La semaine dernière, « Bakchich » révélait que la Scientologie avait mis en scène, dans une de ses vidéos promotionnelles, un faux collaborateur du maire de Marseille. Depuis, nous l’avons retrouvé. Et son histoire n’est pas triste. Un beau pastis marseillais comme on les aime.
C’est un sacré remue-ménage qu’a déclenché Bakchich, la semaine dernière, en révélant quelques-uns des bidonnages auxquels se sont livrés les scientologues dans une vidéo de promotion de leur organisation. De nombreux lecteurs ont entrepris, à leur tour, de vérifier la réalité de tel ou tel témoignage. Dans cet exercice, le réseau des anonymes s’est particulièrement distingué, inaugurant un nouveau genre, l’enquête participative. Le web ne cesse de révéler ses possibilités !
On trouvera sur le site enturbulation.org le résultat de ces investigations. Il confirme nos intuitions : certains témoins n’existent pas ; d’autres sont présentés avec des titres approximatifs ; une faible minorité est ce qu’elle prétend être. Encore ne sait-on pas dans quelles circonstances les témoignages ont été recueillis et si leurs auteurs étaient au courant de l’utilisation qui en serait faite. Bref, le navire fait eau de tous côtés.
Pour sa part, Bakchich a poursuivi son enquête sur le mystérieux membre du cabinet du maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin. Il faut dire que nous avons été aidés par un commentaire, plus ou moins bien intentionné, qui nous a mis sur la piste d’Abel Djerari, ancien adjoint au maire d’arrondissement du 6ème secteur de Marseille (11 et 12ème arrondissement).
Nous avons donc contacté l’intéressé. Bingo, Abel Djerari est bien le témoin abusivement présenté comme un collaborateur du maire de Marseille.
Certains commentaires, peut-être inspirés par l’ombre immortelle de Ron Hubbard, nous ont reproché de ne pas avoir fait notre métier. A entendre ces experts en journalisme, nous aurions dû trouver l’identité d’Abel Djerari à partir de sa seule photo. Il nous suffisait, poursuivent ces conseilleurs, de parcourir l’organigramme des conseillers municipaux et des conseillers d’arrondissement de Marseille.
Aimable plaisanterie. Car encore fallait-il savoir que ce mystérieux témoin marseillais avait été, un jour, élu. Il aurait, tout aussi bien, pu être plombier zingueur à Hazebrouck ou scaphandrier à Manille. Aurions-nous dû parcourir les annuaires professionnels du monde entier ? Ou frapper aux portes, photo en main ?
Toutes ces digressions sur notre enquête n’ont qu’un seul but : faire oublier que la scientologie a été surprise en flagrant délit de mensonge et de manipulation. – « Ne vous défendez jamais. Attaquez » prescrit un commandement de Ron Hubbard. Quoi qu’en dise l’organisation, aucun collaborateur de Jean-Claude Gaudin ne lui a apporté un quelconque témoignage. Et partant, une caution morale. Car c’est bien là l’objectif recherché à travers cette mystification cinématographique.
Revenons à Abel Djerari. Voici un an, cet ancien agent immobilier de 55 ans, aujourd’hui reconverti dans la formation, a livré « un témoignage sur les droits de l’homme » au président d’une petite association satellite de l’Église de scientologie, « Non à la drogue, oui à la vie ». Son nom ? Robert Galibert, « un monsieur très connu à Marseille pour ses conférences sur la drogue ».
Abel Djerari savait-il que Robert Galibert était scientologue ? « Oui, bien sûr », répond notre témoin marseillais. « Mais, je n’entendais pas soutenir l’Église de scientologie à travers mon témoignage. Je respecte cette confession, mais je suis musulman. J’approuve simplement l’action de la scientologie en faveur des droits de l’homme ».
Étrangement, malgré nos appels répétés (mardi 25 et mercredi 26 mars 2008), Abel Djerari nous a affirmé ne pas avoir trouvé le temps de visionner la vidéo dans laquelle il apparaît. « Je ne peux donc vous dire ce que j’en pense » s’excuse-t-il. Comme c’est dommage.
Robert Galibert, que nous avons également joint, est plus disert : « Il n’y a aucune tromperie. Monsieur Djerari sait qui je suis. Il était parfaitement informé de la destination de son témoignage. C’est un homme remarquable. Il en faudrait davantage comme lui ». C’est vrai, on ne se bouscule pas pour vanter l’action des scientologues…
Mais pourquoi Robert Galibert a-t-il présenté Abel Djerari comme un membre du cabinet du maire de Marseille ? A cet instant, notre homme s’emporte « Il fait partie de la mairie de Marseille, non ? C’est pareil. Vous faites une histoire pour rien ».
