Le nouveau président du Pakistan, Asif Zardari, est surnommé « Monsieur 10 % », à cause de vilaines affaires de corruption qui lui collent à la peau.
Vénérable compagnie d’électricité publique de la ville de Karachi, la KESC approvisionne en courant deux millions de particuliers et d’entreprises de la mégapole pakistanaise. En difficulté financière depuis le milieu des années 1990, sa gestion a été confiée à l’armée de 1996 à 2005. Un mauvais choix, puisque la KESC a été privatisée en novembre 2005. 73 % des parts sont alors vendues pour moins de 200 millions de dollars au groupe saoudien Al Jumaa, et le gouvernement pakistanais conserve les 27 % restantes.
Les premières irrégularités dans le processus de privatisation apparaissent au grand jour en avril 2008. Et de quelle façon ! Bien que la société Al Jumaa ait été tenue de ne pas céder de parts pendant une durée de trois ans, elle a vendu secrètement, pour un prix unitaire de 4,5 roupies [1], 25 % de ses parts (achetées au prix de 1,65 roupie) à un certain Naser al Marri, Koweïtien de son état et faisant office de vice-président. L’opération est juteuse pour Al Jumaa, qui réalise un bénéfice de 10,81 milliards de roupies.
Mais sur le plan financier, la situation de KESC ne s’améliore pas. C’est même la catastrophe ! L’entreprise est au bord de la faillite et les habitants de Karachi subissent des coupures de courant de neuf heures par jour. Bien embêtée, Al Jumaa se tourne alors vers Abraaj, une exotique société privée basée à Dubaï, enregistrée aux Iles Caïmans et présente au Pakistan dans le secteur de la métallurgie, de la finance et du secteur aérien. Objectif : lui confier la gestion de KESC et lui vendre à terme les parts appartenant à Al Jumaa.
Quand les négociations débutent, beaucoup se demandent pourquoi diable Abraaj accepterait de gérer KESC au moment où celle-ci subit des pertes colossales. Dans les beaux salons de Karachi, on prédit même un scandale à la Enron. Tout le monde est bien conscient que la société est entre autres plombée par des problèmes structurels comme les administrations publiques qui ne paient pas leurs factures. Ainsi, en septembre 2008, le gouvernement pakistanais avait accumulé 1,6 milliard de dollars d’impayés, dont 554 millions dus à la KESC ! Qu’importe, l’accord est conclu en juin 2008 et Abraaj prend en main la gestion de la société d’électricité en octobre 2008.
Une partie du mystère vient d’être levé par le quotidien The News, qui a interviewé Farrukh Abbas, le PDG d’Abraaj Capital : ce dernier a fini par reconnaître qu’il était lié par mariage à la famille du nouveau président pakistanais, Asif Zardari. Il a bien entendu précisé que cette relation personnelle n’avait joué aucun rôle dans le rachat de la KESC par Abraaj…
En fouillant un peu, il se trouve également que le responsable de la communication et du marketing d’Abraaj/KESC, Qashif Effendi, est, lui aussi, un « parent éloigné » d’Asif Zardari. Encore plus fort : le nouveau responsable financier de la KESC, Jalil Tareen, est un cousin et ami proche de Shaukat Tareen, conseiller du Premier ministre pour les Finances. Et, cerise sur le gâteau, le fondateur et directeur général d’Abraaj n’est autre qu’Arif Masood Naqvi, un banquier pakistanais formé à la London School of Economics et qui a fait ses classes chez Arthur Andersen et American Express mais qui est surtout l’un des conseillers financiers d’Asif Zardari !
Comme par miracle, Abraaj se voit maintenant dérouler le tapis rouge pour redresser la KESC. Elle a déjà obtenu un traitement de faveur du gouvernement qui lui permet d’acheter l’électricité à 25-30 % du prix normal. Ce qui avait toujours été refusé à KESC, y compris lorsqu’elle était gérée par des généraux. Abraaj prétend par ailleurs avoir d’ores et déjà réglé tous les problèmes en suspens depuis des années, notamment les impayés. Bien sûr, cela est dû à la compétence des nouveaux dirigeants et non à leurs liens de parenté avec le président pakistanais…
En retour, les rémunérations de ces dirigeants sont en rapport avec leurs compétences : leurs salaires sont compris entre 1 et 5 millions de roupies par mois, auxquels s’ajoutent de nombreux avantages. Et au cas où les Pakistanais se poseraient des questions, les dirigeants d’Abraaj précisent qu’ils n’ont pas rejoint la KESC pour gagner de l’argent, mais qu’ils ont renoncé à des postes lucratifs pour remettre sur pied la société et « participer à une histoire qui allait améliorer la vie de millions de personnes ». On respire, ne reste plus qu’à connaître le montant des commissions que touchera Asif Zardari.
C.G.
[1] 1 euro = environ 100 roupies pakistanaises
je suis très sceptique quant à ces accusations, passer onze ans en prison pour des soupçons de corruption, sans jamais avoir été condamné, vous trouvez ça normal ? moi pas. relisez-vous, ça va vous frapper. en france, des personnes condamnées et haut placé ne font jamais de prison, là-bas c’est l’inverse. n’oublions pas que c’est le pays qui a fait pendre son président zulfikar ali bhutto, le père de benazir, pour "conspiration de meurtre". Zulfikar Ali Bhutto était socialiste, avait procédé à la nationnalisation des grandes industries du pays. Son successeur, mis en place par la CIA, Zia Ul Haq, a vite fait de reprivatiser les industries.
Les socialistes de tous pays sont accusés de corruption, de meurtre, et écartés du pouvoir par tous les moyens par des gouvernements alliés aux industriels…
n’oublions pas que l’argent doit aller aux riches, pas aux pauvres