La cour d’appel d’Aix en Provence rejuge ces jours-ci tous les acteurs du transfert d’Eduardo Tuzzio, défenseur argentin, passé par l’OM en 2001. Dans le boxe des prévenus, Patrick Trotignon, ancien directeur général du Servette de Genève, qui en a vu de belles entre la Suisse et le club de Châteauroux, où il officie désormais. Bakchich revient sur ses acrobaties.
Patrick Trotignon « fait de l’huile ». Non que le grâcieux président du club de la Berrichonne Châteauroux, honnête et constant pensionnaire du ventre flasque du championnat de Ligue 2 de football, ait des soucis avec son équipe. Non, l’ami berrichon ne supporte tout simplement plus le climat provençal. Et plus particulièrement l’ambiance à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dont l’avocat général a demandé le 2 avril sa condamnation à 30 000 euros et 12 mois de prison avec sursis pour son rôle dans le transfert de l’Argentin Eduardo Tuzzio à l’OM, en 2001, une bouillabaisse toute marseillaise.
À l’époque des faits, Trotignon occupait le poste de directeur général du Servette de Genève, pas vraiment innocent dans le montage du transfert Tuzzio.
Avant de se retrouver sur le Vieux Port, le natif de la Pampa a en effet suivi un trajet fort sinueux. « Le joueur Tuzzio avait été acheté par l’Olympique de Marseille une première fois libre de tout engagement, pour un prix de transfert de 15 300 000 F, le 26 juin 2001 », décrit gentiment le rapport de synthèse de la flicaille daté du 28 octobre 2004. Puis « le transfert n’ayant pu se concrétiser, le joueur était recruté par le Servette de Génève le 19/7/2006, d’abord au prix de 2 600 000 dollars et ensuite au prix de 5 200 000 dollars ». Une inflation assez étonnante en quelques semaines. « Le 25/07/2001, l’Olympique de Marseille rachetait le joueur Tuzzio au Servette de Genève au prix de 42 500 000 F ».
Des malandrins, en l’occurrence le ministère public, voient dans le triplement du coût du joueur, une mauvaises affaire.
Outre qu’elle rémunère grassement quelques agents de joueurs voire des dirigeants de club, la surfacturation aurait tout simplement permis de jongler avec les règles fiscales françaises… et de rémunérer un joueur en douce sur un compte à l’étranger : le défenseur international et champion du monde (si, si) Franck Leboeuf. Très pointilleuse, la flicaille a dessiné un joli tableau où elle explique que 3 des 42 millions de transfert de Tuzzio ont été versé à Leboeuf, sur un compte luxembourgeois.
Et sur le coup, le parquet marseillais s’obstine. Peu satisfait des résultats du jugement en première instance, en mai 2007, le procureur a voulu jouer une deuxième mi-temps, et a lancé un appel général…
Au grand dam du pauvre Trotignon, ex-directeur général du Servette, relaxé en première instance des chefs de recel et de complicité d’abus de biens sociaux.
Les juges aixois ne sont guère réputés pour leur mansuétude. Date attendu du jugement, le 20 mai.
En plus de ces ennuis judiciaires datant de sa période suisse, le sieur Trotignon a eu, c’est moins connu, de petits soucis avec le club où il officie toujours.
Après avoir quitté le Servette fin 2002, Trotignon avait été recasé par la grande famille Canal +, alors actionnaire majoritaire du club suisse.
Son ami Michel Denisot lui avait déniché un joli poste : président délégué du club de Châteauroux, via un montage fort étrange : un contrat signé le 15 décembre 2002, liait le club de Châteauroux à une société de droit suisse Seje Management, jusqu’au 30 juin 2007.
Avec, à la clé, un « forfait mensuel de 22 900 euros ».
Un contrat fort original qui faisait d’une personne morale un président de club sportif. L’un des avocats du club, Patricia Moyersoen, dans un courrier daté du 18 novembre 2003, s’était ému du « risque pénal encouru, notamment du chef des délits de dissimulation d’emploi salarié, ou encore de marchandage ou de prêt de main d’œuvre à but lucratif… »
Quelques jours plus tôt un autre avocat parisien, Jacques Messeca, mettait en garde l’expert-comptable du club à propos de Seje Management.
Après deux ans d’atermoiement, exit Seje Management de Châteauroux. Mais demeure Trotignon. Le 1er novembre 2005 Michel Denisot lui signait un contrat de manager sportif et directeur de la communication en bonne et due forme, avec une petite réduction salariale, 15 000 brut seulement. Avec, quand même, « tout pouvoir pour engager le club ».
Joli sens du timing. La régularisation tombait pile avant que le club ne se fasse tirer les oreilles.
Dans un rapport d’observation provisoire de janvier 2006, les magistrats de la chambre régionale des comptes du Centre pointent un certain nombre d’irrégularités dans la collaboration entre Trotignon et la SAOS « La Berrichonne », dont des « stipulations contractuelles d’une nature très particulière ».
Avant de se faire plus précis : « la chambre considère que les conditions dans lesquelles M. Trotignon a exercé la direction effective de la société sont entachées d’irrégularités graves, voire de nullité ». Et termine sur le couplet du possible exercice illégal d’agent de joueur.
Bien lunés, les magistrats notent toutefois que ces légers dysfonctionnements avaient été « récemment régularisés ». Et ces petites observations un brin gênantes se retrouvent noyés en annexe, dans le rapport définitif du 30 janvier 2006.