Juste avant que la Cour suprême pakistanaise invalide son amnistie, Asif Ali Zardari, le veuf de Benazir Bhutto, a envoyé un commando en Suisse pour tenter de faire disparaître certaines preuves accablantes.
Le 16 décembre, la Cour suprême pakistanaise tire un trait sur l’Ordonnance de réconciliation nationale promulguée en octobre 2007 par le président de l’époque, le général Pervez Musharraf.
Sous la pression des États-Unis à l’époque, le pouvoir pakistanais avait décrété cette amnistie, permettant à l’ancien Premier ministre, Benazir Bhutto de rentrer au pays. Washington espérait alors calmer la crise, qui secouait le Pakistan, en faisant revenir au pouvoir une femme qui jouissait d’une excellente réputation en Occident. Tant pis si Benazir Bhutto, Premier ministre de 1988 à 1990, et de 1993 à 1996, s’est surtout illustrée par son incompétence et pour son amour de l’argent mal gagné. Son mari, Asif Ali Zardari, surnommé « Monsieur 10% », avait la réputation de réclamer 10% sur tous les contrats passés par l’Etat pakistanais.
Benazir Bhutto est assassinée quelques semaines après son retour au Pakistan, et son mari, à la tête du Parti du peuple pakistanais (PPP), grand vainqueur des élections de 2008, devient président de la République.
Le problème, c’est que l’annulation de cette amnistie risque de faire ressortir un dossier de corruption qui sommeille depuis 2007 au palais de justice de Genève.
L’origine de l’affaire remonte à 1997. La Suisse reçoit alors une demande d’entraide judiciaire de la part du Pakistan visant à bloquer les comptes de la famille Bhutto. Cette dernière est soupçonnée d’avoir perçu 12 millions de dollars de pots-de-vin de la part de deux sociétés suisses, la Société générale de surveillance (SGS) et la Cotecna. Le juge suisse Daniel Devaud découvre plusieurs sociétés écran domiciliées aux îles Vierges et à Panama.
Avec l’argent détourné, Benazir Bhutto se serait même acheté une parure d’une valeur de 117 000 livres sterling à Londres. On retrouve également sa mère, Nusrat Bhutto, dans cette affaire de commissions.
Benazir et son mari sont inculpés en Suisse pour blanchiment. Mais après l’amnistie pakistanaise de 2007, Daniel Zappelli, le procureur général genevoise, décide de classer le dossier. En effet, s’il n’y a plus de corruption en amont, il n’y a plus ensuite de blanchiment en aval.
Pressentant que la Cour suprême allait invalider le décret d’amnistie, Ali Asif Zardari a dépêché en Suisse un commando pour faire disparaître les preuves. Sans doute n’a-t-il pas suffisamment confiance dans l’ambassadeur du Pakistan auprès de l’ONU à Genève et dans le diplomate en poste à Berne… L’équipe, comprenant le général D. M., est arrivée de Londres le dimanche 29 novembre. Elle serait repartie le lundi ou le mardi soir suivant avec douze cartons de documents.
Au Palais de justice de Genève, on reste discret sur cette opération. Même si le dossier a été classé, il serait pour le moins étonnant que les autorités judiciaires helvétiques n’en conservent pas une copie. D’autant que la procédure risque d’être réactivée rapidement à la demande de la lutte anti-corruption pakistanaise.
Me Dominique Henchoz, l’avocate de la République islamique du Pakistan, s’intéresse également aux 12 millions de dollars qui avaient été saisis en Suisse. Pendant des années, Benazir Bhutto et Asif Ali Zardari ont nié avoir perçu le moindre pot-de-vin. Ils ne pouvaient donc pas réclamer cet argent. Or, en août 2008, lorsque le procureur genevois a classé le dossier, il a renoncé à toute confiscation… et les 12 millions se sont envolés. Par qui ont-ils été empochés ?