Tout ne roule pas pour les 280 salariés chargés de la maintenance de la flotte Vélib’. Les procédures prud’homales se multiplient contre JCDecaux, soupçonné par ailleurs de flouer la mairie de Paris.
« Vous vous rendez compte qu’on est placé sous la convention collective des vendeurs d’articles de sport, comme ceux de Décathlon ! » tempête Meissa Fall, délégué syndical Sud-Solidaires, trois grèves et deux débrayages au compteur.
Ce jeune salarié de Cyclocity (la filiale de JCDecaux exploitante du système de vélo en libre-service) qui gagne 600 euros par mois pour 20 heures hebdomadaires, précise : c’est un des statuts les moins avantageux et qui ne correspond en rien à l’activité des 280 salariés en charge de la maintenance de la flotte Vélib’. « Cette convention est la plus adaptée à notre activité », rétorque Albert Asséraf, le directeur de la stratégie du groupe JCDecaux. Alors qu’on ne vienne pas lui réclamer des primes de risque et d’intempéries.
Pourtant, ses agents ne ménagent pas leurs efforts pour entretenir quotidiennement un parc de 24.000 vélos à Paris et en banlieue. Du vélo, ils en mangent à toutes les sauces. Car les soutiers de Cyclocity se déplacent avec les 100 Sparta, des vélos électriques hollandais qui ont la particularité de tomber en panne régulièrement. Du coup, ils roulent… à Vélib’ ! Pas facile, quand on trimballe 22kg de matériel sur le dos, 7 heures par jour… Et lorsqu’ils ne pédalent pas, ils empruntent une des 22 remorques appelées « véhicule articulé » par JC Decaux. Problème, selon Meissa Fall : « ils affirment que la remorque pèse moins de 750 kg. Mais parfois, c’est bien plus ».
Et évidemment aucun des employés de Cyclocity n’est titulaire du permis qui permet de tracter une remorque. Résultat, des accidents à la chaîne. Les camions qui transportent les Vélib’ en panne ne freinent pas quand il pleut à cause du poids de l’attelage, les embrayages cassent en permanence, les feux de recul sont invisibles. Conseil de Meissa Fall : « priez pour ne jamais être devant un véhicule à remorque sous la pluie ». Nous voilà rassurés.
Autre aberration du dispositif : les salariés chargés de la régulation des Vélib’ n’ont pas de GPS, mais seulement des cartes papier qu’ils ont dû quémander. Pas d’ordinateur non plus pour connaître les stations vides ou pleines. Tout se fait par téléphone. Une perte de temps considérable. Selon Boris, 27 ans, « technicien borne », « on n’a pas assez de matériel, il faut tout se prêter ».
Dans ces conditions, pas étonnant que les salariés de Cyclocity craquent. « Le turn-over ici, c’est pire que chez Mc Do, l’ancienneté moyenne c’est moins d’un an » selon Thibault Prenez, viré fin 2007 pour avoir, selon lui, posé trop de questions sur la sécurité des remorques.
Selon les syndicats, il y a eu 128 licenciements en 2008. Sans confirmer ce nombre, JC Decaux avance que « plus de 85% d’entre eux sont des licenciements pour abandon de poste ». Reste que les procédures devant les prud’hommes se multiplient : plus d’une vingtaine de dossiers, à en croire Thibault Prenez.
Les salariés s’interrogent aussi sur les objectifs qui leur sont fixés. L’accord d’indemnisation conclu avec la mairie de Paris (voir encadré en fin d’article) pousserait-il JCDecaux à gonfler le nombre de vélos à réparer ? « C’est quoi un vélo dégradé ? Quand la roue est percée, quand il manque des rayons ? Il n’y a aucun critère objectif. Ils font plus que gonfler les chiffres. Du coup, des collègues gonflent leur nombre de réparations pour atteindre les objectifs », affirme Thibault Prenez.
Selon JCDecaux, il y aurait 1 500 réparations de Vélib’ chaque jour. Impossible, pour Meissa Fall, qui chiffre entre 800 et 900 les interventions quotidiennes. Certaines réparations prennent 5 minutes alors que d’autres nécessitent une demi-journée de travail.
Tout cela, bien sûr, ne crée pas un climat social particulièrement détendu. D’autant que le compte n’y est pas toujours sur le plan financier. Selon Néfa, « technicien borne » au dépôt de Saint-Cloud, des heures supplémentaires restent impayées et les rémunérations du week-end non majorés. Mais surtout, le jeune homme de 25 ans évoque les « rapports horribles » avec la hiérarchie et les « blagues » de mauvais goût de certains cadres sur l’origine sociale des salariés. Pendant ce temps-là, les bobos parisiens et les touristes pédalent
Du côté de l’Hôtel de ville, on dit en substance que les problèmes des salariés de Cyclocity, c’est avant tout celui de JCDecaux.
L’entreprise a bien été saisie fin 2008 par les services municipaux, mais seuls des accords d’intéressement et sur les locaux techniques ont été conclus depuis. Le taux de satisfaction des parisiens restant très élevé, la mairie n’avait pas très envie d’en rajouter, d’autant que Vélib’ lui rapporte 15 millions d’euros par an. Sauf que le vandalisme s’est invité dans la partie : 15 000 vélos volés ou dégradés en 2008. Hors de prix.
Depuis l’an dernier, un nouvel avenant au contrat lie la capitale à JCDecaux : la mairie doit lui rembourser 400 euros par vélo volé ou dégradé. Une arnaque, selon les salariés de Cyclocity qui ont fait leurs petits calculs. Pour eux, un vélo neuf coûte 280 euros à JCDecaux.
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vélib est un très bon système et c’est vraiment une bonne chose que l’on puisse utiliser un vélo plutôt que les transports en commun ou la voiture, plus chers !
dénoncer tous les abus de l’entreprise est tout à fait légitime est bienvenu, mais je ne vois pas l’intérêt de traiter les usagers de bobo, ce n’est pas cher, on peut l’utiliser pour travailler et pas seulement sortir au point éphemère, dommage de changer de sujet au dernier moment, le premier était très bien