A la Comédie-Française, la direction, bien qu’alertée dès 1979 par le comité d’entreprise sur la présence d’amiante dans le bâtiment, a fait preuve d’une remarquable surdité. Drame en quatre actes.
La Comédie-Française présente une nouvelle version de la pièce de Molière. Un drame en quatre actes joué devant les tribunaux.
Premier acte. En février 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass) d’Auxerre condamne le « Français » pour faute inexcusable après le décès par cancer d’un électricien. Le théâtre fait appel.
Deuxième acte. En avril 2008, le Tass de Nanterre rejette la plainte déposée par la veuve d’un cintrier mort d’une fibrose. L’appel est interjeté.
Troisième acte. En avril 2009, la cour d’appel de Paris confirme la décision du Tass d’Auxerre.
Quatrième acte. En février dernier, la cour d’appel de Versailles infirme le jugement de Nanterre et condamne de nouveau l’employeur.
En cause, l’amiante présent dans le théâtre sous forme de flocages, protections diverses et, surtout, bourrelet en bas du rideau de fer. Avant chaque représentation, la vérification de l’appareil dégageait un nuage dont ont profité acteurs, musiciens et personnel, sans oublier le public, assis le nez au niveau du plateau.
Mise en cause, évidemment, la direction qui, bien qu’alertée dès 1979 par le comité d’entreprise, a fait preuve d’une remarquable surdité. Malgré les interventions de la caisse régionale d’assurance-maladie d’Ile-de-France, de l’inspection du travail et du comité d’hygiène, elle allait ensuite se murer dans le déni du risque. Si la Comédie-Française a assuré avec brio le rôle du sourd-muet, elle fut bien obligée de prononcer quelques répliques devant les tribunaux.
Il faut reconnaître que son texte n’était pas à la hauteur : l’électricien décédé aurait fumé et le cintrier aurait pu être victime d’une hypersensibilité aux déjections d’oiseaux, selon le Dr Lévy, bombardé expert indépendant par le "Français" et, par ailleurs, responsable au Medef. De piètres envolées de prétoire qui n’ont, semble-t-il, guère convaincu.
Désormais, la Comédie-Française fait le dos rond et vient de se désister de son pourvoi en cassation dans la première affaire.
La Cour de Cassation a décidé le 11 mai que les victimes de l’amiante ont droit en France à une indemnisation pour l’anxiété suscitée par les risques provoqués par leurs employeurs, mais pas pour avoir été contraints à un départ en retraite anticipé.
"Les salariés se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse", note la Cour de cassation.
Les spécialistes évaluent à 3.000 le nombre de décès annuels dus aux cancers et mésothéliomes liés à l’amiante en France et prévoient 100.000 décès d’ici 2025.
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