Eh bien, non. Un conseiller d’arrondissement - qui ne siège pas au conseil municipal de la ville - et un membre du cabinet du maire, ce n’est pas la même chose. A ce compte-là, le gardien de la paix qui règle la circulation devant l’Élysée pourrait se présenter comme le garde du corps du Président de la République.
Pour mieux cerner la personnalité d’Abel Djerari – après tout, ce n’est pas tous les jours qu’un élu, fut-il modeste, se range sous la bannière de la scientologie - Bakchich s’est donc tourné vers le maire UMP du 11 et 12 ème arrondissement, Roland Blum, réélu voici quinze jours.
Et là, le son de cloche est nettement moins laudateur : « J’ignorais tout de cet engagement en faveur de la scientologie », raconte l’édile. « Monsieur Djerari n’avait jamais manifesté la moindre inclination de ce type. En revanche, c’est un personnage pour le moins curieux. En 2003, j’ai été contraint de lui retirer sa délégation à la vie sociale et aux quartiers. Il avait porté des accusations infondées contre le secrétaire général de la mairie. Après cet incident, il a déserté les réunions du conseil d’arrondissement et claqué la porte de l’UMP ».
L’engagement politique d’Abel Djerari est effectivement à géométrie variable. En 2002, alors qu’il appartient à une majorité UMP, il se présente aux législatives dans la 8ème circonscription de Marseille. Avec 180 voix, soit 0,46% des suffrages, on ne peut vraiment pas parler d’un succès, fut-il d’estime.
Nouvelle tentative en 2004, lors des élections régionales. Abel Djerari se présente à la tête d’une liste communautaire qui ne dit pas son nom. Résultat : 0,39% des voix.
D’aucuns auraient jeté l’éponge. Mais pas notre UMP en rupture de ban. En juin 2007, il est à nouveau candidat à la députation dans la 8ème circonscription de Marseille. Il obtient 215 voix, soit 35 de plus qu’en 2002… A ce rythme là, ce n’est pas gagné.
Roland Blum se souvient avoir reçu des appels du pied de son adjoint privé de délégation, quelques mois avant les municipales. La brebis égarée semblait vouloir regagner le troupeau. « Mais j’ai préféré ne pas donner suite », explique-t-il . Résultat, Djerari est allé s’attabler à la cantine d’en face. Entendez le socialiste Christophe Masse, qui, tout heureux, l’a installé à la onzième place de sa liste. Et n’a pas négligé d’exploiter ce ralliement. Dans un tract de campagne (voir doc plus bas), Abel Djerari dénonce ainsi la « gestion discriminatoire » de son ancien mentor et décerne un brevet de vertu à Christophe Masse et Jean-Noël Guérini.
Fort heureusement pour ces deux là, le rallié de la vingt-cinquième heure s’est abstenu de faire état de sa sympathie pour la scientologie. Cela aurait certainement mis de l’ambiance. Quoi qu’il en soit, l’onction de Ron Hubbard est bien peu de chose. Christophe Masse n’a obtenu qu’un peu plus de 45% des voix et Abel Djerari, en position trop éloignée sur la liste, n’a pas été élu au conseil d’arrondissement. Mauvaise publicité pour la secte…
En tout cas un bon journaliste n’a pas besoin de dénigrer les plombiers , ont pose peut etre des micros au canard Enchainé mais ont n’est pas des bachi-bouzouk je transmet votre article a la chambre syndicale de couverture-plomberie.
un plombier
Bonjour,
Je ne suis pas scientologue et ne connais aucune des personnes citées.
A la décharge de l’ancien élu marseillais, je fais observer qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, ce que savent bien tous les manipulateurs, dont les scientologues, ce qui motive une part des combats qu’ils mènent sous diverses couvertures, comme l’association "Non à la drogue, Oui à la vie". Ces combats, d’autres les mènent aussi sans aucune arrière-pensée, simplement parce qu’ils les estiment justes et nécessaires. Il serait dommage de les dénigrer, de les discréditer, ou de les assimiler faussement à des scientologues, au seul motif que sur certaines questions leurs discours ou arguments sont semblables ou rejoignent ceux de la secte. Encore une fois, si les scientologues ne disaient que des sottises, ils ne feraient pas d’adeptes.
Sur son conflit avec Roland Blum, la seule version de ce dernier ne me satisfait pas, j’aimerais connaître celle de l’intéressé.
Quant à ses retournements de veste "idéologiques", il me semble que ce genre de comportement caractérise à peu près toute la classe politique française.