison de ne pas le juger en son absence…
Deux jours de débat ont fait émerger les contours passablement flous d’un prince appartenant à la famille royale d’Arabie Saoudite, son altesse royale Fayçal. Selon la présidente, il s’agit de l’un des 5 ou 7000 membres de cette vaste famille, n’exerçant aucune fonction officielle, et inconnu de l’ambassade de France à Ryadh. Pour deux prévenus interrogés, qui ont été à son service, il s’agit au contraire de l’un des fils de feu le roi Fayçal.
La relation d’une visite à son palais des environs de la capitale saoudienne effectuée en avril 1998 par Jean-Pierre Charrioux laisse rêveur : venu proposer au prince une affaire immobilière à St Tropez, il se retrouve dans une vaste salle dont les murs sont tapissés de cartons débordants de billets de banque de toutes origines. Francs suisses, luxembourgeois, livres sterling, dollars australiens, néozélandais, canadiens, américains ryals saoudiens, etc etc.
Jean-Pierre Charrioux comprend à cette occasion que l’éventuelle participation du prince à son projet immobilier sur la côte d’azur se fera en liquide et nécessitera une opération de change préalable à l’ouverture de comptes bancaires en France.
Autre collaborateur du prince flou, Jean-Pierre Kimbangala, un ressortissant congolais titulaire d’un passeport sud-africain et résidant en France. Pressé sur sa relation avec Fayçal, Jean-Pierre Kimbangala finit par lâcher que celui-ci lui faisait sans doute "confiance à 50%".
De l’ordinateur de ses enfants, la justice a fini par extraire une foule de documents censés émaner du prince Fayçal, qui semble jouir de dons multiples, puisque 11 documents qui lui sont attribués sont tous d’une écriture différente. Pour JPK, qui n’a pas la moindre difficulté pour se contredire à chacun de ses interrogatoires, devant la 11 ème chambre, tout est simple : le prince Fayçal, pour des raisons qu’il ignore, avait entreposé chez Ciccone, l’imprimeur argentin des Dinars bahreinis qui lui appartiennent, et qu’il souhaitait acheminer vers l’Europe. Il y eut donc, en mai 1998 3 rotations avec Comme destination initiale Nyamey (Niger) 1 vol, et N’djamena (Tchad) 2 vols.
La présidente précise qu’en tout état de cause, la Commission rogatoire envoyée en Arabie saoudite pour en savoir plus sur les activités du prince est restée sans réponse. Tout comme celle adressée au Tchad.
En revanche, malgré l’insistance de la partie civile (l’état du Bahrein et son autorité monétaire) une étonnante contradiction subsiste dans le dossier : les experts du Crédit Suisse à Zürich considèrent toujours les coupures de 20 Dinars de Bahrein pour un montant de 10 millions de dollars qu’ils ont eu à expertiser en mai 1998 comme authentiques, ce qui n’est ni le cas des experts français de contrefaçon monétaire, ni de ceux de l’entreprise britannique Delarue, officiellement en charge de l’impression de la devise bahreinie.
Les 10 millions de $ avaient été changés par le marocain Hicham Mandari, absent au procès pour cause d’assassinat, en Espagne en 2004. Il est le seul à avoir changé sans encombre un volume appréciable de la devise bahreinie printed in Argentina.
Bakchich, depuis deux ans et demi s’en est toujours tenu à cette qualification, car changer pour 10 millions de dollars une devise à circulation aussi restreinte que le dinar de Bahrein , après 5 jours d’expertise par les spécialistes du crédit suisse de Zurich, implique nécessairement qu’au moment de la transaction, fin mai 1998, ces billets de 20 dinars étaient encore vrais. 10 jours plus tard ils étaient devenus faux. Ce lot imprimé à Buenos Aires par Ciccone calcografica a par conséquent toutes les caractéristiques du vrai-faux.
A lire sur Bakchich.info :
[1] (notre document)